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ET SI VOUS QUESTIONNIEZ LES GRANDEURS DE VOS DIEUX ?

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« Nous sommes hypnotisés par des dieux dérisoires et notre souffrance redouble de les savoir dérisoires. » René Girard

Photo Sodo

Imaginez que dans le monde des immortels se tienne la grande assemblée des divinités. Cet espace sert de tribune aux dieux de toutes les contrées de l’Univers de faire état de leurs créations et ainsi affirmer les  multiples dimensions de leurs puissances. Ces Génies tutélaires des peuples et des nations s’affirment grands ou petits à raison des œuvres gigantesques ou médiocres qu’ils accomplissent sur la terre et dans l’univers. L’univers des dieux est un monde où la notion de hiérarchie s’observe dans toute la plénitude de sa rigueur. Fort de ce principe, les places et les rôles sont attribués depuis les grands jusqu’aux plus petits durant cet auguste assemblée des immortels. Quelles places occuperaient les divinités des panthéons haïtiens à votre avis? Quelle serait la nature du discours qu’ils tiendraient?

Quant aux dossiers touchant la très bouleversée planète Terre, préséance est donné aux dieux des grandes nations qui émerveillent les autres peuples à travers les prouesses de toutes sortes qui aggravent ou rendent meilleur la situation des humains. Prirent ainsi parole, les dieux de ce peuple hétérogène du nord dont le pouvoir subjugue une kyrielle de nations et celles qui lui résistent ne manquent pas de lui témoigner leur respect.

Ces dieux rappellent a leurs pairs présents, qu’un contrat sur des siècles les lie au devoir de garantir la prospérité de la nation qu’ils protègent. Un contrat sur une parcelle d’éternité que le langage des humains ne manque pas de traduire de Nouvel ordre sur les siècles. Ces dieux belliqueux soulignent que leurs guerres créent des spasmes au milieu des mortels, pour les rappeler leurs faiblesses et affirmer la puissance de ceux qui les accompagnent.

Nos forces assomment et nos feux consument les enfants des peuples insoumis, témoignent-ils, et jusqu’à présent nous affirmons par notre puissance qu’aucune convention sur terre ne saurait se passer de la puissante nation dont nous sommes les protecteurs. Voici comment, aux yeux des peuples et des immortels, nous attestons notre incontestable puissance.

 Ensuite, prirent place les dieux de l’Orient. Ceux de l’Empire du milieu gravirent l’illustre tribune pour vanter leurs exploits. Ecoutez, dirent-ils, nous réaffirmons aux yeux des hommes et à la face de l’Univers ce dont nous avions été capables dans le passé. Nos grandeurs assuraient la domination sur tout le continent grâce à nos inventions, notre commerce et notre armée. La grande muraille que nous avions érigée demeure encore altière et ses ruines témoignent de ce passé. Aujourd’hui, nous reprenons la formule sous d’autres versions. Apres avoir combattu notre dieu rival, nous avons pu hisser notre peuple en second rang de puissance dans les royaumes des humains. Nous ceinturons le monde d’un réseau de communication sans précédent. Nos armées se renforcent, nos bateaux sillonnent toutes les mers et toutes les nations parlent de nous et nous craignent. Qui parmi vous aurait fait mieux en si peu de temps ?

S’ensuivirent les dieux des pays froids des nations blanches. Eux qui ont eu des moments épiques de gloires. Leurs œuvres résonnent dans le monde des humains à travers les inventions, la musique, la science, la technologie et leurs constructions colossales.

Les illustres dieux de l’antique monde sont consultés par les nouveaux instructeurs de l’humanité. Ces dieux ambitieux souhaitent connaître les secrets qui ont valu le rayonnement immarcescible de ces grands sages. Ces doyens qui sillonnent aujourd’hui les contrées lointaines de l’immense merveilleux dans d’autres gigantesques projets de création.

Ici l’on voit le collège des anciens protecteurs de l’Egypte, de la Perse, le redoutable Je Suis des Hébreux dont puissance incandescente habita la cime du Sinaï sans pourtant la consumer. Là on voit cet illustre dieu qui épaula les Babyloniens du temps du redoutable roi Nabucanetsar ; les dieux des peuples arabes qui leur ont infus le mystères des nombres et du commerce ; les dieux des tribus de guerriers noirs et de l’Ethiopie ; les dieux austères des anciens Grecs, ces esprits féconds et profonds qui ont façonné les ères, fait vibrer les instrument des musiciens, inspiré les grands bâtisseurs, les poètes et les fameux savants.

Ces esprits immortels ont imprimé une parcelle de leur éternité à travers ces monument qui ne manquent pas d’amplifier l‘émerveillement des humains: Stonehenge, Gizeh et les temples des pharaons, les mystérieuses statues des Iles de Pâques, les menhirs insondables, les pyramides des civilisations amérindiennes, etc. Leurs gloires sont incrustées dans les pierres, les cœurs et les pages des mortels. Il suffit d’évoquer le nom d’un De Vinci ou d’un Goethe, d’un Socrate ou d’un Michel-Ange pour que le verbe humain leur prête sans broncher des hauteurs divines. Dieux de monuments uniques, que toutes les sciences du futur ne cessent de sonder tout étant incapables de les reproduire.

Exploits guerriers, sciences et inventions; tout est passé au crible durant ce merveilleux congrès. Même dans cet univers de puissances, les grandeurs des uns ne manquent pas d’émerveiller les autres. Les créations que ces génies souhaitent distiller apparaissent déjà dans les neurosciences, la nanotechnologie, les nouvelles formes d’énergies et surtout dans ce matériaux qui va révolutionner l’usage des humains, le Graphène. Ils prédirent  aussi les terribles commotions qui vont davantage saccager les humains.

