SOCIÉTÉ

De jeunes Haïtiens sont « accros » à la chicha. Ils ignorent souvent ses dangers.

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Les jeunes ne considèrent pas la chicha comme une drogue à cause de son odeur aromatique

La chicha, une forme de pipe à eau de taille variée, destinée principalement à fumer du tabac ou de l’essence de fruits, est très populaire auprès des jeunes en Haïti. La pratique peut cependant engendrer des problèmes cardio-vasculaires ou pulmonaires chez les consommateurs les plus zélés, selon les spécialistes. La chicha est aussi connue sous le nom de narguilé, shisha ou encore hookah.

Elle est tellement populaire que des bars ouvrent des coins dédiés à sa consommation. À House of Beer, il faut se rendre à l’Exclusive Hookah. Noël Wilnick, un employé de cette section en parle comme de l’un des espaces les plus utilisés du restaurant.

Une séance de chicha expose le fumeur à un volume moyen de fumée correspondant à 100 cigarettes ou plus

L’Exclusive Hookah met à la disposition des consommateurs à la fois l’appareil et le tabac. « Les adeptes sont majoritairement des jeunes, fait savoir Noël Wilnick. Le client paie 2 500 gourdes pour la consommation complète d’un hookah. S’il veut doubler sa dose, il doit payer la moitié du prix. Au cas où il souhaite rajouter d’autres saveurs comme la fraise, l’orange ou la menthe, il doit payer l’unité à 500 gourdes. »

Elise Hernanttia Murielle A. Seide a 21 ans et elle dit ne plus pouvoir se passer de la chicha. Cette étudiante en troisième année de Sciences politiques à l’Institut national d’administration, de gestion et des hautes études internationales (INAGHEI) a commencé à aspirer les fumées parfois colorées des hookah en 2019. Elle avait alors dix-huit ans.

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« Les doses étaient extrêmement fortes et pouvaient rapidement plonger quelqu’un dans un état d’ivresse », explique Seide. La diplômée en gestion du tourisme développera progressivement une dépendance au tabac.

Fumer a des effets dévastateurs sur la santé, selon des experts.

Seide raconte avoir ressenti des difficultés respiratoires pendant près de deux mois après ses premières consommations. « Depuis que j’ai modéré les doses, je n’ai jamais ressenti cela », ajoute-t-elle.

La créativité des consommateurs n’a pas de limites. « Parfois, je mets de la marijuana dedans pour pimenter mes moments de plaisir », raconte Lincey Pierre, une résidente du quartier de Canapé-Vert à Port-au-Prince.

L’Association pour la prévention de l’alcoolisme et autres accoutumances chimiques (APAAC) déclare que les fumeurs de chicha sont exposés à une quantité de fumée plus importante que les fumeurs de cigarettes.

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« Un fumeur de cigarettes consomme généralement un volume de fumée compris entre 0.5 et 0,6 litre alors qu’un fumeur de chicha inhale des bouffées de 0,15 à 1 litre. Une séance de chicha expose donc le fumeur à un volume moyen de fumée correspondant à 100 cigarettes ou plus », lit-on dans un document de l’APAAC, traitant la question.

L’APAAC, qui mène depuis 2017 une campagne de sensibilisation à travers les écoles de la capitale contre cette pratique a déjà enregistré des centaines d’élèves qui, au moins une fois, ont consommé de la chicha soit avec un ami ou avec les membres de leurs familles, déclare Esther Lahens, responsable de la section de prévention à l’institution.

Un fumeur de chicha est exposé au cancer.

« Certains des élèves nous rapportent que leurs parents consomment la chicha presque tous les dimanches à la maison et cela se pratique toujours dans une parfaite ambiance entre amis. Les enfants sont souvent invités à y prendre part. En revanche, les enfants issus de la classe moyenne la consomment dans des clubs ou chez leurs amis », fait savoir Lahens.

Fumer la chicha fait encourir les mêmes risques de maladies pulmonaires, cardiovasculaires ou de cancers que chez les fumeurs classiques de cigarettes. « D’ailleurs, elle contient beaucoup plus de tabac que la cigarette », réitère Esther Lahens.

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La chicha se trouve parmi les drogues perturbatrices qui provoquent une sensation de bien-être chez la personne. « Les groupes d’enfants avec lesquels nous travaillons ne voient pas la chicha comme étant une drogue, déclare Esther Lahens. Ils croient qu’elle ne représente aucun danger pour la santé vu son odeur aromatique. »

Les mises en garde contre une utilisation excessive de la chicha viennent aussi des médecins. Jean Esther Ardouin Louis Charles est pneumologue et directeur de l’hôpital du Sanatorium. Il affirme qu’un fumeur de chicha est exposé au cancer.

«La grosse bouffée généralement inhalée par un fumeur de chicha apporte beaucoup plus de nicotine, monoxyde de carbone, aux organes et cela peut  entraîner des conséquences négatives sur le poumon», rajoute-t-il.

Par Fenel Pélissier

Les photos sont de Carvens Adelson pour AyiboPost.


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Fenel Pélissier est avocat au Barreau de Petit-Goâve, professeur de langues vivantes et passionné de littérature.

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