AyiboPost a obtenu l’extrait d’une conversation ayant pris place entre octobre et novembre 2021 où Garry Orélien fait cette confession. Il ne savait pas qu’il était sous enregistrement, d’après notre source
Le juge d’instruction fait une révélation majeure. Il parle des liens du Premier ministre Ariel Henry avec « le moteur, l’initiateur de l’assassinat qui est son ami et qui a planifié avec lui le jour de l’assassinat. »
« Ariel était en communication serré avec Laguel Civil qui est un autre initiateur, complice et auteur », continue Garry Orélien dans l’enregistrement, obtenu par AyiboPost.
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CNN a rapporté en premier la conversation. Cependant, c’est la première fois que le son de l’enregistrement est rendu public. Le premier ministre a par le passé nié toute implication dans l’assassinat.
Contacté par AyiboPost, Garry Orélien n’a ni nié ni confirmé l’enregistrement. Il a cependant déclaré ce matin sur la Radio Télé Caraïbes avoir été contacté par CNN. « Les gens qui me connaissent savent que je n’aurais jamais fait ça », déclare le magistrat.
« Tout le monde avait de l’argent pour ne pas tirer un projectile, et de fait, personne n’a tiré », explique Garry Orelien dans l’enregistrement, parlant d’ordonnance donnée pour que les gardes fuient leur responsabilité.
Le juge dit aussi que le Premier ministre est « impliqué jusqu’au cou dans l’assassinat ». Il dit ne pas pouvoir toucher Ariel Henry uniquement « avec ses fesses ».
Mi-janvier 2022, le New York Times révèle l’existence de communications serrées avant et après l’assassinat entre Joseph Felix Badio et Ariel Henry. Ces révélations sont basées sur des interviews et des relevées téléphoniques obtenus par le journal.
Puis, lorsque Badio a été recherché par la police, il a rendu visite à Ariel Henry, selon deux responsables haïtiens au courant de l’enquête, avait continué le Times.
Quatre mois après l’assassinat, ont déclaré les responsables, M. Badio s’est rendu à la résidence officielle de M. Henry à deux reprises — les deux fois la nuit — et a pu entrer sans être gêné par les gardes de sécurité du Premier ministre, bien qu’il fuyait la police.
Haïti se trouve à un carrefour politique, social et politique majeur. Ariel Henry a été nommé Premier ministre par l’ancien président, Jovenel Moïse. Le mandat du chef de l’Etat arriverait à terme, de façon incontestable, le 7 février 2022.
Hier, cependant, le Premier ministre — supporté par les États-Unis et d’autres acteurs internationaux — a refusé de quitter le pouvoir. Il dit, comme il l’avait fait depuis des mois, qu’il remettra le pouvoir à des élus d’élections qui doivent être organisées après le changement de la Constitution.
Lors de son adresse à la nation, hier après-midi, il a trivialisé les initiatives portées par d’autres acteurs de la classe politique et de la société civile, visant à installer un gouvernement de transition avec un président à la tête du pays. Ce sont des « jeux d’enfants » et des « distractions », a déclaré Ariel Henry.
À la date fatidique, le président du Senat a annoncé une rencontre avec des secteurs de la vie nationale afin de forger un consensus. Selon Joseph Lambert, Ariel Henry est le « plus grand obstacle » à l’érection d’une solution à la crise.
L’accord de rupture, dit Montana, porté par des acteurs majeurs de la politique et de la société civile a envoyé une correspondance début février pour inviter le Premier ministre à négocier, après l’élection d’un président – sur cinq prévus pour un collège présidentiel – et d’un Premier ministre le dimanche 30 janvier dernier.
Dans son adresse à la nation, Ariel Henry n’a pas mentionné l’invitation du sénat. Il n’a pas non plus changé de position sur l’accord de Montana. Néanmoins, le Premier ministre annonce la reprise de négociation avec le Fonds monétaire international. Il a aussi parlé d’une importante réunion avec les grands donateurs du pays, le 16 février prochain.
L’investigation de Garry Orelien n’a pas été sans failles. AyiboPost a rapporté dimanche 6 février, des messages compromettants échangés par son greffier, Elysée Cadet. L’auxiliaire du juge tentait d’utiliser l’enquête pour obtenir une voiture de l’une des mises en cause dans l’assassinat, selon un enregistrement audio et des conversations WhatsApp obtenues et rendues publiques par AyiboPost.
Dans un rapport sorti le 6 janvier dernier, le Réseau national de défense des droits humains, demande aux autorités d’enquêter sur le comportement du magistrat instructeur Garry Orelien et de son greffier dans l’instruction de ce dossier et « prendre à leur encontre les sanctions qui s’imposent, en marge de la médiatisation du scandale et d’accusations de corruptions potentielles du magistrat. Orelien a rejeté ces accusations.
Garry Orelien est depuis sous enquête à la Cour supérieure du pouvoir judiciaire. Le greffier a été convoqué au Ministère de la Justice, le 3 février dernier.
CNN a vérifié l’enregistrement en le comparant à d’autres enregistrements connus d’Orélien et à travers de longues conversations que CNN a eues avec lui, ainsi que des messages vocaux.
« Je ne me souviens pas avoir parlé à qui que ce soit de l’affaire en détail », a déclaré Orélien lorsque la chaine américaine l’a interrogé sur l’enregistrement. « Beaucoup de gens essaient d’influencer l’affaire et je ne jouerai pas leur jeu. »
AyiboPost n’a pas confirmé de façon indépendante la date de l’enregistrement. Certains pointent du doigt le manque de crédibilité du juge, écarté du dossier, après sa demande de prolongation auprès de son supérieur.
Les dernières révélations alimentent un débat passionné sur internet.
« Le FAUX Premier ministre d’Haïti a montré qu’il ne peut pas et ne veut pas obtenir justice pour Moïse parce qu’il est impliqué dans l’assassinat, déclare Daniel Foote, un ancien envoyé spécial des États-Unis en Haïti, très critique envers la politique américaine en Haïti. Vous commencez vraiment à avoir l’air stupide, donateurs », a conclu l’ancien officiel.
Une quarantaine de suspects ont été appréhendés par les autorités, après l’assassinat. Trois d’entre eux ont été libérés par Garry Orélien. Un autre est mort dans des circonstances troublantes, alors que trois autres, arretés à l’étranger, sont hors de portée de la justice haïtienne.
Les États-Unis, dont le nom d’une des agences a été utilisé par les assaillants, jouent un rôle de plus en plus important dans l’enquête. Mi-janvier, le Sénat américain a donné trois mois au département d’État pour produire un rapport devant fournir une description détaillée des circonstances autour de l’assassinat.
Deux inculpés répondent aux questions de la justice américaine. Le département d’État des États-Unis a nié par le passé toute implication dans le meurtre.
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