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Ayisyen manje, manje bliye…

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Selon les dires de certains: « Pendant le règne de Jean-Claude Duvalier, il n’y avait pas autant de misère. Le peuple pouvait subvenir à ses besoins et dormir en toute quiétude. Les tontons macoutes montaient la garde et, le gouvernement, tant bien que mal, faisait prospérer le pays. Aujourd’hui, un grand homme s’en va à jamais… RIP Baby Doc. ». Serait-ce un anachronisme? De quel gouvernement parle-t-on? De celui de Jean-Claude Duvalier? Si c’est le cas, je comprends difficilement des affirmations de la sorte.

Aujourd’hui si je me trompe, alors je mens après plus de vingt ans de témoignages. C’est une honte internationale de voir que plus de 20 ans après, un peuple qui a tant souffert voit mourir sans justice le dictateur qui, pendant des années, l’a oppressé. C’est un affront à toutes les victimes de cette dictature, de voir que Jean-Claude Duvalier sera enterré comme un honnête et humble citoyen. Et, ce sera le comble de voir comment les Haïtiens ne se souviennent de rien. Ce qui est sûr : Ayisyen manje manje bliye.

Le jour des funérailles, tous les membres de la haute société haïtienne et du gouvernement déambuleront devant la famille et les proches du défunt pour compatir à leur peine. Mais, rappelez-vous, qui, du temps des Duvalier, avait réconforté Patrick Lemoine, l’auteur de FortDimanche, Fort-la-mort?, pour ne citer que celui-là. A côté du chikungunya et du choléra, avons-nous une épidémie d’Alzheimer qui ronge la population toute entière ou sommes-nous nés avec une mentalité de lèche-cul? Souvenez-vous qu’au lendemain du 7 février 1986, les médias internationaux annonçaient au monde entier comment le peuple Haïtien célébrait le départ de Jean-Claude Duvalier. Ce jour là était symbole d’espoir et de renouveau. En 2014, vingt-huit ans plus tard, ce mondain dictateur meurt sans avoir été jugé. Pour citer Lionel Trouillot « […] cet enfant de 60 ans […] dont nous fûmes le jouet […] » meurt, pour nous donner, une fois de plus, la preuve flagrante de l’inexistence de notre système judiciaire.

Comment oser, aujourd’hui, parler de funérailles nationales pour Jean-Claude Duvalier sous prétexte que ce dernier est un ancien président? Ne devons-nous pas du respect à la mémoire de tous les malheureux martyrs de ce régime? Pourquoi ce dictateur, acteur ou catalyseur de ces crimes a droit à des funérailles dignes de ce nom alors que bon nombre de ceux qui sont morts de sa main n’ont même pas eu droit à une tombe ou à une veillée?

Nous vivons sur un petit bout de terre ou l’injustice sévit et où, depuis des décennies, les bandits roulent sans souci, ni crainte dans leur tout-terrain. Il reste à espérer qu’après la mort sans punition de Jean-Claude Duvalier, les autorités concernées ne referont plus la même erreur et qu’elles poursuivront tous les procès en court jusqu’à ce que justice soit rendue à toutes les victimes politiques. Il est temps que nous arrêtions d’oublier les événements troublants. Il est temps que nous arrêtions de vendre notre dignité à nos politiciens. Et surtout, il est temps que ces politiciens arrêtent de jouir de cette impunité permanente depuis plus d’un demi-siècle.

Jean-Paul Benoit

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