Port-au-Prince, le 14 avril 2017
Mon Amour,
Notre sublime complicité et le nombre de fois que je me suis mis à nu devant toi m’exemptent de la nécessité de te rappeler qui j’étais. Tu es la porte du labyrinthe qui m’a ramené vers moi-même. Tu es le point d’intersection de mes errements. Le centre de mon cercle. L’équilibre de mes mouvements. Tu es cette force qui m’a permis de prendre conscience de ma fragilité et de ce qui compte vraiment. Tu es moi et je suis toi. Je te dois l’expérience de la compréhension des mots « je t’aime » autant que je te dois le puissant et singulier frisson de tenir la main du produit de notre amour : notre fille.
Mon amour, pour l’avoir vécu ensemble et séparément, nous savons que la vie est une lutte perpétuelle. Parfois on gagne, parfois on perd mais toujours il nous est donné d’apprendre, de grandir. Certains combats, comme ceux dans lesquels je suis impliqué, exigent la plupart du temps que des missionnaires brûlent pour que la mission soit éclairée. Si un jour je devrais ne plus être là et que notre fille ne soit pas en mesure de diriger ses propres pas, je te demande déjà de m’accorder ces faveurs posthumes. Mon amour, comme tu le dis souvent, bien éduquer son enfant est la meilleure contribution qu’on puisse accorder à la société. Ainsi, voudrais-je t’enjoindre à élever notre fille dans les bornes de ces principes et de les établir comme le credo de la postérité qui naitra de cette famille.
Ma chérie, quand notre fille sera en mesure de comprendre, apprends-lui à construire sa beauté intérieure. Persuade-la à ne tirer aucune vanité de sa beauté physique car tout le mérite de ses harmonieuses proportions, de son charme et de son merveilleux sourire ne reviennent qu’à son Créateur. Seul l’idiot s’enfle d’orgueil pour ce qu’il n’a pas construit. Signifie-lui qu’être belle ne s’écrit ni ne renforce un CV. Rappelle-lui qu’elle a été créée en exemplaire unique et que la comparaison provoquera sa chute soit vers la jalousie soit vers l’arrogance. Incite-la à préférer le manque dans la dignité au déshonneur dans l’abondance. Mets-la en garde contre les faux amis, le pouvoir et l’argent. Eduque-la, je t’en prie, à être sourde aux calomnies et à toujours assumer son origine et son identité religieuse. Inculque-la que l’instruction est la clé du succès honnête. Maintiens-la dans le respect des lois afin qu’elle soit imbue de ses droits et de ses devoirs. Exerce-la à demeurer ferme dans l’adversité et de ne jamais céder à la pression de l’instant en compromettant l’éternité. Entraine-la à ne jamais s’arrêter à la perception des sens. L’apparence est théâtre, la réalité se cache toujours derrière le rideau. Mon cœur, aide-la à nager à contre-courant, à créer sa propre voie, à considérer l’importance de la famille, à toujours avoir foi en un lendemain meilleur, à n’être jamais avare de ses efforts et par-dessus tout, à n’être jamais sage à ses propres yeux.
Ma chère épouse, si jamais je pars avant toi et que tu veux te remarier, je t’en prie, ne t’éloigne pas de nos principes et ne revois jamais à la baisse tes valeurs. Tu es une perle rare. Pour notre fille et pour la descendance, choisis avec soin la couronne sous laquelle tu veux être placée. Le sage dit que tout est vanité mais moi je sais que celui qui a eu le privilège de te tenir dans ses bras, emportera avec lui au tombeau ce que les plus grands musées ne sauraient contenir.
Je vous aime sans fanfares ni tambours !
Valéry Moïse
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