SOCIÉTÉ

C’est quoi au juste le travail d’un bibliothécaire en Haïti ?

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Le métier de Bibliothécaire n’est pas très répandu en Haïti. Pourtant, ces professionnels travaillent à construire des ponts entre les lecteurs et les livres. Ornella Métayer, bibliothécaire depuis une décennie nous entraîne dans cet univers, devenu désormais sa passion.

On est samedi après-midi. Ornella Métayer arrange méticuleusement les livres dans les rayons de la Bibliothèque Monique Calixte sans perdre de vue les enfants occupés à dessiner et à colorier. Tout à l’air en vrac. Ce métier, Ornella l’exerce depuis 2006.  « C’est ainsi tous les samedis, après les travaux manuels avec les enfants» lâche-t-elle pour démarrer son intervention.

Ornella, 38 ans, avoue qu’elle peut animer un club de lecture pendant plusieurs heures d’affilée sans être fatiguée, tant sa passion est grande. Elle chérit ce métier qu’elle dit avoir tant cherché et qui « sans doute la cherchait aussi ». « Avant d’être bibliothécaire,  je vacillais, allant d’une formation à une autre jusqu’à ce qu’un ami m’informe d’une offre d’emploi lancée par la Bibliothèque Monique Calixte.  Quand j’ai appris que j’allais travailler avec des enfants, j’ai tout de suite accepté de postuler et j’ai obtenu le poste», reprend-elle toute souriante.

Toutefois, il a été difficile pour la bibliothécaire de s’adapter à l’équipe de la BMC. « Même après plusieurs séances de formations, je me perdais dans l’indexation des livres. Placer un livre dans un rayon de bibliothèque n’est pas une simple activité même quand on respecte les méthodes à la lettre. Quand on se retrouve avec un livre dont le titre diffère du contenu par exemple, c’est une tout autre affaire. » Avec le temps et l’aide de ses collègues, le traitement des livres est devenu comme un réflexe pour Ornella.

Pour devenir bibliothécaire, il faut étudier la bibliothéconomie à l’université. En Haïti, aucune des universités n’offre cette formation.

Le bibliothécaire : gardien du livre et guide des lecteurs

Pour devenir bibliothécaire, il faut étudier la bibliothéconomie à l’université. Malheureusement en Haïti, aucune des universités n’offre cette formation. Pour pallier ce manque, les responsables de bibliothèques organisent régulièrement des formations à l’intention de leurs bibliothécaires.

Certains lecteurs en font un prétexte pour mettre en doute les compétences des animateurs. « Ils nous disent parfois que nous n’avons pas été à l’université, que nous ne savons pas ce que nous faisons », explique Ornella qui croit qu’il faut savoir gérer les conflits afin d’éviter les tiraillements avec ces lecteurs. La bibliothécaire admet qu’elle ne gagne pas beaucoup d’argent, mais elle n’a jamais regretté son choix.

Un bibliothécaire sait lire dans le visage du lecteur

« Un bibliothécaire est, selon moi, celui qui sait lire dans le visage du lecteur. Selon que celui-ci soit timide, perdu ou contrarié, il saura comment l’aider » avance Ornella. Pour elle, être bibliothécaire c’est servir de passerelle entre le lecteur et le livre. Tout ceci exige une minutie et une concentration assidues.

« Un bibliothécaire est, selon moi, celui qui sait lire dans le visage du lecteur. Selon que celui-ci soit timide, perdu ou contrarié, il saura comment l’aider »

En plus d’être un guide, l’essentiel du travail d’un bibliothécaire a rapport au traitement des livres. Tous les jours, les bibliothécaires doivent assurer le classement des livres. « Nous venons souvent avant l’heure d’ouverture pour effectuer ces tâches. Parfois, nous continuons en présence des lecteurs sans qu’ils s’en rendent compte. »

« Ici, les bibliothécaires font un inventaire tous les deux ans pour actualiser l’offre de la bibliothèque. Chaque jour, un cahier de suggestions est mis à la disposition des lecteurs pour la proposition de nouveaux titres.  Lors des réquisitions, ce sont les bibliothécaires qui jugeront, selon les demandes, quels seront les livres à commander », continue d’expliquer Ornella.

Après la livraison, les bibliothécaires cotent les livres, autrement dit, ils les dotent d’un code permettant de les classer facilement. Puis, ils font l’indexation, ceci sous-entend que le classement se fait non seulement par titre, mais aussi par sujet traité. En outre, à chaque livre est attachée une bande magnétique pour éviter qu’il ne soit volé.

Quand certains livres deviennent trop usés, ils sont exposés dans des cartons à la disposition des lecteurs intéressés à s’en approprier.

Il faut faire vivre les livres

Ornella croit qu’il faut faire vivre les livres. Elle ne manque jamais l’occasion de vanter les bienfaits de la lecture. « Les changements peuvent être bénéfiques quand on s’y adonne. Pendant 13 ans, j’ai pu observer comment la vie de certains jeunes a changé grâce à la lecture. De nombreux parents sont venus me remercier en retour», affirme Ornella.

Tous les samedis, elle se rend au travail accompagnée de son fils de 15 ans. Le jeune adolescent est un fidèle participant aux cours et séances d’animations. Il est aussi la fierté de sa mère. «Avant j’aimais la lecture. Maintenant, je ne peux m’en passer. C’est ce qui a appris à mon garçon à se familiariser très tôt avec les livres. Il a maintenant une grande culture. D’ailleurs, il se démarque des autres enfants de son âge».

Laura Louis est journaliste à Ayibopost depuis 2018. Elle a été lauréate du Prix Jeune Journaliste en Haïti en 2019. Elle a remporté l'édition 2021 du Prix Philippe Chaffanjon. Actuellement, Laura Louis est étudiante finissante en Service social à La Faculté des Sciences Humaines de l'Université d'État d'Haïti.

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