POLITIQUE

Des individus ont profané le monument de Jean-Jacques Dessalines. Le gouvernement ne fait rien.

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La dégradation de monuments peut engendrer une peine de deux ans de prison, tout dépend de la gravité de l’acte

Cela fait une semaine. Toute une semaine depuis que des individus, certains ayant publiquement assumé leurs actes, ont couvert de détritus le buste de Jean-Jacques Dessalines érigé au Champ-de-Mars, à un jet de pierre du Palais national.

Les nommés Raymond Jean Baptiste, Fanfan et Djovani sont dénoncés pour leur implication dans cette action illégale, commise le jour de la commémoration du 264e anniversaire du père de la nation.

Des médias dominicains se sont jetés sur la nouvelle. Dans la foulée des dénonciations et de l’émoi public, le commissaire du gouvernement, Jacques Lafontant, avait annoncé que toutes les dispositions étaient prises pour mettre la main au collet des coupables. Mais à date, le parquet de Port-au-Prince n’a communiqué aucune action ou arrestation de ces individus. Le commissaire du gouvernement n’a pas répondu aux demandes d’entrevues d’AyiboPost dans le cadre de ce dossier.

Raymond Jean Baptiste revendique sa participation à l’acte de profanation. Intervenant sur les ondes de la Radio Mega un jour après l’évènement, l’homme annonce que cette action rentre dans le cadre de sa bataille contre le gouvernement du neurochirurgien devenu Premier ministre, Ariel Henry.

Cependant, la profanation d’un monument historique est punie par la loi.

L’article 215 du Code pénal prévoit une peine d’emprisonnement allant d’un mois à un an contre quiconque ayant abattu, mutilé ou dégradé des monuments, statues et autres objets destinés à l’utilité ou à la décoration publique, et élevés par l’autorité publique ou avec son autorisation.

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En cas de destruction, la peine d’emprisonnement est fixée à deux ans selon les prescrits de l’article 216 de ce texte de loi.

« La dégradation peut être une altération passagère ou temporelle d’un monument historique, selon le pénaliste, Me Frantz Gabriel Nerette. Bien que le texte ne fasse pas référence au terme profanation, continue l’avocat, il rentre dans le concept de dégradation utilisé par la loi. »

Selon l’avocat, les institutions comme le ministère de la Culture et de la communication (MCC) mené par Emmelie Prophète et l’Institut de la sauvegarde du patrimoine national haïtien (ISPAN) auraient dû être les premières à porter plainte pour inciter la justice haïtienne à agir.

Un groupe de citoyens a nettoyé la statue de Jean-Jacques Dessalines le lendemain de sa profanation.

Ce n’est pas la première fois que des monuments historiques sont souillés en Haïti.

Durant la première semaine du mois de septembre 2022, des fouilles pour la construction de toilettes modernes dans la cour du site abritant les deux maisonnettes mystiques de l’empereur à Marchand-Dessalines ont été constatées.

Dans une lettre datée du 5 septembre, l’ISPAN et le MCC ont recommandé au maire de la ville de suspendre les travaux qui « violent l’arrêté présidentiel qui a élevé la cour de l’empereur Jacques 1er au rang de patrimoine national. » L’agent intérimaire de la commune, Dunord Ciléus, avait ignoré la mise en garde.

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En novembre 2020, un autre symbole du père de la nation a été profané par un homme identifié comme Lucien Calixte. Il s’est attaqué à une statue de l’empereur Jacques 1er érigée sur la place d’armes du Cap-Haïtien. Calixte a réussi à faire tomber la statue qui s’est brisée au sol en plusieurs morceaux sous le regard des membres de la population. Il a été incarcéré peu de temps après.

Illéus Papillon est sociologue et détenteur d’une maitrise en patrimoine bâti. Pour lui, la fréquente profanation des monuments ou sites historiques du pays résulte d’un problème d’éducation.

« L’éducation de l’haïtien l’invite à rejeter tous les éléments qui lui ressemblent comme sa culture, son patrimoine, entre autres », analyse Papillon.

Les autorités étatiques ne valorisent pas et ne font pas la gestion de la richesse culturelle et patrimoniale haïtienne, continue le sociologue. Vu l’ampleur que prend la désacralisation des monuments historiques ces derniers temps, « l’État pourrait créer une force de la protection du patrimoine pour essayer de préserver les éléments historiques du pays. »

Au moins depuis l’année 2000, des manifestations politiques sont organisées durant les dates historiques importantes du pays. Cette tradition persiste, remarque l’historien Fils Ledan qui rappelle la profanation du bicentenaire de l’indépendance du pays en 2004.

Journaliste à AyiboPost. Communicateur social. Je suis un passionnné de l'histoire, plus particulièrement celle d'Haïti. Ma plume reste à votre disposition puisque je pratique le journalisme pour le rendre utile à la communauté.

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