CULTURE

Erol Josué part en Pèlerinaj. Le prêtre vodou entraine Haïti avec lui.

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« Pèlerinaj, c’est un récit de vie, c’est l’histoire du vodou, c’est mon histoire personnelle », déclare le directeur du Bureau national d’ethnologie.

L’artiste et prêtre vodou Erol Josué vient de paraître son deuxième album titré Pèlerinaj, le 28 mai 2021 chez Géomuse éditions. L’opus est distribué en Europe par Absilone.

Avec dix-huit titres, cet album du prêtre vodou est un long voyage musical entre des sons vodous, jazzés et électros. Ces combinaisons donnent un univers musical particulier et très intimiste à ce disque.

L’album Pèlerinaj résulte d’un cheminement entrepris par l’auteur depuis treize ans après la sortie de son premier disque Règleman. « Pèlerinaj, c’est un récit de vie, c’est l’histoire du vodou, c’est mon histoire personnelle. C’est un récit de vie qui se raconte à travers les lambeaux de la mémoire. Effectivement, treize ans avant, j’avais monté Règleman qui était une forme de pièce matrice sur la musique vodou, où j’ai expérimenté la musique moderne avec des touches électros, le genre de musique électro-vodou», explique-t-il.

Il reste difficile de dissocier Pèlerinaj de l’histoire personnelle de l’artiste : « C’est l’histoire de mon retour en Haïti après 23 ans passés à l’extérieur de mon pays, dit-il. C’est un album, mais c’est toute une trame chronologique autour de l’exil, du retour, des rencontres et c’est à la fois un devoir de mémoire, une forme de valorisation du patrimoine culturel, immatériel d’Haïti et de ma famille aussi, puisque c’est un projet d’artiste. Pour moi qui viens d’un péristyle, c’était une façon de récupérer toutes ces valeurs. »

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Les pérégrinations et les recherches de l’artiste vont débuter lorsqu’une compagnie de production belge fait appel à lui pour le tournage d’un documentaire dans les années 2008-2009 autour du pèlerinage et des lieux de dévotion en Haïti. Erol Josué part pour chercher à comprendre, pour essayer de redécouvrir le pays et le vodou. Il décide d’entamer à côté du tournage un projet plus personnel :

« À partir de là, je décide de faire le pèlerinage à fond, pas seulement pour la télé. Je suis parti avec mon Zoom H4 et j’ai enregistré. Je suis reparti dans le Nord, dans le Centre, dans l’Ouest et je suis tombé sur les cahiers des vodouisants, les cahiers de mon temple, de mes parents où j’ai questionné mon Hounfor qui est vieux de plus de 80 ans. À partir de là, j’ai commencé à faire appel à d’autres musiciens pour leur faire part de ce projet. »

Un livre-disque en préparation

Le séisme de 2010 a aussi joué un rôle dans la production de cet album, et a réorienté le travail de l’artiste.

Ce pèlerinage fait la part au deuil. Mais il célèbre aussi les moments de joie, d’espérance, du vivre-ensemble, du konbitisme dans les lakous: « Il y a eu plein de bonnes choses comme la découverte des sites patrimoniaux dont certains ont été pillés, délaissés. Redécouvrir d’autres facettes d’Haïti, les mettre en musique, en lumière, en écriture. Dans ce Pèlerinaj, il y a de la peur, de la maladresse, des grandeurs d’âme, des inquiétudes, mais en même temps il y a aussi de l’espoir. »

L’album ne s’arrête pas seulement au disque sorti, c’est tout un projet que porte l’artiste. Il y a notamment un livre-disque qui est en route dont la sortie a été retardée par le pays-lock et le Covid-19. Le livre racontera une partie de ce périple qui a été entamé depuis des années. Certaines figures de l’intelligentsia haïtienne, américaine et autres, y figureront à travers une série de textes, comme la directrice du Bureau haïtien du droit d’auteur et écrivaine Emmelie Prophète, Phillipe Charlier qui est le directeur du département de la Recherche et l’Enseignement du musée du quai Branly – Jacques Chirac, Silvana Moï Virchaux, les professeur.es Elizabeth McAlister et Walex Pierre, Lilas Desquiron… 

