Une dizaine de jeunes et d’adolescents interviewés par AyiboPost admettent ne pas utiliser du tout de préservatifs ou en faire un usage aléatoire lors de leurs rapports sexuels, y compris parfois avec des inconnus
Fabiola n’utilise pas de préservatifs lors de ses rapports sexuels. L’adolescente, à peine admise en secondaire 3, déclare ressentir des gratelles plusieurs jours après l’usage des capotes. À la place, Fabiola préconise « la fidélité et la confiance » : elle a un seul partenaire sexuel et espère que ce dernier n’entretient de son côté qu’une relation.
Fabiola ne veut « jamais » communiquer à ses parents son aversion pour les préservatifs. Sa mère n’est même pas au courant qu’elle est active sexuellement depuis trois ans.
AyiboPost s’est entretenu avec une dizaine de jeunes et d’adolescents qui, comme Fabiola, admettent ne pas utiliser du tout de préservatifs ou en faire un usage aléatoire. Beaucoup semblent connaître les risques. Mais certains manquent d’informations pour se protéger.
À la place, Fabiola préconise « la fidélité et la confiance » : elle a un seul partenaire sexuel et espère que ce dernier n’entretient de son côté qu’une relation.
Le conservatisme de certains établissements scolaires et des parents sur les questions sexuelles n’aide pas, disent des spécialistes. Les pratiques sexuelles à risque mettent en danger la santé des jeunes et représentent un risque pour la santé publique. Le VIH, la syphilis, l’herpès, la chlamydia, les verrues génitales… « sont généralement transmises lors des rapports sexuels non protégés », affirme le médecin généraliste Kerry Norbrun, pour qui les infections sexuellement transmissibles (IST) sont un fléau sous-estimé dans le pays.
Dans un article paru sur AyiboPost en juillet 2024, des spécialistes disent observer de plus en plus de cas d’adolescents atteints du VIH dans le pays. Marvin – 23 ans – rejette également les préservatifs. Le jeune homme compte au moins quinze rapports par mois, parfois avec des inconnues et sans protection.
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Poul boure, bourèt, kiyè bwa, ponmkèt, bètrav, labapen, dan krab, zonyon… Marvin s’appuie sur un vocabulaire créatif pour décrire ses préférences. L’anulingus, communément appelé zonyon, consiste à stimuler l’anus avec la bouche. Ses pratiquants ne sont pas toujours au courant de l’état de santé de leurs partenaires. Ils s’exposent « au risque d’attraper les virus de l’hépatite de type A et E », puisque ces virus causant une inflammation du foie se transmettent par voie féco-orale, prévient l’interniste Ted Barnard Charles.
L’anulingus, communément appelé zonyon, consiste à stimuler l’anus avec la bouche. Ses pratiquants ne sont pas toujours au courant de l’état de santé de leurs partenaires.
Quand Steeve Decosse a expérimenté le sexe anal, c’était pour le plaisir de sa copine. Depuis ce rapport « sans protection », il dit ne plus pouvoir s’en passer. « Je ne connais pas vraiment les risques spécifiques relatifs à ce rapport. Je n’y ai pas pensé de toute façon », déclare Decosse.
Beaucoup de jeunes se cherchent et s’adonnent à l’expérimentation sexuelle. La quête de sensations fortes ne suffit pas pour expliquer ces phénomènes, disent des observateurs. « C’est aussi une quête d’identité et de compréhension de soi à travers la sexualité », soutient Deborah Douyon, militante féministe.
Cependant, l’éducation sexuelle demeure défaillante en Haïti, mettant en danger les plus jeunes.
Jimmy Dagléat, 26 ans, pratique le sexe depuis l’âge de treize ans à Martissant. Il ne connaissait ni les risques, ni comment s’en protéger dans un environnement fait de pornographie et de consommation intense d’alcool. « La question de la sexualité n’a jamais été abordée au sein de ma famille », confie Dagléat, pour qui le sexe était « devenu une addiction ». Il dit avoir été « complètement inconscient des risques et des conséquences ».
Ces expérimentations s’accompagnent souvent de consommations abusives de substances. Juno Cadichon, 22 ans, est amateur de parties à trois. Lors de ces réunions, il prend avec ses partenaires des mélanges de chicha, de cannabis, d’alcool, de viagra, etc. Ces substances, dont l’usage abusif crée de la dépendance et comporte des risques pour la santé, leur permettent – dit Cadichon – de se « laisser aller au plaisir ».
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La plupart des institutions sanitaires de la région métropolitaine sont soit fermées, soit fonctionnent difficilement à cause de l’insécurité. Mais beaucoup d’adultes et de jeunes actifs sexuellement redoutent les tests de dépistage. Des spécialistes contactés par AyiboPost appellent à un accompagnement des jeunes vulnérables, à l’introduction de campagnes de sensibilisation et à une réforme éducative.
Par Lucnise Duqureste & Rebecca Bruny
Image de couverture: Un homme sort un préservatif de la poche arrière d’une femme. | © freepik
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