Le sport, le combat contre la sédentarité, un régime diététique, ou encore contrôler les facteurs anxiogènes sont recommandés aux personnes en surpoids
Alisha Etienne a toujours vécu avec une grosseur en dehors de la moyenne. Son poids était un sujet de moquerie, surtout dans son enfance.
« On m’appelait bout patat si, et c’était dégradant. Les enfants ont toujours eu en tête qu’être mince est symbole de beauté. Encore aujourd’hui, lorsque je gagne les rues, j’ai du mal à me faire à l’idée d’être appelée bout madanm, bout manman. »
Pourtant, la perception sociale de l’obésité a nettement évolué. Au moyen âge et aussi dans les périodes antiques, le surpoids n’était pas perçu de façon négative, analyse Olivier Vieillard. Selon le médecin qui a écrit un mémoire sur le sujet, l’embonpoint qui, aujourd’hui, fait référence à une personne en surpoids, était un indicateur de réussite. À cette époque où manger était un luxe, si on pouvait se permettre d’avoir de l’embonpoint, on était considérés comme des personnes fortunées. La perception occidentale du surpoids a changé dans l’ère post révolution industrielle. On a alors commencé à accorder beaucoup d’importance à la minceur.
Pour Alisha Etienne qui a connu l’époque des « top-modèles minceur », c’était un véritable drame. « La société a longtemps prôné un idéal “corps de rêve” où la minceur est mise en valeur. Cela me faisait mal de ne pas trouver des habits de mode à ma taille, de ne pas pouvoir porter un habit quelconque à cause de mon ventre ou de la grosseur de mes fesses. Ce n’est que très récemment que le monde de la mode a commencé à mettre en valeur les femmes rondes », affirme-t-elle.
Dans les sociétés noires, antillaises et haïtiennes, le surpoids n’est pas mal considéré, d’après Olivier Vieillard. Le facteur qui rentre en compte dans la perception sociale ce n’est pas le surpoids ou l’obésité, mais plutôt la répartition des masses. Si une femme est en surpoids, mais que la majorité des graisses est située au niveau des fesses ou des cuisses, elle est qualifiée d’attirante, si elle a le ventre plus plat. C’est encore la norme dans beaucoup de pays africains, ou l’embonpoint est facteur de beauté.
Des risques pour la santé
Selon le docteur Olivier Vieillard, toute personne qui semble présenter un embonpoint n’est pas forcément obèse. L’obésité se calcule à partir de l’indice de masse corporelle, en divisant le poids de quelqu’un par sa hauteur, et aussi par la mesure du tour de taille par rapport au tour de hanche. Ces calculs, tout dépend de leur résultat, déterminent le type d’obésité que souffre une personne. Le troisième et dernier type est appelé obésité morbide. Il est lié à un taux de décès élevé.
Un patient obèse peut développer des troubles liés au sommeil, ou encore une arthrose précoce. Cela signifie qu’il souffrira de douleur dans les articulations, comme le genou, le coude, etc.
Beaucoup de personnes ne se considèrent pas comme obèses, même si leur poids reste alarmant.
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Benjelloun Viau Celeny est photographe professionnel. Il a une forte corpulence due à une accumulation de graisse. Il n’accorde pas d’importance particulière à son poids. « Nous sommes de cette grosseur de génération en génération dans ma famille. Ma grand-mère, ma mère, mes sœurs aussi. En primaire, j’étais surnommé “fat”. Mais mon poids n’a jamais constitué un dérangement pour moi », assure-t-il.
Mais pour celles et ceux qui sont dérangés par cette apparence, la perception sociale, les conséquences de santé, ou psychologiques peuvent être graves.
« Les propos lancés à l’encontre des personnes en surpoids ne sont pas sans conséquence. Une personne discriminée ou marginalisée à cause de son poids peut devenir insomniaque. Elle peut même tomber en dépression », déclare le psychologue Fritzbert Jacksy.
Si la perception sociale reflète une certaine tolérance envers les personnes en surpoids, celle-ci change avec la gravité de l’obésité. Ces personnes sont parfois chahutées, diminuées, humiliées, mises à l’écart. Récemment, le terme « grossophobie » a fait son entrée dans la langue française pour caractériser le comportement de la société envers les personnes obèses, ainsi que les répercussions de ces agissements.
