Deux sources qui se rendaient dans la commune de Carrefour signalent à AyiboPost avoir été témoins, le lundi 14 avril et le samedi 19 avril 2025, de scènes pendant lesquelles des policiers faisant partie d’un détachement blindé demandait à un chauffeur de leur payer un droit de passage à l’avenue Christophe, non loin du Champ de Mars
En plus des frais imposés par les gangs aux postes de péage installés sur les routes, des chauffeurs de transport public et des entrepreneurs se voient contraints de verser de l’argent à des agents de la Police nationale.
Deux sources qui se rendaient dans la commune de Carrefour signalent à AyiboPost avoir été témoins, le lundi 14 avril et le samedi 19 avril 2025, de scènes pendant lesquelles des policiers faisant partie d’un détachement blindé demandait à un chauffeur de leur payer un droit de passage à l’avenue Christophe, non loin du Champ de Mars.
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Selon les deux sources qui préfèrent garder l’anonymat pour des raisons de sécurité, le chauffeur du bus qui se préparait à quitter la station située au Carrefour Tifou, non loin du Champ de mars, se montrait un peu réticent à donner l’argent.
L’un des policiers aurait rétorqué : « Vous acceptez de payer les gangs, il faut aussi nous payer, car c’est nous qui protégeons l’axe. » rapporte l’une des sources.
Une situation similaire a été observée le 19 avril par les deux sources au même endroit, dans un autre bus.
Dans une enquête publiée par AyiboPost en 2023, des chauffeurs se plaignaient des droits de passage imposés sur les routes par les gangs armés, les ayant poussés à abandonner définitivement le secteur du transport.
L’un des policiers aurait rétorqué : « Vous acceptez de payer les gangs, il faut aussi nous payer, car c’est nous qui protégeons l’axe. » rapporte l’une des sources.
Contactés par AyiboPost, deux responsables de syndicats de chauffeurs et un responsable de syndicat de la police reconnaissent l’existence de cette pratique opérée par certains agents de la Police nationale d’Haïti (PNH) sur des axes routiers.
« Dans ces cas-là, les chauffeurs sont obligés de donner de l’argent. Ils savent que, de toute façon, personne n’entendra leurs plaintes. De plus, pour beaucoup, ils ne peuvent pas facilement abandonner, car c’est leur unique moyen pour prendre soin de leurs familles. », explique à AyiboPost Petrus Eustache Lerice, administrateur et porte-parole de l’Association des propriétaires et chauffeurs d’Haiti (APCH).
Selon le responsable, cette pratique, qui existait déjà en Haïti, est devenue plus courante ces dernières années dans un contexte sécuritaire de plus en plus incertain, où les gangs étalent leur contrôle sur certains territoires et autres espaces stratégiques.
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D’après Lerice, cette pratique des agents de la PNH existe dans d’autres circuits comme à Gérald Bataille et Clercine depuis plus d’un an.
« Des policiers exigent de l’argent aux camions de marchandises qui empruntent ces routes », confie-t-il à AyiboPost.
Ce type d’agissement est signalé dans d’autres régions du pays.
Alix Duverger, porte-parole du Syndicat des chauffeurs et propriétaires de véhicules du Bas-Artibonite, explique qu’à sa connaissance, les policiers ne forcent pas les chauffeurs à payer, mais parle de «woulman», un frais remis parfois par un chauffeur en situation irrégulière sur la route à un policier lors des postes de contrôle.
Dans une interview menée en janvier 2023, un entrepreneur de Port-au-Prince a déclaré à AyiboPost avoir été contraint de payer 400 dollars américains à des policiers opérant dans un véhicule blindé pour pouvoir l’accompagner afin de sortir ses marchandises du port de Port-au-Prince.
Selon l’entrepreneur, ces coûts additionnels influent sur le prix final de ses produits.
Depuis des années, les gangs contrôlent les principales routes reliant Port-au-Prince aux autres régions du pays et y installent des postes de péages.
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Dans un rapport de l’initiative mondiale contre la criminalité transnationale organisée (GI-TOC), ces différentes prises de contrôle — y compris celles des environs des ports et terminaux pétroliers — permettent aux gangs de faciliter le trafic de drogues, les enlèvements et les extorsions.
Un entrepreneur interrogé par l’organisation avait déclaré que « chaque conteneur, chaque débarquement est contrôlé par les gangs. Du navire jusqu’au quai, puis le transport, ensuite l’entrepôt de stockage, jusqu’à la sortie — tout est entre les mains des gangs, avant de passer sous la protection de la police. Mais parfois, les gangs sont plus efficaces et moins chers que la police, car bien sûr, il faut aussi payer la police, discrètement, pour obtenir un bon service. »
D’autres interviews menées par le GI-TOC et le Bureau intégré des nations unies en Haïti (BINUH) en 2023 auprès d’entrepreneurs ont révélé que ces derniers ont dû verser entre 5 000 et 8 000 dollars américains par mois aux gangs afin d’assurer leur « protection ».
Selon les dernières données des Nations unies, les gangs ont déjà poussé plus 1.3 million de personnes à fuir leurs maisons.
Pour financer les opérations contre la montée de la violence dans le pays, le gouvernement a adopté, en avril 2025, un budget dit «de guerre». Ce budget prévoit une allocation de 36 milliards de gourdes en faveur de la police nationale d’Haïti et des forces armées d’Haïti.
Mais des témoignages recueillis par AyiboPost début juin 2025 révèlent que des policiers, contraints de fuir leur domicile en raison des attaques de gangs, se plaignent du manque d’accompagnement financier et de soutien psychologique de la part de leur institution.
Parallèlement à ces difficultés internes, les pratiques répréhensibles sont de plus en plus signalées chez certains agents.
Un entrepreneur interrogé par l’organisation avait déclaré que « chaque conteneur, chaque débarquement est contrôlé par les gangs. Du navire jusqu’au quai, puis le transport, ensuite l’entrepôt de stockage, jusqu’à la sortie — tout est entre les mains des gangs, avant de passer sous la protection de la police. Mais parfois, les gangs sont plus efficaces et moins chers que la police, car bien sûr, il faut aussi payer la police, discrètement, pour obtenir un bon service. »
Mathieuny Sidel, porte-parole du syndicat de la police nationale d’Haïti (SYNAPOHA) dit que la structure a reçu, ces derniers temps, de nombreuses plaintes des membres de la population concernant des irrégularités des agents de la police.
Dans une note publiée le 18 juin 2025, le syndicat de la police nationale d’Haïti (SYNAPOHA) dénonce « la persistance de mauvaises pratiques observées chez certains policiers, notamment ceux affectés au travail de rue ».
Ces mauvaises pratiques concernent notamment des cas d’extorsions contre des chauffeurs et des membres de la population.
« Le syndicat appelle l’inspection générale de la police à sévir contre les agents fautifs dont les actions ternissent l’image de l’institution policière » conclut Sidel à AyiboPost.
Par : Wethzer Piercin
Couverture | Un policier fait signe à un camion de s’arrêter sur la route. Photo : Inconnue
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