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Entre l’Angoisse et la Violence

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Comment trouver l’esthétique dans le chaos ? Ou plutôt comment transformer le chaos en œuvre d’art ? Je me suis posé cette question des étés durant et un peu plus tard le questionnement a pris une allure de rêverie. Ce serait comment d’écrire à Paris entre la seine et la Tour Eifel ? En Afrique entre le Nil et les Pyramides ? À New York dans Central Park ? Savourer une tasse de thé dans une rare porcelaine avec les yeux posés sur une Geisha au Japon ? Ce serait comment d’écrire en altitude à destination de Dubaï ? Quelle senteur aurait les mots ? Qu’est-ce qui m’aurait habité ?

Un amer bonheur que de se pencher sur une feuille blanche assis sur un lépreux pan de mur sur le wharf de Port-au-Prince, à regarder la mer, ses déchets, ses promesses, caresser un horizon qui est à réinventer. Ou dans la chaleur infernale de ma chambre, avec les moustiques et des odeurs que je peine à identifier. Comment transformer l’arme de ce policier pointé dans ma direction en poésie pour les enfants? Comment transformer cette soif de sexe et cet assouvissement de la violence dans les rues en littérature pour les sofas moelleux et les antichambres des riches de ce monde ?  Dompter ma peur, ma haine et le dégout, trouver des mots pour les exprimer. Troquer mon envie de fuir contre la spirale de Frankétienne. Quand tout ce qu’on a n’est que vide et poussière, sexe et violence, folie et mensonge.

Ecrire à Port-au-Prince, inventer la littérature du chaos, du non-dit, de l’inexprimable. Ecrire la nuit, quand la ville dort les yeux ouverts, quand le voisin rentre ivre mort, bat sa femme et la baise devant ses enfants. Ecrire de là ou on est en imaginant la ville d’en haut avec ses paillettes et ses lumières, ses voitures de luxes et ses désirs inavouables. Ecrire le mensonge, écrire l’espoir disparu depuis des lunes des discours des politiques.

Ecrire avec empressement parce que la dernière bougie va s’éteindre, écrire pour demain. Se promettre d’acheter plus de feuille blanche, plus de crayon et plus de bougie. Ecrire dans un pays où personne ne sait lire, écrire pour être lu ailleurs un jour et peut-être pour être compris. Ecrire parce qu’on n’a rien d’autres, des bribes de vers de Castera, de FrankÉtienne pour obstruer les interstices de l’existence. Ecrire parce qu’il le faut.

Les feuilles ont soif d’encre, la littérature un héros pour survivre.

Ecrire parce que c’est peut-être beau de dire des choses, de trouver des images pour exposer au monde notre soif de liberté. Pour expliquer le sang dans notre paume. On dit que la littérature est avant tout beauté? Mais que peut-on voir d’ici, avec les yeux tâchés de rage, de faim. Quand la violence, la cupidité sondent les tréfonds de notre âme. Quand notre quotidien résonne la rumeur des parois de l’enfer.

Quand les émotions se bousculent et que les mots se font rares, il y a ce long bus jaune, ces allées et retours aux confins d’un voyage imaginaire, l’impression de voyager, d’être à la commande de sa vie. Sur la route, destination aucune, les mots viennent, je descends et je rentre avec furie. Je porte des mots aux senteurs de lendemains, des mots volés à l’horizon et à la vapeur salé de la mer. Des mots volés aux autres, à la rumeur des trottoirs, des mots éponges, des mots soleil. Pour exprimer une beauté couverte de poussière et de miel, de cendre et de sang. Pour donner au chaos une demeure. Des mots pour construire un mur, pour construire des villes. Des mots disent-ils, pour faire de la littérature.

Ce serait comment d’écrire en Inde ? De quoi je parlerais ? Quel serait le visage du chaos ?

 

 Soucaneau GABRIEL

Image: Drew Coffman

Je suis Soucaneau Gabriel, Journaliste Freelance. Blogueur, animateur radio et télé. Un passionné, un jongleur des mots, poète si on veut. Passionné de lecture, de voyages, de rencontres. La vie est ma plus grande source d’inspiration. Libre dans ma façon d’agir, dans ma tête ainsi que dans mes écrits. Je ne suis pas là pour me conformer aux critères mais plutôt pour faire sauter des barrières. A bon entendeur...

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