Des méthodes inefficaces
Le docteur Olivier Veillard souligne que les personnes les plus susceptibles d’être victimes de grossophobie en Haïti sont celles qui souffrent d’une forme grave de l’obésité, ou dont le poids est mal réparti. Ces personnes peuvent se trouver moins belles, moins attirantes, et sont beaucoup plus facilement dépressives.
En outre, elles essaient parfois agressivement de perdre du poids, en utilisant des méthodes drastiques comme le jeune. D’après le médecin, ce ne sont pas toujours de bons procédés, car si on perd du poids et qu’on se détourne de la méthode qui a aidé cette perte, il peut revenir plus rapidement. C’est ce qu’on appelle l’effet yoyo.
Le médecin dénonce aussi le comportement de certains hommes qui exploitent le manque d’estime de soi de certaines femmes obèses. Il y a aussi des cas de discriminations plus courantes, comme les chauffeurs qui ne veulent pas de ces personnes dans leur taxi, leur tap-tap ou à l’arrière de leur moto.
L’organisation panaméricaine de la santé classe l’obésité au rang d’épidémie. Cette maladie affecte 140 millions de personnes dans la région Amérique latine/caraïbe, soit 23 % de la population régionale.
Mais, selon le rapport « Panorama de la Sécurité alimentaire et nutritionnelle en Amérique latine et dans les Caraïbes » publié en 2017, le taux d’obésité en Haïti est l’un des plus bas de la région. Il est d’environ 11 %.
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Patrick André, résident en médecine interne à l’hôpital Justinien, explique que l’obésité est une maladie chronique qui peut réduire l’espérance de vie. « Plusieurs raisons peuvent être à la base de l’obésité chez une personne. Cela peut être dû à des troubles psychologiques, la dépression et l’anxiété, des facteurs génétiques, etc. », dit le médecin.
L’obésité est étroitement liée au diabète. Une personne obèse est susceptible de développer une résistance à l’insuline, qui contribue à réguler le taux de sucre dans le sang. Il en résulte une hyperglycémie. Le sucre est présent dans le sang en proportion élevée, ce qui est très dangereux pour le corps.
Le rapport de l’OMS pour la période 2019-2020 démontre que le diabète sucré a, à lui seul, tué plus de 2 millions de personnes dans le monde.
95 % des cas de diabètes sucrés sont conditionnés par l’obésité, dit Olivier Vieillard. Ajoutée à cela, l’obésité augmente le risque de maladies cardiovasculaires, qui sont considérées comme la première cause de mortalité avec 8,9 millions de personnes tuées entre 2019 et 2020.
Attention aux fausses solutions
Les personnes en surpoids ou tout simplement obèses tentent souvent de maigrir, par tous les moyens. Mais la plupart des méthodes utilisées sont superficielles. Des entreprises proposent des thés, et d’autres médicaments. Ce sont des solutions qui provoquent une déshydratation temporaire. Comme le corps est constitué en grande partie d’eau, lorsque les tissus se vident, il reste l’impression d’avoir perdu du poids. Mais si on arrête de consommer ces produits, le corps se réhydrate, et le poids redevient tel qu’il était.
Il existe une méthode chirurgicale, connue sous le nom de liposuccion, où la personne redirige les graisses du corps, dans d’autres parties spécifiques. Cela entre dans le cadre de la perception sociale qui fait croire que l’idée n’est pas de perdre le surplus de graisse, mais de le répartir de manière à être plus attirant.
En plus d’être extrêmement coûteuse, cette méthode n’est pas assez efficace ; car elle ne fournit pas un résultat sur le long terme. Il faut recommencer dans six mois, un an tout au plus, sinon la graisse se délocalise pour se resituer à sa position initiale.
Selon Patrick André, il existe des moments-clés où une personne peut prendre du poids et risquer de devenir obèse : la puberté, la grossesse et la ménopause. Il est selon lui beaucoup plus facile de gagner du poids que d’en perdre. Les personnes qui souffrent de surpoids doivent changer certaines habitudes pour prévenir l’obésité. Le sport, le combat contre la sédentarité, un régime diététique, ou encore contrôler les facteurs anxiogènes sont recommandés.
Phillerque Hyppolite
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