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Des universités en France demandent aux jeunes haïtiens de prouver qu’ils parlent français

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Seul le diplôme extrêmement cher délivré par l’Institut français en Haïti est accepté. Ce système est critiqué par des étudiants et des centres d’enseignement de français dans le pays

L’Université d’Aix-Marseille a refusé la candidature de S.S.S. à cause de l’absence d’un Diplôme d’études en langue française dans son dossier. Il y a maintenant un an, la jeune femme a pris part au programme Campus France, afin de poursuivre ses études dans une université dans l’Hexagone. Pour augmenter ses chances, elle a postulé dans plusieurs entités, dont l’Université d’Aix-Marseille qui réclame, des étudiants étrangers, un DELF.

Délivré par l’institut français en Haïti, le DELF certifie le niveau de français parlé et écrit. Il offre, eu égard au cadre européen de référence pour les langues (CERCL), quatre diplômes indépendants allant du DELF A1 au DELF B2.

Le DELF certifie le niveau de français parlé et écrit.

Pour demander ou non cette attestation de langue française à un candidat, l’État français se base sur deux critères, explique le responsable de l’espace Campus France en Haïti, Josemar St-Victor. « Le premier est de savoir si le français est la langue officielle à titre exclusif du candidat. Ensuite, si ce dernier a effectué ses études secondaires avec le français comme langue d’enseignement ».

Le français n’est certes pas la langue officielle à titre exclusif d’Haïti, mais il constitue la langue d’enseignement. Et sur la base de ce motif, le test ne devrait être exigé pour aucun étudiant haïtien. Pourtant, non seulement des universités du programme Campus France l’exige, les candidats doivent débourser 6 500 gourdes pour passer le B2 au risque de voir leur candidature rejetée.

Institut Français en Haiti, seul établissement autorisé à délivrer le DELF pour le département de l’Ouest

Techniquement non obligatoire

Détenir un diplôme en langue française n’est pas imposé de manière systématique. C’est ce que tous doivent comprendre, selon Josemar St-Victor. « C’est recommandé, mais pas obligatoire. De ce fait, si la personne ne passe pas le test, elle ne sera pas pénalisée ».

Toutefois, des établissements comme l’Université Claude Bernard ont déjà refusé des candidatures haïtiennes sur la base que ces personnes ne sont pas titulaires d’une attestation de langue. « Pour aider les étudiants à se prémunir contre d’éventuelles surprises venant d’établissements pouvant exiger le DELF », un accent particulier est mis sur la préparation dudit diplôme.

Lire aussi: Etudier en France peut être un défi. De jeunes Haïtiens témoignent.

Au cours de diverses rencontres virtuelles réalisées pendant le processus d’inscription, l’institut français propose aux intéressés au programme de préparer le test.

L’étudiant en psychologie Clarens Lesly Anglade affirme avoir suivi toutes les rencontres virtuelles via la page Facebook de l’Ambassade de France en Haïti. Pourtant, il n’a pas passé de test pour sa candidature pour des études en master en France. « Lors des rencontres, les formateurs ont soutenu que le DELF constitue une valeur ajoutée pour notre dossier, informe Anglade. Par conséquent, il n’est pas nécessaire. Surtout si l’université pour laquelle on postule n’en fait pas une exigence.»

Espace Campus France, au sein de l’Institut Français en Haiti.

Restriction absolue

Le système d’enseignement supérieur de la France est essentiellement public. « Il y a 69 universités publiques contre 5 universités catholiques », déclare Josemar St-Victor. En d’autres termes, c’est l’État qui finance les études des universitaires.

Pour pouvoir accueillir des étudiants étrangers, « l’État français, à travers le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères ainsi que le ministère de l’enseignement supérieur a mis en place la procédure Études en France ». Ce programme non spécifique à Haïti permet d’utiliser une plateforme unique pour faire ses demandes d’admission. Ainsi, le candidat peut cibler jusqu’à sept universités. Il aura non pas sept, mais un seul dossier.

Le système d’enseignement supérieur de la France est essentiellement public avec 69 universités publiques contre 5 universités catholiques.

