Cette forme de jardinage à domicile établit une connexion directe avec la nature entre les murs imposants des grandes villes
Quand il repose ses pinceaux, fatigué de re-définir les contours abrupts et verdoyants de la nature haïtienne, Pascal Nerisier cultive son jardin au cœur même de la commune huppée de Pétion-Ville.
Sur une petite parcelle d’environ 26 mètres de long sur 6 mètres de largeur, le peintre et dessinateur, connu sous le nom de Paskö, grandit pour sa consommation des variétés de légumes, des agrumes verts, des courges, des arbres et herbes fruitiers, de la patate douce, des plantes médicinales et aromatiques.
Cette forme de jardinage à domicile fait des adeptes dans plusieurs grandes villes d’Haïti, dans un contexte où la Coordination Nationale de la Sécurité Alimentaire (CNSA) rapporte que l’insécurité alimentaire touche la moitié du pays.
La pratique peu avide d’espace porte le nom «d’agriculture urbaine», précise l’agronome Jean-Luc Saint-Pierre, coordonnateur de programme à l’Organisation pour la promotion du développement (PROMODEV).
Selon le professionnel, cette forme d’agriculture vise le développement durable. Elle s’est largement répandue dans le monde avec l’urbanisation croissante des villes, et en Haïti, «elle a pris de l’ampleur à partir des années 1980», souligne-t-il.
Chaque agriculteur urbain a sa propre histoire.
Dans la cour de Paskö à Pétion-Ville, des lapins ronronnent au milieu des caquètements des poules. C’est un monde familier pour l’artiste qui pratique l’agriculture depuis près de cinq ans dans sa cour à Pétion-Ville. Cette passion l’a suivi pendant ses dix années en France, et il l’a reprise avec enthousiasme environs trois ans après son retour en Haïti en 2014.
L’ingénieur agronome Arlan Lecorps s’est versé dans la pratique grâce à sa profession. L’agriculture urbaine a été «recommandée» après le séisme du 12 janvier 2010 en Haïti par des organisations alimentaires, «afin de libérer les personnes dans les camps de déplacés de leur dépendance à l’aide humanitaire étrangère», rappelle Lecorps à AyiboPost.
Il y a deux ans, le professionnel crée son propre jardin urbain sur le toit de sa maison à Delmas. Il utilise une vingtaine de pneus de voiture qu’il a remplis de terre et de compost pour y cultiver des patates douces, des arbres fruitiers, des légumes de différentes variétés et des plantes aromatiques. «C’est un moyen pour moi de m’occuper pendant mon temps libre», soutient Lecorps.
Selon l’agronome, le jardinage a des vertus thérapeutiques.
«Jardiner demande un effort physique bénéfique pour la santé», explique Lecorps. «Et mentalement, on se satisfait d’avoir accompli quelque chose», ajoute-t-il.
En septembre 2023, la majorité de la population haïtienne se retrouve en insécurité alimentaire aigüe. Dans ce contexte, cultiver chez soi peut aider.
C’est l’un des arguments soulevés par Frantz Brizard, un ancien étudiant en sociologie à la Faculté des sciences humaines.
L’originaire de Thomonde considère l’agriculture comme une «arme de combat contre l’insécurité alimentaire et la dépendance d’Haïti à des pays étrangers [producteurs de denrées]».
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Le jeune homme a lancé son jardin pendant la période du confinement en 2020 à Santo, en Plaine. Dans sa cour d’environ 150 à 200 mètres carrés, il pratique la culture maraîchère.
L’activité, selon Brizard, couvre une bonne partie de ses besoins de première nécessité. Puisqu’elle requiert généralement moins d’usage de produits chimiques néfastes, elle lui permet de contribuer à protéger l’environnement tout en protégeant sa santé.
Cassanuela Damus est étudiante en quatrième année d’agronomie. Elle a commencé son jardin à Clercine en 2020 pour pouvoir exercer son métier dans un environnement sécurisé, puisque la ferme de pratique disponible pour les étudiants de son université se trouve dans une zone à haut risque de kidnapping.
Damus cultive la maraichère et produit des plantules d’arbre fruitier qu’elle revend.
«Sur le plan qualitatif, les productions d’un jardin urbain sont beaucoup plus saines que celles [de la plupart] des jardins ruraux qui sont [souvent] exposés à divers types de résidus agrochimiques », se réjouit Damus.
L’agriculture urbaine établit une connexion directe avec la nature entre les murs imposants des grandes villes.
James Vergneau connu sous le nom de Rebel Layonn est chanteur, compositeur et professeur de yoga. Il pratique l’agriculture urbaine depuis près de huit ans à Delmas 95.
Rebel Layonn produit toutes sortes de légumes et d’arbres fruitiers. Il utilise le compostage et des fumiers organiques.
De plus, Layonn entretient environ trois ruchers d’abeilles chez lui. «Je génère une partie de mon alimentation, je ne dépends pas totalement des supermarchés», déclare Rebel Layonn.
Beaucoup d’adeptes de l’agriculture urbaine mettent en avant des valeurs écologistes en pratiquant le recyclage notamment.
Rebel Layonn fait de l’agroforesterie. Il regrette que l’espèce humaine «néglige son interdépendance avec la nature ».
Par Tchika Joachim
Image de couverture : Pascal Nerisier met en avant les valeurs nutritives et la fertilité du sol chez lui à Pétion-Ville en septembre 2023. | © Jean Feguens Regala/AyiboPost
Découvrez notre émission spéciale AyiboLab réalisée en juin 2023 avec James Vergneau, alias Rebel Layon, qui est végétarien depuis environ 25 ans :
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