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Ces Haïtiens préfèrent Haïti à la Turquie

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Chômage, injustices, racisme… vivre en Turquie a traumatisé beaucoup d’Haïtiens. Des centaines ont choisi de rentrer chez eux cette semaine

Il était déjà quatre heures de l’après-midi quand l’avion qui transporte les migrants haïtiens venant de la Turquie a atterri sur le tarmac de l’aéroport international Toussaint Louverture hier jeudi 28 juillet 2022. Après 13 heures de vol, 301 Haïtiens ont pu enfin rejoindre leur terre natale.

Pour la majeure partie d’entre eux, ce retour met fin à un cauchemar. Sans résidence ni emploi, ils vivaient pour la plupart en situation irrégulière en Turquie. L’Organisation internationale de la migration (OIM) a dû organiser ce vol puisque des pays comme l’Espagne continuent de refuser d’accorder un visa de transit aux Haïtiens de Turquie, de peur qu’ils ne choisissent de rester en Europe.

Vêtu d’un costume noir, Peterson, originaire de Lascahobas, fait partie du premier groupe d’Haïtiens à avoir volontairement choisi de revenir en Haïti. En 2021, il avait dépensé près de 3 000 dollars américains pour se rendre en Turquie.

Peterson venait de boucler ses études secondaires lorsqu’il a quitté Haïti. Il s’était rendu en Turquie dans l’objectif de trouver un emploi afin de financer des études supérieures. Ce rêve ne s’est finalement pas matérialisé.

Le jeune de 22 ans dit être prêt à entamer un nouveau départ dans son pays natal en proie à une insécurité record. « J’ai passé douze mois à travailler, dit-il. Si le salaire pouvait répondre à mes besoins, je ne serais pas de retour en Haïti. »

Lire aussi : Des Haïtiens pensent trouver en Turquie un eldorado. La réalité est bien différente.

Fernando Ortega a, de son côté, été dupé par une agence de voyages. Après ses études en génie mécanique dans une université en Haïti, le jeune homme de 25 ans est parti à la recherche d’un stage et des connaissances approfondies dans son domaine en Turquie.

« C’était un fiasco total », conclut Ortega, un drapeau haïtien attaché à la ceinture, pendant qu’il fait la queue sous une tente du ministère de la Santé publique et de la Population (MSPP), dédiée à la détection du Coronavirus à l’aéroport.

Malgré l’instabilité économique, le durcissement de la crise politique et l’emprise sans précédent des gangs armés, Ortega se sent « soulagé » d’avoir atterri en Haïti après un an et quatre mois passés en Turquie.

Selon l’OIM, près de 500 Haïtiens en Turquie veulent revenir en Haïti. Le chef de la mission, Giuseppe Loprete, rapporte que le processus de rapatriement a commencé en avril dernier après les premiers appels reçus par l’institution en Turquie.

 « OIM en Turquie a analysé les dossiers et évalué la volonté des demandeurs de retourner en Haïti via des interviews », explique Loprete. Le vol pour ce « retour volontaire » a coûté environ 440 000 dollars américains, selon les chiffres fournis par Loprete.

Lire également : Il a dépensé 5000 dollars pour se rendre en Turquie. Aujourd’hui, il ne peut s’acheter un billet de retour en Haïti.

Les représentants de l’Office de la protection du citoyen (OPC) et de l’Office national de la migration (ONM) présents à l’aéroport pour accueillir les migrants n’ont pas voulu s’entretenir avec AyiboPost sur le sujet.

« Ce retour volontaire concerne principalement des Haïtiens qui résidaient en Turquie dans les villes d’Istanbul et de Konya », rajoute Giuseppe Loprete précisant que l’organisation travaille présentement sur la réalisation d’un second vol de retour volontaire.

« On a un enfant non accompagné parmi les 301 migrants haïtiens retournés dans le pays, informe Loprete. On va travailler de concert avec l’Institut du bien-être social et de recherches (IBESR) pour l’aider à retrouver sa famille ».

Les migrants, majoritairement originaires des villes de province comme les Cayes, Cap-Haïtien et Hinche, ont reçu 250 dollars américains de la part de l’OIM pour pouvoir rentrer chez eux.

Cet article a été mis à jour avec des précisions de l’OIM. 09.07 1.08.2022

Molière Adely pratique le journalisme depuis 2018. Il a déjà collaboré avec plusieurs médias. Étudiant en sociologie à la Faculté d’Ethnologie de l’Université d’État d’Haïti (FE/UEH), Adely s’intéresse à la politique, la culture et aux sujets de société.

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