SOCIÉTÉTremblement de terre

À cause de la corruption, des bailleurs refusent d’envoyer de l’argent au sud après le séisme

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Il sera difficile de rouvrir les écoles dans les zones affectées par le séisme sans une aide substantielle de l’État et de ses partenaires

En 2010, la Fondation de France a beaucoup aidé l’ONG Haïti Futur à concrétiser ses projets dans le Sud. Cette institution avait alors reçu 35 millions d’euros pour intervenir dans l’éducation. Cet argent a permis le financement de 360 projets pilotés par Haïti Futur dans l’ensemble du pays.

Six ans après le séisme de 2010, l’ouragan Matthew ravage le sud. Haïti Futur reçoit additionnellement 200 000 euros de la Fondation de France pour la construction de 40 écoles dans les communes de Maniche, Abricot et Camp-Perrin.

Après le séisme du 14 aout dernier, les choses ont pris une tournure moins positive. « On a fait appel à cette fondation et elle n’a pas reçu un sou pour Haïti cette fois-ci, témoigne Josette Bruffaerts-Thomas, une des responsables de Haïti Futur. Les responsables de la Fondation de France mentionnent les mauvaises nouvelles d’Haïti et la corruption comme refus de la plupart des gens à faire don au nom d’Haïti », précise Bruffaerts-Thomas.

Les autorités annoncent la réouverture des classes pour le 4 octobre dans les zones affectées par le récent tremblement de terre. Cette réouverture reste hypothétique dans les départements dévastés, selon les témoignages de plusieurs responsables d’établissements.

72 écoles gravement fissurées sont classées sur une liste des bâtiments à démolir. 51 autres, déjà effondrées, demeurent désignées comme bâtiment à déblayer, selon les données présentées par la direction départementale sud du ministère de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle.

De faibles moyens

Après Matthew, les activités scolaires dans le Sud ont été à l’arrêt pendant trois mois. Pour faciliter la reprise des cours, les partenaires ont alors fait don de tentes et de bâches à des institutions scolaires qui avaient perdu leurs murs de clôture ou leurs toitures. Après trois mois, ces abris ne pouvaient plus résister aux pluies et à la chaleur suffocante du soleil. « La situation était critique », selon le directeur départemental Sud de l’éducation, Milord Dorval.

« À la place des tentes ou des bâches, on souhaite avoir des hangars pour pouvoir accueillir dignement les élèves, précise Dorval. Leur construction doit être faite en plywood et ils doivent être munis d’une couverture en tôle. L’espace devrait aussi avoir un plafond pour absorber la chaleur. Ce sont ces formes de constructions provisoires qui devraient être implémentées en attendant que le MENFP entame les discussions avec les partenaires pour le financement de la reconstruction de ces écoles. »

Pour l’instant, le ministère des Travaux publics et de la population avance timidement avec le déblayage des écoles effondrées. Certains bailleurs promettent des décaissements non encore effectués. D’autres restent prudents, compte tenu des malversations habituelles dans les distributions d’aides post-catastrophes dans le pays.

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L’organisation Haïti Futur veut réhabiliter selon des normes paracycloniques et parasismiques 30 écoles publiques dans le Sud. « Les moyens sont limités, dit Josette Bruffaerts-Thomas. À cause de ce qui s’est passé en Haïti avec la dilapidation des fonds pour le séisme de 2010, on n’a presque pas de fonds comme on avait l’habitude d’en recevoir auparavant ».

Les ambitions de la structure s’en trouvent ralenties. « On a des fonds que pour 10% de ces écoles c’est-à-dire trois d’entre elles, continue Josette Bruffaerts-Thomas. Ces fonds ont été collectés grâce à la contribution de 400 adhérents de Haïti Futur dans plusieurs pays. »

Pour mitiger le manque d’argent, l’institution vient avec un système créatif.  « Les écoles [hangars] construites par Haïti Futur s’engagent à recevoir les élèves d’une autre [école effondrée], explique Thomas Bruffaerts. Ainsi, quand on répare 30 établissements scolaires, il y a 60 écoles qui en bénéficient. »

Le Nouveau Collège Classique de Maniche figure parmi les établissements scolaires fissurés qui doivent être démolis. « Le bâtiment qui accueillait le kindergarden et le primaire est gravement craquelé, relate Mislaine Fatal, directrice de cette institution. La direction départementale sud du MENFP a évalué la situation en collaboration avec le MTPTC. L’établissement est déjà démoli, mais l’espace n’est pas encore déblayé. »

Mislaine Fatal dit avoir reçu un appel du directeur départemental Sud de l’éducation, Milord Dorval sur l’éventuelle construction de hangars pour son établissement qui doit accueillir 190 écoliers le mois prochain.

Des parents en difficulté

Les problèmes d’argent ne touchent pas que l’État et les partenaires du MENFP qui interviennent dans l’éducation en Haïti. La situation précaire des familles haïtiennes transforme chaque année la réouverture des classes en casse-tête. Jasmé Véline, résidant à Aquin, témoigne de ses difficultés : « Pour la rentrée des classes, j’avais misé sur un chantier où je travaillais. La construction s’est effondrée durant le séisme et présentement je suis sans emploi ».

Jasmé Véline est père de cinq enfants à Aquin. Mais deux de ses fils sont confiés à des proches de sa localité à cause des difficultés financières dans lesquels il se retrouvait bien avant le séisme. « J’ai mis les trois autres à l’école nationale. Mais je peux vous dire que je n’ai encore rien entrepris comme démarche pour les envoyer en classe cette année, les moyens me manquent », se plaint-il.

Dans la même ville, Nadia Dominique réside à Poste Saint Louis. La dame se trouve en pleine ceinture et son gros ventre signale qu’elle va enfanter très bientôt. L’année scolaire de son fils de 12 ans en septième année fondamentale lui coûte 17 500 gourdes.

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« J’avais déjà acheté les toiles d’uniforme, mais le couturier ne l’a pas encore cousu, faute d’argent », assure Dominique. « L’organisation Compassion internationale promet de m’aider à payer sa scolarité, dit la dame. L’institution accepte de verser une partie du montant soit 9 000 gourdes. Malgré cela, j’ai toutes les peines du monde à trouver le reste », dit la Dominique qui travaillait dans un hôtel de la ville des Cayes.

Selon Dominique, son mari est incapable de l’aider puisque la banque de borlette où il travaillait s’est effondrée durant le séisme du 14 août.

Peu touché par le tremblement de terre, Port-au-Prince ne semble pas enthousiaste pour la rentrée des classes fin septembre. Les parents, terrassés par l’insécurité et la crise économique, ne se bousculent pas au centre-ville pour acheter l’uniforme et les fournitures classiques pour leurs enfants.

Image de couverture: À Camp Perrin, une pelleteuse s’active sur les restes d’une école de trois étages, le collège de Mazenod. Photo de Valérie Baeriswyl / AyiboPost

 

Journaliste à AyiboPost. Communicateur social. Je suis un passionnné de l'histoire, plus particulièrement celle d'Haïti. Ma plume reste à votre disposition puisque je pratique le journalisme pour le rendre utile à la communauté.

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