Porter la mémoire des traditions

Chaque année, plusieurs milliers de pèlerins partent en pèlerinage dans des lieux de dévotion à l’intérieur d’Haïti. Parmi les lieux de pèlerinage mythique, il y a Saut d’Eau à Mirebalais, le lakou Souvenance dans l’Artibonite à environ onze kilomètres du nord des Gonaïves, le lakou Soukri etc…

Erol Josué est l’actuel directeur du Bureau national d’ethnologie qui a été créé en 1941 par l’écrivain Jacques Roumain. Le prêtre vodou, auteur-compositeur et chorégraphe se voit comme « un passeur de traditions » qui, à travers son style musical, sa créativité, réinvente la musique traditionnelle vodou. Son premier album sorti en 2007, Règleman, a été primé « Meilleur album de l’année » par Afropop Worlwide, Rock Paper Scissors et Soundcheck.

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L’œuvre est à l’image de l’artiste-fleuve : un questionnement qui tourne autour de la mémoire, des traditions, de l’exil, du sacré, des dieux et déesses vodou, de la communication avec les forces élémentaires naturelles et surnaturelles de la vie. Le premier vidéo-clip annonçant l’album a été réalisé par Samuel Suffren. Ce travail entrepris en collaboration avec Philippe Cohen-Solal est un hommage à la déesse vodou Erzulie.

Des chansons qui retracent des bribes de vie, qui racontent une ville, un pays en proie à toutes les désespérances. Il y a aussi des textes qui sonnent comme un murmure, empreints de grande sensibilité et de générosité qui redonnent goût à la vie malgré les catastrophes qui surviennent. « La chanson Avekelete me rappelle cet homme qui dansait parce qu’il avait le cœur en joie. Mais en même temps, il ressentait une grande souffrance. Sa femme avait été piégée sous les décombres. Alors qu’elle n’était pas encore tirée d’affaire, la dame lui a réaffirmé son amour. Cet homme est devenu euphorique, et il a commencé à danser. Cela m’a beaucoup marqué», dit Erol Josué.

Faire de la musique pour donner de la joie aux autres, pour dire, pour dénoncer, pour accompagner… 

Pèlerinaj est aussi un album pluriel, métissé, où se côtoient des géographies diverses. Des musiciens venant d’un peu partout y ont pris part. L’on retrouve le saxophoniste Jacques Schwarz-Bart, Ben Zwerin, Mark Mulholland, Charles Czarnecki qui assure notamment le mixage des sons et qui est aussi le superviseur artistique, le guitariste Jean-François Pauvros, l’un des joyaux des musiques improvisées et expérimentales des années 1970, et plein d’autres créateurs.

«Ce sont des gens qui sont devenus quelque part des membres de ma famille, affirme le chanteur. Ce métissage était important, parce que ce sont des expériences. Ces gens-là ont compris ce que je voulais et j’ai compris aussi ce qu’ils faisaient. Ce sont des rencontres extraordinaires. Ces rencontres sont le témoignage de toutes ces années-lumière en dehors d’Haïti. Et voilà! Des musiciens du Pérou, du Brésil, de Paris, des États-Unis, de la Guadeloupe et beaucoup de musiciens haïtiens ont joué sur l’album.»

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Chaque pièce est un voyage dans un univers mystique, hypnotique, porté par des guitares électriques, des percussions, des mixages de sonorités afro-haïtiennes, ou le chœur féminin de Nègès FLA Vodou.

Ces mélanges accordent aux musiques racines une modernité toute particulière. C’est finalement un album qui nous invite chacun à initier notre propre pèlerinage intérieur pour nous retrouver dans le chaos du monde.

« Ce sont ces mélanges-là qui donnent cette soupe du Pèlerinaj puisque finalement nous sommes tous en Pèlerinaj dans des villes grandes ou petites. Faire de la musique, ce n’est pas pour soi-même, mais pour donner de la joie aux autres. C’est pour dire. C’est pour dénoncer, pour accompagner les âmes. C’est une forme de Pèlerinaj extraordinaire», affirme l’artiste.

L’album est disponible en ligne sur toutes les plateformes de streaming.

Les photos sont de Phylicien Casimir / AyiboPost

Amateur de jazz, de vin et passionné de la littérature, Ervenshy Hugo Jean-Louis a été l'un des lauréats du concours international de poésie Africa-Poésie à Yaoundé. Il publie quelque fois des nouvelles et des poèmes qui apparaissent dans des recueils collectifs et des revues en Haïti et ailleurs

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