P1320056Malheureusement Haïti  a ses dieux à son image. Dieux pingres et paresseux, insouciants du bonheur collectif d’une nation agonisante dont pourtant ils sont les protecteurs. Ces dieux vaniteux qui se font craindre plutôt qu’aimer, tirent leurs gloires de la soumission aveugle d’un peuple résigné qui leur prête  sans cesse des vertus imméritées. Esprits râleurs dont les bontés ne s’affirment qu’aux sollicitations perfides de tyrans qui martyrisent la nation qu’ils sont censés protéger. Ils intercèdent en faveur d’oppresseurs incultes et arrogants, des apatrides nuls et méchants, avides de pouvoir et de sang en leur accordant sans scrupule le sceptre pour présider aux destinées d’un peuple qui leur sont malgré tout, toujours fidèle.

Inconfortables au milieu de ces illustres Génies aux grandes gloires, ils se sentent obligés d’affirmer quelque chose qui reflète la grandeur. Comme un pied de nez aux dieux farouches des Gaulois, ils leur martèlent comment leurs bras vengeurs ont guidé le courroux des marrons pour gagner l’ultime bataille qui a terni l’éclat de la Grande armée. Mais ceux-ci convaincus de leurs bilans et confortables dans leurs postures, ne répliquent que d’un sourire narquois, comme pour indiquer à ces dieux passéistes dont les gloires perdurent dans d’anciennes conquêtes, qu’on ne gagne point les batailles pour ensuite être réduit à néant. Confus de n’avoir pas su se construire un piédestal de fierté, ils se cantonnent à faire état d’un piteux bilan.

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Nous n’avions pas su prévenir et épargner nos enfants des terreurs de la nature et des pestes qui les accablent. Ils désertent maintenant leurs terres infertiles pour errer dans les cités d’abondance des grands dieux d’ici. Ils sont fauchés au point qu’ils ne peuvent nous donner des présents de valeur, des liqueurs et des offrandes de grande qualité comme le font certains peuples à bon nombre d’entre vous. Ils sont partout rabroués, humiliés, battus, maltraité et lynchés. Ils évacuent leur pays sur de frêles esquifs vers des cieux plus cléments, parfois pour être engloutis par l’intraitable avidité de la reine des eaux.  En dépit des journées de prières collectives qu’ils nous consacrent, nous demeurons impuissants à leurs cris, à leurs larmes et leurs crispations.

Haïti a des dieux que presqu’aucun dieu de l’assemblée ne veut prendre au sérieux. Misérables esprits à l’image de leur peuple. Dieux d’un peuple de gueux qui ne pensent qu’à fuir leur patrie pour ensuite la maudire. Apathiques aux vicissitudes qui tenaillent ce peuple, ils sont des dieux de miettes qui n’accordent que de piètres faveurs: des visas pour les pays froids des puissants dieux blancs, quelques boules de borlette, un homme à une femme, une femme à un homme… Ils délivrent les femmes stériles pour qu’elles mettent au monde des enfants qui finiront leur existence dans le plus profond dénuement.

Ils ne sont point ces dieux pour qui la dignité de leurs enfants s’attache à la prospérité de leurs terres et au respect que leur opposent les autres nations. Ils ne sont point ces dieux de projets colossaux, mais plutôt ceux aux vertus minuscules, qui n’accordent que des grâces de peaux de chagrin. Dieux insouciants des misères de leurs terres, incapables de tourner les trésors enfouis dans les entrailles de celles-ci, pour indiquer à leurs enfants les véritables voies de création de bonheur. Les dieux haïtiens se saoulent de vin de mauvaise qualité et de clairin frelaté. Ils s’imbibent de parfums exotiques et s’abreuvent sans vergogne même du rhum de la ville des dieux voisins qui les narguent sans répit.

A quoi mesure t-on la grandeur d’un dieu si ce n’est qu’a l’aune des grandeurs qu’il a accomplies ? Quelles sont donc les grandeurs de vos dieux ? Sont-ce ces temples chétifs et ces misérables hounforts ? Ces chapelles décrépies et ces cathédrales minuscules ? Où est donc la prospérité pour laquelle vous les invoquez en tout temps et en tous lieux ?

Quel est l’intérêt de vos libations, de vos jeûnes, vos dévotions, vos litanies, vos pèlerinages, vos sacrifices, vos prières et de vos supplications si c’est pour jouir du privilège des miettes des tables abondantes des nations bénies ? A quoi bon tous ces saints, toutes ces vierges aux noms plurielles, ces loas redoutables, ces pasteurs-dieux et toutes ces bondieuseries multiformes si ce n’est pour amender vos âpres conditions ?

Un peuple n’a l’allure que ses dieux l’ont façonnée et le monde des immortels n’est pas exempt de grandeurs et de petitesses. Selon que l’on s’accroche aux grands ou aux petits dieux, leurs grandeurs ou leurs misères se reflètent à travers les humains dont ils sont les tuteurs.

Si en dépit de vos malheurs, vous persistez à implorer ces dieux qui vous regardent flétrir sans broncher. Si malgré tout, vous placez en eux vos ultimes saluts, peut-être que c’est vous qui en faites de leurs petitesses des grandeurs. Car, la grandeur d’aucun dieu ne saurait transparaitre à travers une nation en lambeaux.

Questionnez les grandeurs de vos dieux et vous les rabattrez à leurs justes mesures.

@ralphthjo

Directeur de la Publication à AyiboPost, passionné de documentaire.

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