SOCIÉTÉ

Des équipements ont mystérieusement disparu dans un hôpital à Aquin

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L’hôpital communautaire de référence est presque à genou. Il dessert les quelque 100 000 habitants de la ville

La plupart des équipements médicaux de l’hôpital communautaire de référence d’Aquin ont disparu clandestinement. Ces vols mettent l’institution, qui dessert près de 100 000 personnes, dans l’impossibilité de prendre correctement en charge les patients.

« L’endoscope de l’hôpital servant à réaliser des examens d’imagerie pour visualiser l’intérieur d’un organe et l’appareil permettant de faire des sonographies ont disparu », révèle Emmanuel Georges, un membre de la commission de restructuration de l’hôpital.

À date, « il n’y a pas une réelle explication, continue le juriste qui parle d’un « grave problème d’administration ».

Créé en 1988, l’hôpital communautaire d’Aquin est l’unique centre hospitalier de la commune Aquinoise. Son fonctionnement contraste avec les cliniques privées qui fournissent, au prix fort, des soins légers.

Des citoyens de la zone ont protesté pendant plusieurs jours contre les vols de matériels. L’administrateur de l’hôpital, Claude Isophe, est publiquement cité dans ce scandale. Il n’a pas répondu aux appels et messages WhatsApp d’AyiboPost.

« Le ministère de la Santé publique et de la population (MSPP) est au courant du dossier, rapporte Jackna Durand, directrice médicale de l’hôpital. Le cabinet d’instruction du tribunal de première instance d’Aquin mène une enquête sur l’affaire. »

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La société civile Aquinoise a mis sur pied une commission pour tenter de comprendre ce qui s’est passé.

« Des bois 2×4 destinés à la construction d’un hangar pour l’hôpital et un équipement pour le traitement de l’eau offert par une ONG restent intraçables à nos jours » fait savoir l’avocat Frantz Therzier, un membre de la commission.

Claude Isophe gère l’ensemble des matériels de l’hôpital. Une rencontre a été initiée entre les membres de la commission et ce dernier. « L’administrateur est passé aux aveux et a déclaré n’être pas le seul responsable de la disparition de certains équipements médicaux », révèle Frantz Therzier.

L’administrateur n’aurait pas tout dit, pour des raisons de sécurité. « Claude Isophe a déclaré que la direction sanitaire départementale lui ordonne parfois de livrer à des tiers certains équipements de l’hôpital. Par exemple, il affirme avoir signé la [fiche de] livraison de 24 batteries pour l’hôpital sachant pertinemment que l’institution ne va jamais recevoir ces équipements », fait savoir Therzier.

Les membres de la commission ont fait appel au greffier du tribunal de première instance d’Aquin, Me William Destin, pour assister aux échanges avec l’administrateur.

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Contacté par AyiboPost, Me Destin se présente comme quelqu’un ayant grandi dans la même zone que l’accusé. Les faits, selon lui, ne sont pas fidèlement rapportés par les membres de la commission. Au moins un « des matériels qu’on croyait avoir disparu a été entreposé à l’hôpital par l’administrateur », dit-il. « Selon les déclarations de l’administrateur, les autres matériels sont entreposés dans d’autres espaces. » Le lieu mentionné par Claude Isophe n’a pas été visité par la commission.

William Destin rapporte que l’administrateur avoue avoir donné un lit de l’hôpital en cadeau après avoir reçu l’ordre d’un ancien administrateur de la structure. Le greffier avait promis le 31 mai d’envoyer à AyiboPost une copie du procès-verbal des échanges. Il ne l’avait pas fait avant la publication de cet article.

Isophe avait comme soutien, le sénateur Hervé Foucand fait savoir, Emmanuel Georges.

En 2021, l’administrateur de l’hôpital a été accusé dans la vente d’un matériel du bloc opératoire. Un mandat d’amener a été décerné contre lui par le commissaire d’alors, Adrien Examar.

Mais Isophe avait comme soutien, le sénateur Hervé Foucand fait savoir Emmanuel Georges. « Les pressions politiques ont été nombreuses à l’encontre de ce commissaire qui fut remplacé un mois après avoir émis le mandat. Durant cette période, l’administrateur avait cessé de fréquenter l’hôpital ».

L’HCR d’Aquin compte une douzaine de lits. Mais l’hôpital ne reçoit presque pas d’hospitalisations depuis le séisme du 14 août 2022 qui a ravagé le grand Sud.

« La salle d’hospitalisation a été fissurée et depuis, on n’a quasiment pas retenu de malades. Toutefois, certains cas compliqués sont hébergés sous une tente », relate la directrice médicale, Jackna Durand.

HCR n’est pas différent des autres structures hospitalières publiques du pays. Pas d’intrants. Absence de médicaments. Staff sous-payé…

« Les médicaments reçus par la pharmacie proviennent des dons des organisations non gouvernementales comme Food for the Poor », rapporte Eddy Martin, le pharmacien en chef de l’hôpital. « Ces médicaments sont majoritairement périmés. »

De son coté, Daniel Rouzier qui préside l’organisation Food for The poor, ne nie pas les révélations du pharmacien. « C’est possible, dit-il. Des médicaments livrés par Food for the Poor sont parfois entreposés pendant longtemps par des institutions. Au bout d’un moment, ces médicaments arrivent à échéance », dit-il.

Néanmoins, souligne Rouzier, il y a un protocole à suivre lorsque ces genres de cas arrivent. L’institution doit aviser et retourner ces médicaments à l’ONG pour leur incinération.

« Les médicaments reçus par la pharmacie proviennent des dons des organisations non gouvernementales », rapporte Eddy Martin, le pharmacien en chef de l’hôpital.

Pour pallier le problème, des infirmières affectées à l’hôpital achètent des médicaments pour les revendre aux malades ou à leurs parents.

Les membres de la commission rapportent avoir déjà porté plainte au sein du tribunal de première instance de la commune d’Aquin. Le greffier du parquet, William Destin, déclare qu’aucune plainte n’a formellement été déposée au tribunal. « Il ne s’agit que des cas de dénonciations », dit-il.

Selon le juge d’instruction et doyen a. i du tribunal Jules Gaspard, les dénonciations font grand bruit à Aquin, mais il n’a pas encore reçu ce dossier du parquet.

Journaliste à AyiboPost. Communicateur social. Je suis un passionnné de l'histoire, plus particulièrement celle d'Haïti. Ma plume reste à votre disposition puisque je pratique le journalisme pour le rendre utile à la communauté.

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