D’entre ces institutions d’études supérieures, certaines appliquent une sorte de restriction absolue pour le DELF. Et Campus France n’y peut rien. Car « la politique de compétences linguistiques est du ressort de France éducation internationale », explique St-Victor.

Seize années de scolarité en français

Qu’importe les raisons, « le DELF ne devrait pas être exigé aux étudiants haïtiens », soutient Samantha Hyppolite, une utilisatrice de la plateforme Campus France. Son principal argument reste simple : seize années de scolarité dans la langue française.

Cet argument ne fait pas unanimité. Djimitri Julien est professeur de philosophie et de littérature. Il se prononce en faveur de cette demande de DELF. « Le niveau de notre éducation, constate-t-il, n’a fait que baisser depuis au moins cinq ans. Et avec lui, le niveau de réflexion et de production de nos élèves dans la langue française ».

Selon Djimitri Julien, les problèmes liés à la langue de Voltaire sont multiples. Et cela vient engendrer, toujours selon lui, un problème d’idées, de sens et de clarté.

Lire également: C’est désormais plus difficile de devenir médecin licencié en Haïti. Les jeunes étudiants protestent.

L’examen pour le DELF s’élève à 6 500 gourdes. Des étudiants et responsables d’établissements d’enseignement du français en Haïti se demandent pourquoi seul est accepté le diplôme délivré par l’Institut français.

« De nombreuses écoles professionnelles considérées de renom, offrent des cours de communication française », déclare John-Woobens Reunaldo Kolason un candidat à Campus France. « Pourquoi donc les certificats qu’elles délivrent ne sont-ils pas valables ? ».

Pour le responsable de l’école professionnelle locale, la raison de ces différents tests de français exigés est surtout économique.

À cela, un responsable des ressources humaines dans une de ces écoles professionnelles tente d’apporter une réponse. L’homme requiert l’anonymat pour, dit-il, ne pas provoquer de polémiques avec les espaces Campus France, qui « sont des services de l’Ambassade de France ».

Pour le responsable de l’école professionnelle locale, la raison de ces différents tests de français exigés est surtout économique. « Nous offrons des cours de langue française de qualité, dit-il. Nos évaluations et nos diplômes devraient suffire à un Haïtien qui souhaite étudier en France ». D’autant plus qu’à côté du DELF, il y a les Tests d’évaluation de français et les Tests de connaissance du français qui eux-mêmes s’élèvent à 25 000 gourdes.

Contrairement au DELF dont la validité est illimitée, la validité des résultats du TEF et du TCF est de deux ans.

Un postulant au bureau de Campus France

Une porte de sortie

Parmi les nombreuses opportunités d’études à l’étranger qui sont offertes, Campus France est de plus en plus prisé par les jeunes Haïtiens. « C’est un processus extrêmement stressant, déclare Samantha Hyppolite. Surtout lorsqu’il nous faut obtenir notre visa ». Beaucoup se sont en effet vu refuser le document en dépit de leur admission aux universités auxquelles ils ont postulé.

« L’instabilité politique et l’insécurité alarmante sont des facteurs considérables qui motivent les jeunes à partir », souligne le professeur Dimitri Julien.

Pour l’heure, les inscriptions au programme Campus France sont terminées. Avec elles, celles pour passer les examens du DELF. Aucune information relative aux prochains concours n’est encore communiquée. « Lorsque les dates seront fixées, l’annonce se fera sur la page Facebook de l’Institut français en Haïti », assure un responsable de l’institution.

Aucun renseignement ne sera donné sur place ni au téléphone.

Mais du 14 au 18 février 2022, les intéressés pourront passer s’inscrire pour la session de cours prévue le 21 février jusqu’au 8 juin prochain.

Photo de couverture : Widlore Mérancourt / AyiboPost 

Photos: Adelson Carvens / Ayibopost

Rebecca Bruny est journaliste à AyiboPost. Passionnée d’écriture, elle a été première lauréate du concours littéraire national organisé par la Société Haïtienne d’Aide aux Aveugles (SHAA) en 2017. Diplômée en journalisme en 2020, Bruny a été première lauréate de sa promotion. Elle est étudiante en philosophie à l'Ecole normale supérieure de l’Université d’État d’Haïti

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