Le lycée Jean Jacques Dessalines et d’autres lieux importants portant le nom de l’empereur sont négligés dans le pays
La putréfaction attaque sévèrement les matériaux utilisés dans les hangars qui logent le lycée Jean Jacques Dessalines à l’avenue Christophe depuis pratiquement onze ans.
Les travaux de reconstruction de la plupart des lycées du centre-ville ont longtemps démarré, après le séisme de 2010. Mais rien ne bouge du côté de l’établissement qui honore l’empereur. Le censeur de l’école, Tonès Bellune, ne peut confirmer un lancement des travaux sous l’administration de Jovenel Moïse.
D’autres endroits qui portent le nom du père de la nation se dégradent également dans le pays. « On est pratiquement à la fin du mandat de l’administration en place. On ne peut pas espérer grand-chose », lâche Bellune.
Entre-temps, l’apprentissage se poursuit dans la promiscuité au lycée Jean Jacques Dessalines. L’ensemble des élèves que compte l’institution obtiennent leur pain de l’instruction sous une chaleur suffocante dégagée par la toiture des hangars.
Un coup de force
L’inconfort permanent du personnel et des élèves du lycée Jean Jacques Dessalines est criant. L’espace logeant le censorat et le suppléant général présente l’allure d’un simple dépôt. Pas de bureau. Des dossiers sont remarqués à même le sol. La cour de récréation pour les quelque 2000 élèves de ce lycée est estimée à environ 5 mètres de largeur et 12 mètres en longueur.
Les autorités du ministère de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle (MENFP) admettent que l’actuel espace logeant le lycée est trop restreint. Le président Jovenel Moïse a même déclaré d’utilité publique un terrain situé à l’avenue du Chili à Port-au-Prince.
Cet emplacement qui appartenait aux héritiers Emmanuel El-Saieh devait accueillir la nouvelle bâtisse du lycée Jean Jacques Dessalines. Mais ce coup de force n’a pas permis le démarrage des travaux. Rien n’est entrepris jusqu’à date depuis l’annonce de cette décision qui avait fait grand bruit au début de l’année 2020.
« Le dossier est à la traine au niveau de la Direction générale des impôts. Les héritiers du terrain devraient être dédommagés avant le démarrage des travaux », rapporte Miloody Vincent, responsable de communication au niveau du MENFP.
Selon ses dires, ce dossier n’est pas encore finalisé au niveau de la DGI. « Le terrain devrait être évalué afin que l’on puisse ensuite verser une indemnité à la famille de la propriété. Mais il y avait un conflit entre les propriétaires que la DGI devrait résoudre bien avant de lancer l’appel d’offres du projet », confie Miloody Vincent.
Le financement du projet pour la reconstruction du lycée Jean Jacques Dessaline sera à la charge du trésor public, précise le communicant.
Une procédure sans fin
Les membres de la direction du lycée attendent avec impatience le démarrage des travaux de construction. Le directeur du lycée estime qu’il n’y a pas une volonté réelle autour de l’accomplissement de ce projet.
« Le dossier de la reconstruction du lycée importe peu aux dirigeants de l’administration publique. Le ministre de l’Éducation nationale ne parle plus de ce projet », regrette le censeur du lycée, Tonès Bellune.
La DGI se dédouane dans cette affaire. La structure explique que la question d’expropriation pour cause d’utilité publique ne relève pas de sa compétence. « Selon les prescrits de la loi du 18 septembre 1979, c’est la Commission permanente d’acquisition à l’amiable (CPA) siégeant au Ministère de l’Économie et des Finances (MEF) qui s’occupe de l’identification et du paiement des expropriations pour l’État haïtien », fait savoir Huguens Lubin, directeur de communication de la DGI.
Lorsque la CPA déclenche sa procédure, poursuit Lubin, elle passe à travers la DGI pour inviter les expropriés à faire dépôt de leurs titres de propriété. En ce sens, la DGI se prononce sur le statut foncier du bien pour savoir s’il relève du domaine de l’Etat ou du domaine privé. « La DGI a déjà étudié les titres de propriété du terrain sur lequel le lycée devrait être reconstruit. Ce dossier est déjà transféré au niveau de la CPA depuis le 31 juillet 2020 », précise directeur de communication.
À ce stade, les experts au niveau de la CPI doivent évaluer le bien et fixer un montant d’indemnisation. « La CPA a déjà réalisé ces procédures. Le dossier est transféré par la suite chez le cabinet de l’exproprié. Ce dernier n’accepte pas le montant proposé par l’État et introduit une contre-proposition », selon les dires du directeur de communication de la DGI.
Le dossier se trouve à présent par devant le ministre des Finances pour arbitrage. Il s’agit d’un processus de décision cherchant à obtenir le meilleur compromis pour statuer sur un montant acceptable. « C’est à ce niveau que la lenteur du dossier prend chair », dit Lubin.
Des lieux abandonnés
Le projet de reconstruction du lycée Jean Jacques Dessalines vient rallonger la liste des espaces martyrisés portant le nom de l’empereur.
Depuis le 12 janvier 2010, le boulevard Jean Jacques Dessalines est défiguré. La plupart des maisons qui s’alignent le long de cette route sont abandonnées. D’autres portent encore les traces du séisme dévastateur de 2010.
La place Dessalines au Champ-de-Mars se mêle aussi du lot, avec des destructions partielles enregistrées non réparées depuis la construction du jardin du Musée du panthéon national haïtien (MUPANAH) dont les travaux ont été inaugurés en 2015. Les jets d’eau qui embellissaient la place n’existent plus.
Dans la même veine, on retrouve le mausolée où reposent les restes de l’empereur à la rue de la Réunion. Longtemps abandonné, cet espace a été nettoyé à l’occasion de la bataille de Vertières.
« Le président devrait venir déposer un bouquet de fleurs sur le mausolée le 18 novembre 2020. C’est pourquoi le palais national avait engagé des individus pour couper les branches d’herbes et placer des arbustes dans les parages », fait savoir Frantz Armand, gardien de l’espace. Il raconte n’avoir pas reçu un sou de son salaire durant l’administration du président Jovenel Moïse.
Emmanuel Moïse Yves
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