J’ai complètement l’air ailleurs en écoutant chacune de ces femmes raconter leur première fois. Celle de Suze était digne d’un beau film à l’eau de rose ou d’un roman d’amour. Une scène purement romanesque, car à en croire Suze, cela avait eu lieu une nuit d’été sur la plage. Après avoir vécu les instants de douleur et de plaisir que l’on découvre au moment de sa défloration, les deux amoureux avaient été prendre un bain de minuit. Le rêve des filles quoi !
Quant à Saanah, elle avait perdu sa virginité lors d’un pique-nique quelque part à l’Île-de-France. À la voir qui décrit ce souvenir, on peut deviner combien ce fut parfait. Puis vient au tour de Marthe qui partagea avec nous la première soirée de sa lune de miel. Fervente catholique, elle avait fait vœu de chasteté et avait donc été patiente jusqu’à sa nuit de noces. Marthe affirma que les prouesses de son cher et tendre époux avaient grandement satisfait ses longues attentes.
Je me mords l’intérieur de la joue tout en essayant d’afficher un air passif sur mon visage. Je suis de plus en plus nerveuse, je tremble un tout petit peu et je retiens quelques larmes traîtresses. Je me lève sans délicatesse en prenant la peine de récupérer mon sac à main. J’ai plutôt honte de m’enfuir comme ça sous les regards soudainement interrogateurs de toutes ces femmes réunies.
Je suis jalouse d’elles, car elles ont toutes pu garder d’aussi bons souvenirs de leur première fois. La mienne n’est pas à raconter, ça n’a rien de beau. C’est devenu mon secret le plus amer, celui que je n’ose encore dévoiler. Je franchis, larmes aux yeux, la porte de sortie en me disant encore pour la énième fois que je préfère souffrir seule avec ma honte que de lire la pitié et la compassion voire pire, l’horreur sur le visage de mes « amies-collègues » quand je leur aurais raconté ce maudit moment où j’avais eu à me faire voler ma virginité. Comment serais-je parvenue à leur dire que ma première fois avait été un viol ? Cette douloureuse première fois qui m’avait laissée avec une désagréable sensation de souillure ? Comme si j’étais devenue impure…
Messieurs, veuillez voir en chaque femme une sœur, une mère, une compagne, une potentielle épouse, la fille chérie de quelqu’un et non un instrument sexuel présent rien que pour satisfaire vos malsaines pulsions.
Se faire violer représente l’un des pires cauchemars d’une femme. Se retrouver avec sa chair souillée et le moral anéanti peut engendrer des névroses d’angoisse ou de nouvelles phobies ou pire des crises d’hystérie de conversion.
Chers parents, apprenez à vos fils à être vertueux et honnêtes, car devenir assassin ne consiste pas uniquement à ôter la vie, mais aussi la dignité de quelqu’un.
Stephana Dorval
Crédit Photo : mjemagazine.com
Comments