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À genoux, le secteur de la construction fait des malheureux en Haïti

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Pour survivre, certains professionnels abandonnent le secteur pour s’adonner à d’autres activités parfois moins rentables. D’autres partent simplement vers l’étranger

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Lorsqu’il quitte Port-au-Prince pour rentrer au Cap-Haïtien en mai 2021, l’ingénieur Fritzson Pierre Louis voulait rompre avec une longue saison de disette au cours de laquelle plusieurs de ses projets de construction à Delmas ou dans d’autres endroits de la capitale ont été mis à l’arrêt.

Cependant, les problèmes ont continué au nord. En mars 2023, des bandits armés ont menacé Pierre Louis alors qu’il travaillait sur un chantier au bénéfice de Petit-Anse pour la Direction nationale de l’eau potable et de l’assainissement au Cap-Haïtien.

C’est tout le secteur de la construction qui se trouve aujourd’hui à genoux dans le pays.

À la clôture de l’exercice fiscal de l’année dernière, ce domaine d’activité a enregistré une croissance négative de -6,0%, marquant ainsi une détérioration par rapport à une croissance négative de -4,5% observée en 2021, selon un rapport publié par l’Institut haïtien de Statistiques et d’Informatique (IHSI) en décembre 2022.

C’est tout le secteur de la construction qui se trouve aujourd’hui à genoux dans le pays.

Ce déclin qui se poursuit est lié à une réduction des importations de matériaux de construction essentiels tels que le ciment et le fer, ainsi qu’à l’insécurité.

La situation crée un manque à gagner pour les municipalités chargées de la supervision des chantiers.

L’ingénieur civil Lafont Bien-Aimé, actuellement directeur du service de génie municipal à la mairie de Delmas, signale à AyiboPost une «diminution significative» de construction dans sa commune ces deux dernières années.

Selon le professionnel au service de la municipalité depuis quatorze ans, «cette situation a d’importantes conséquences sur la mairie, car après le département de la fiscalité, c’est le département de génie qui génère le plus de revenus».

Dans la pratique, la mairie se trouve dans des situations de retards de paiement vis-à-vis de ses employés «pendant près de quatre mois en raison d’un manque de rentrée», selon Bien-Aimé.

La situation crée un manque à gagner pour les municipalités chargées de la supervision des chantiers.

Pour survivre, certains professionnels abandonnent le secteur de la construction pour s’adonner à d’autres activités parfois moins rentables. D’autres partent simplement vers l’étranger.

Lire aussi : La qualité des matériaux importés pour la construction a beaucoup baissé en Haïti

Rencontré sur un amas de ferrailles à Mahotière dans la commune de Carrefour un samedi du mois de septembre, Clausel Joseph tentait  de repérer des composants d’un moteur de climatiseur.

Après dix-sept années d’expérience en tant que maçon, Clausel Joseph ne cache pas sa déception face à la décrépitude du secteur.

«Entre 2020 et 2021, l’insécurité causée par les groupes criminels qui nous rançonnaient a fermé plusieurs de mes chantiers, dans des zones telles qu’Onaville et d’autres régions de la plaine», se plaint Joseph.

L’homme se souvient avoir fini une bonne partie d’un travail sur un chantier aux Gonaïves en novembre 2022. Lorsqu’était venu le moment de couler le béton, «nous nous sommes retrouvés dans l’incapacité de le faire, car le sable nécessaire pour la construction se trouvait dans une zone contrôlée par les bandits, à Pont-Sondé.»

Selon Cyrillien Ulysse, propriétaire du projet,  les circonstances étaient si difficiles qu’au cours du mois de janvier 2023,  j’ai dû suspendre le chantier, en raison de la flambée incontrôlable des coûts des matériaux de construction».

Lire aussi : Insécurité : Au bas de l’Artibonite, les petites entreprises ferment leurs portes

Incapable de «vivre sur son métier», ces deux dernières années, Joseph a pris la décision d’aller travailler à «Biznis peze fè».  La petite entreprise récupère et revend des composants métalliques. «Certains jours, je rentre avec 200, d’autres 400 gourdes», confie-t-il.

Après dix-sept années d’expérience en tant que maçon, Clausel Joseph ne cache pas sa déception face à la décrépitude du secteur.

Rameau Luquereste rencontre les mêmes difficultés. Le professionnel travaille depuis 38 ans dans la maçonnerie, mais en 2022, il n’a absolument rien pu trouver dans le domaine.

Par rapport à l’inflation, les tarifs des matériaux de construction sont soumis à une augmentation généralisée qui touche tous les secteurs économiques.

«Un sac de ciment en 2020 qui coûtait 500 à 600 gourdes est maintenant passé à environ 1400 gourdes. Un camion de sable qui était à 20 000 gourdes se vend maintenant à environ 26 500 gourdes», rapporte Luquereste pour mettre en lumière les difficultés des propriétaires à investir dans la construction.

Las, Rameau Luquereste a jetté l’éponge avant d’émigrer aux Bahamas en septembre 2023.

Par Lucnise Duquereste

Image de couverture : un ingénieur ayant l’air fatigué assis à même le sol | © CornerStone


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Journaliste à AyiboPost depuis mars 2023, Duquereste est étudiante finissante en communication sociale à la Faculté des Sciences Humaines (FASCH).

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