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Ces parents préfèrent accoucher aux USA, malgré la cherté de la procédure

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En Haïti, le système de santé n’inspire pas confiance. Certains parents préfèrent offrir la nationalité étasunienne à leurs enfants

L’accouchement coûte très cher aux USA. Mais, cela n’ébranle en rien la volonté des parents haïtiens qui cherchent à offrir la nationalité américaine à leurs enfants.

Lynda S. estime avoir dépensé environ 15 000 dollars US pour l’accouchement de son garçon aux USA, dans l’État de Miami en 2015. « Une sonographie coûte 1 000 dollars US [dans l’hôpital où j’étais] », lâche la dame, âgée de 39 ans.

Luc V. est une professionnelle en droit. Elle compte, en tout, trois accouchements au pays de Joe Biden respectivement en 2015, 2016 et 2018.

« Jusqu’à date, j’ai une dette estimée à environ 15 000 dollars pour les hôpitaux qui ont procédé à mes deux premiers accouchements », déclare l’agent de la fonction publique qui se démène dans l’entrepreneuriat avec son mari pour pouvoir payer mensuellement les frais de l’hôpital.

Diabétique, Luc V. a été placée en soin d’urgence lors de son premier accouchement à Miami. Le coût total ? 23 000 dollars US.

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Accoucher à Miami coûte cher, analyse la professionnelle. Raison pour laquelle elle s’est rendue au Massachusetts pour ses deux derniers accouchements. « Le système de santé de cet État offre une couverture médicale même aux femmes enceintes étrangères, dit Luc V. L’accouchement de mes deux derniers enfants a coûté en tout 20 000 dollars américains. »

Depuis 1868, tout enfant qui naît sur le territoire américain se voit attribuer automatiquement la nationalité américaine. Cette année marque l’introduction du 14e amendement de la constitution des États-Unis. Selon une section de ce document, « Toute personne née ou naturalisée aux États-Unis, et soumise à leur juridiction, est citoyenne des États-Unis et de l’État dans lequel elle réside. Aucun État ne fera ou n’appliquera de lois qui restreindraient les privilèges ou les immunités des citoyens des États-Unis (…). »

Plusieurs raisons expliquent la course aux États-Unis des parents haïtiens. « La situation en Haïti va de mal en pis, juge Lynda S.. Offrir une autre alternative à mon enfant pour ne pas endurer ce que j’ai pu vivre dans ce pays reste le meilleur choix », dit la dame qui a obtenu son visa à la fin de l’année 2014.

Comptable, Lynda S. travaille dans une Organisation non gouvernementale (ONG) en Haïti. Dans les deux semaines qui ont suivi son accouchement aux USA, elle a obtenu les documents d’identités et de voyages de son fils américain qui vit et va à l’école en Haïti.

Il n’existe pas de données officielles en Haïti sur la quantité de femmes enceintes qui laissent le pays pour aller accoucher ailleurs.

Le Center for Immigration Studies rapporte que 33 000 bébés, sur un nombre total de 3,8 millions de naissances annuelles, aux États-Unis naissent à partir du tourisme de maternité entre 2016 et 2017.

Cette pratique qui s’en va grandissant en Haïti représente un symbole ou un acte de désespoir, d’après le sociologue Illionor Louis. « La personne ayant fait ce choix est plongée dans un désespoir total par rapport à l’avenir de son enfant dans son pays d’origine. Du coup, elle espère rattraper cet espoir en donnant naissance à son enfant dans un pays étranger », explique le sociologue Louis.

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Parallèlement, Haïti est le pays de la région qui enregistre le taux de mortalité maternelle le plus élevé. Certaines familles ayant la capacité financière préfèrent voyager pour accoucher dans de meilleures conditions sanitaires.

L’accouchement aux USA ne garantit pas à l’enfant que la nationalité.

La plupart des parents reçoivent aussi une aide de l’État pour l’enfant. « On avait l’habitude de recevoir une allocation annuelle de mille dollars US par enfant, déclare Luc V. Avant, il n’y avait pas un contrôle strict sur l’endroit où se trouve l’enfant. Mais tout a changé avec le président Donald Trump, on n’a rien reçu depuis son accession à la présidence. »

Lynda S. a, de son côté, fait le choix de ne pas recevoir d’allocations du gouvernement américain après son retour en Haïti.

En janvier 2020, le bureau des affaires consulaires du département d’État a publié aux ambassades et aux consulats de nouvelles règles sur la réglementation des visas. Ces principes limitent la délivrance de visas touristiques B-2 aux femmes enceintes. L’objectif était de lutter contre la pratique consistant à se rendre aux États-Unis pour accoucher afin que l’enfant obtienne automatiquement la citoyenneté américaine.

Il reste toutefois possible pour une femme enceinte d’obtenir un visa de tourisme afin de suivre un traitement médical aux États-Unis. Mais, elle devra démontrer qu’un médecin américain a accepté de lui prodiguer les soins nécessaires et qu’elle est en mesure de payer les frais y afférents.

À défaut des États-Unis, certaines femmes se rendent en République Dominicaine pour accoucher.

Selon une étude citée par le média dominicain DiarioLibre, les Haïtiens se serviraient massivement des soins de santé des centres hospitaliers dominicains. Dans environ 30 % des accouchements dans les maternités publiques du pays, la mère serait haïtienne, d’après cette étude.

Une autre étude du Système national de santé dominicain évalue les dépenses totales en soins de santé pour les citoyens haïtiens à 4 195 millions de pesos (environ 73 millions de dollars) en 2019.

Des organismes de droits humains dominicains rejettent ces données.

L’Haïtienne Christiana Lys s’est rendue légalement en RD pour accoucher en 2021 à l’hôpital San Lorezo de Los Mina dans la région Santo Domingo.  

« J’ai été bien accueilli et je n’ai rien payé à part les examens médicaux que j’ai réalisés dans des laboratoires privés », révèle Lys.

Contrairement aux USA, l’enfant n’obtient pas automatiquement la nationalité dominicaine. La plupart des nouveau-nés haïtiens se retrouvent donc sans statut juridique depuis que le gouvernement dominicain a retiré, sur décision de la Cour suprême fin 2013, la citoyenneté aux enfants nés de parents sans papiers sur le sol dominicain.

Journaliste à AyiboPost. Communicateur social. Je suis un passionnné de l'histoire, plus particulièrement celle d'Haïti. Ma plume reste à votre disposition puisque je pratique le journalisme pour le rendre utile à la communauté.

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