Grâce à l’abondance de ses divertissements nocturnes, Saint-Marc se fait une réputation de ville sans sommeil. En semaine ou en week-end, il y a toujours une affiche qui attire les friands de grandes foules. Ainsi, la ville sort de la monotonie des soirées ordinaires.
En effet, quand les rayons du soleil prennent leur recul sur la ville, le soir venu, la capitale du Bas-Artibonite offre une atmosphère qui invite toujours au plaisir. La tristesse n’est pas Saint-Marcoise ! Cette nuit-là, la cité en a fait preuve, et j’en ai profité à satiété.
Contrairement aux prévisions météorologiques, la ville a connu une fin d’après-midi bien calme, épargnée des trombes de pluie qui auraient inondé certaines rues dotées d’infrastructures déficientes.
La nuit s’avance avec tout ce qui l’accompagne : « black-out », vrombissement des groupes électrogènes, le bruit des taxi-motos, la musique des bars, l’ambiance des boîtes de nuit… En fait, tout l’attirail nécessaire pour une nuit sans sommeil comme la ville en est habituée.
Entre mon bar habituel et les autres alternatives, ce fut un autre samedi soir de grand dilemme. Difficile de faire un choix. Alors, comme pour m’assurer de profiter de tout, j’ai décidé de m’offrir un petit tour, ou du moins de visiter quelques points de repère où les noctambules forcenés ne se font pas prier pour jouir de leur énergie et de leurs poches. « Mil goud kap boule » disent-ils.
Il est presque 22h, direction : Portail des Guêpes. Entre les décibels des haut-parleurs, l’odeur des fritures, la senteur de l’alcool, la fumée des cigarettes, ici la vie trouve son sens pour les hédonistes.
À quelques mètres du Lycée Sténio Vincent, à la discothèque du coin il y avait affluence. Dans les parages, des femmes aux mini-jupes agressives, corsages largement débrayés, lèvres salement fardées font valoir leur puissance de séduction. Mais ce soir, le commerce sexuel ne fait pas bonne recette. Regroupées dans la pénombre, les prostituées s’en plaignent. Il parait que certains clients rechignent toujours au prix du service…
À l’intérieur du club, presqu’aucune table n’est vide. Jeux de lumière, musique, un cocktail qui fait les délices du public, déjà séduit par l’ambiance qui consume cet espace, rempli comme un œuf.
La satisfaction éprouvée par le public se lit dans chaque chemise imbibée de sueur, dans les cris stridents des jeunes, des filles notamment qui ne se font pas prier pour envahir la piste de danse, faisant ainsi valoir leurs techniques de danse. L’euphorie était à son comble !
Un peu après minuit, soudainement une bagarre éclata entre deux hommes, visiblement dépassés par le taux de l’alcool contenu dans leur sang. Ce fut pour moi un prétexte pour vider les lieux, surtout qu’aucun agent de sécurité n’avait été aperçu. « La pa la’m ».
Après avoir respiré pendant quelques minutes, comme un naïf, j’ai suivi un groupe de gens marchant vers la rue Pétion, où un bar-dansant a été fraichement inauguré.
Ici, contrairement à la première adresse, l’espace etait à peine rempli. Néanmoins, une ambiance électrique se dégageait de cette salle, faiblement éclairée.
Derrière ses platines, le jeune DJ faisait preuve d’une dextérité remarquable. Le public etait acquis à la cause de ses touches. Déhanchements, « Kole sere » des couples, la musique « Hot » faisait piaffer ces gens qui en redemandaient à chaque fois.
De medley en medley, l’ambiance s’intensifia autant que s’égrainaient les minutes. Quand les premières notes du refrain de « Validé » sortirent des haut-parleurs, comme un seul homme, tout le monde se laissa aller corps et âme, bougeant et chantant à tue-tête. X-Man et CARIMI ont gagné le pari. Et quand cette fille au corps diablement élancé, se mit à se tortiller sur la piste tel un serpent en pleine démonstration (prouvant ainsi de quoi ses hanches étaient capables), ce fut le délire total.
Il sera bientôt 2h du matin. Entre-temps, une sensation de faim me chatouilla l’estomac. À cette heure, les restaurants traditionnels ne fonctionnaient presque pas. Tout compte fait, direction : Boulevard de la liberté.
Ici, dans ce marché improvisé sous les étoiles, contrairement à l’atmosphère festif des boites de nuit, c’était un autre spectacle beaucoup moins extravagant.
Une chaudière par-ci, une table par-là. Entre les tas d’ordures et les nourritures préparées en pleine rie, un décor à peine imaginable est planté. N’empêche que les consommateurs font de la queue pour être servis.
En effet, loin d’un instant d’extase provoque par la consommation a outrance de bières ou autres substances psycho-actives, ici les gens cherchent plutôt à apaiser leur faim, même si les conditions d’hygiène sont souvent déplorables. Ventre affamé n’a ni œil ni odorat. Bref.
Un sandwich, une gazeuse. J’étais déjà prêt pour rentrer chez moi. Arrivé à 2h45, Lucky, le petit chien adoré de la famille m’attendait fidèlement, comme pour signifier que, à l’instar de la ville, même les animaux domestiques sont sans sommeil.
Vive le dynamisme nocturne de cette ville qui dort tard et qui se lève tôt !
Osman Jérôme
Image: Junior Jeanty Augustin
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