SOCIÉTÉ

Comment aider quelqu’un qui veut se suicider en Haïti ?

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On peut intervenir avant le passage à l’acte

Des pensées suicidaires tenaillent Christina. La jeune fille de 19 ans estime que sa vie ne se déroule pas correctement. Elle pense qu’en y mettant fin, elle sera soulagée. Plus particulièrement, elle veut oublier un choc qu’elle n’a toujours pas digéré. « À 17 ans j’ai dû avorter d’un enfant que je portais pour un cousin qui m’a violé », dit-elle.

L’image du médecin lui disant qu’elle aura à regretter son acte et qu’elle doit s’armer de courage hante constamment Christina qui est en classe terminale cette année.

Plusieurs circonstances et événements peuvent déclencher des pensées suicidaires chez les gens. Le stress permanent, le sentiment d’être dépassé par le quotidien, les abus notamment sexuels, la violence, les discriminations, les soucis économiques… toute une panoplie d’ennuis peuvent mener quelqu’un à refuser de continuer à vivre.

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Même le fait d’être constamment rabaissé peut pousser une personne à développer ce genre de pensées qu’elle peut exprimer souvent par des expressions du genre : « Pèsonn pa renmen m » rapporte la psychologue clinicienne, Nathalie Coicou qui dirige l’Association haïtienne de la Psychologie

C’est d’ailleurs ce qui est arrivé à Lourdes il y a cinq ans. La jeune fille, aujourd’hui dans la vingtaine, entretenait une relation abusive où sa partenaire prenait plaisir à la rabaisser. Les pensées suicidaires qui la poursuivaient depuis son viol à 15 ans sont revenues en force.

« Je me blesse souvent au poignet quand j’aimerais dire une chose à quelqu’un qui puisse me comprendre et que je ne trouve pas la personne idéale », dévoile la jeune femme.

Que faire ?

Pour aider une personne qui rumine l’idée de se tuer, il faut d’abord apprendre à identifier les signes. Selon les experts, il convient de porter une attention spéciale à quelqu’un qui menace explicitement de se suicider, refuse de s’afficher en public – alors qu’elle n’est pas introvertie en temps normal – , fait don de ses possessions ou développe des comportements risqués comme l’abus de l’alcool ou des drogues.

Des expressions verbales, comme : « j’aurais souhaité ne pas être né », peuvent être des indices, rappelle la psychologue Nathalie Coicou.

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Devant pareilles situations, parler reste la première étape. Les experts conseillent de demander directement à la personne si elle pense parfois au suicide. Si elle accepte d’en parler, l’exercice peut l’aider. Cependant, la personne qui pose la question doit être empathique. Elle doit avoir la capacité nécessaire pour « accueillir sans jugement cette souffrance et les idées suicidaires que la personne verbalise », rappelle Nathalie Coicou.

Ensuite, il faut évaluer le niveau de l’urgence en demandant à la personne si elle pense déjà aux moyens et à l’heure du passage à l’acte. Si son plan est déjà fait, il y a urgence, car elle risque une « tentative de suicide ». Dans ce cas, le recours à un professionnel de la santé mentale peut s’avérer essentiel.

Il faut constamment surveiller cette personne et ne pas laisser à sa portée des objets létaux (couteaux, armes, poisons…), conseille Nathalie Coicou. Si malgré tout, la personne fait une tentative de suicide, la solution est de l’emmener en milieu sécuritaire, c’est-à-dire à l’hôpital.

Des ressources internes 

Chaque personne développe des techniques pour affronter les pensées suicidaires. Pour s’en sortir, Lourdes indique s’être confiée à un psychologue qui l’a aidé. « Pour écarter [ces pensées], je m’entoure de gens capables de me comprendre même si je ne les dis pas ce qui se passe au fond de moi. »

En règle général, il est conseillé de chercher l’aide d’un professionnel pour détecter et résoudre les causes profondes de l’envie de se tuer. Les réseaux d’amis et de familles sont aussi d’une aide précieuse. La personne en difficulté doit pouvoir faire confiance assez pour expliquer ce qui lui arrive. Se sentir connecté aux autres aide contre la noirceur de ces pensées négatives.

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La psychologue Nathalie Coicou insiste sur le fait qu’une personne atteinte de pensées suicidaires peut s’en remettre grâce aux soutiens de sa famille ou de son entourage si les causes de son projet suicidaire sont dues à de l’adversité psychosociale ou des facteurs de stress environnementaux.

Cependant, si la personne souffre d’une pathologie mentale, elle peut nécessiter l’aide d’un professionnel de la santé mentale et d’un traitement médicamenteux qui ne peut être prescrit que par des psychiatres.

Généralement, ces pensées sont passagères. La vie continue. Et avec de l’aide adéquat (dans l’entourage et émanant d’un professionnel), celles et ceux qui se sentent mal peuvent progresser et s’en sortir.

Si vous ruminez des pensées suicidaires, appelez au 2919 9000. L’Association haïtienne de psychologie a mis sur pied cette ligne téléphonique qui est gratuite pour les abonnés de Digicel.

Samuel Celiné

Poète dans l'âme, journaliste par amour et travailleur social par besoin, Samuel Celiné s'intéresse aux enquêtes journalistiques.

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