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À 20 ans, Festival Quatre Chemins dévoile sa «formule magique» de longévité

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L’initiative célèbre vingt ans, dans un pays où les institutions viennent, font de l’éclat et meurent, rapidement

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Les déflagrations de l’actualité d’Haïti ne semblent avoir aucune emprise sur le Festival Quatre Chemins, qui met le cap pour la vingtième année consécutive sur une nouvelle édition avec un thème à propos : «Oser, rêver, pays».

La longévité d’un des plus grands festivals de la Caraïbe fait contraste dans un pays où les institutions peinent à se maintenir debout alors que leur personnel migre en masse vers des cieux moins hostiles et violents.

Du 20 novembre au 2 décembre 2023, Quatre Chemins donne rendez-vous à Port-au-Prince, en présentiel et en ligne, pour un bouillon de danses, de discussions et de théâtre. «La seule formule magique est l’implication des jeunes», pose à AyiboPost Guy Régis Jr, directeur artistique du festival.

Guy Régis Jr, directeur artistique du Festival Quatre Chemins. | © Henry Roy

L’initiative, «une formule de résistance face à l’obscurantisme et la peur» s’appuie sur une machine institutionnelle solide, avec certains membres comptant près d’une décennie de collaboration.

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«J’ai vu grandir le festival avec des jeunes dans les premières décennies, j’ai repris avec ces mêmes jeunes qui sont devenus des acteurs», affirme Guy Régis.

Comme «espace de réflexion où des problèmes sociaux et politiques du pays se discutent», le festival offre aux jeunes l’espoir de faire partie, chaque année, d’une aventure productive. «Médiateurs, bénévoles, technicien de spectacle, logistiques… tout ce beau monde travaille», déclare Guy Régis.

La longévité d’un des plus grands festivals de la Caraïbe fait contraste dans un pays où les institutions peinent à se maintenir debout alors que leur personnel migre en masse vers des cieux moins hostiles et violents.

Daphné Menard fait partie de l’équipe. Chanteur, chorégraphe, ingénieur culturel et metteur en scène, il vit cette année sa 9e édition avec le festival qu’il a intégré comme stagiaire alors qu’il étudiait encore la communication et les arts. Aujourd’hui, il assiste le directeur artistique dans la logistique du festival.

«Les jeunes arrivent la plupart du temps comme bénévoles», raconte Menard. «Ils participent à un événement, mais se trouvent impliqués dans une dynamique structurelle qui leur permet d’élargir leur horizon professionnel et de se former», explique l’ingénieur culturel.

Le chanteur © Daphné Menard sur scène en décembre 2019,  lors du Concert l’Appel du Festival Quatre Chemins.

Certains arrivent dans les cuisines du festival en quête de reconnaissance. En 2016, Kettia Naissance intègre l’équipe pour son «dynamisme» et par envie d’être «reconnue dans la médiation culturelle».

Actuellement responsable de communication et de presse pour le festival, Naissance se sent en confiance, car son lieu de travail est comme un «chez soi» : «Je travaille avec des gens sur qui je peux compter, pour moi c’est un cadeau inespéré», déclare la licenciée en patrimoine et tourisme à l’institut d’étude et de recherches africaines (IERAH\ ISERSS).

En premier plan, Kettia Naissance lors des activités de la © 19e édition du Festival Quatre Chemins en 2022.

Cette année, le festival honore Jean Guy Saintus, un grand chorégraphe haïtien. Les débats porteront sur les rêves fructueux, qui ont mené le pays vers le développement, et ceux qui ont échoué et replongé Haïti dans l’obscurité.

«Le festival Quatre chemins n’est pas uniquement un festival de théâtre, c’est surtout un festival d’arts vivants», explique la chanteuse, Mide Steffi Médard.

L’artiste se trouve sous contrat avec Quatre Chemins depuis 2017 en tant qu’assistante de programmation. Du haut de ses sept années d’expérience avec l’initiative, elle croit que «la résilience et la volonté sont deux puissantes formules qui permettent à la structure de continuer à exister».

Selon Médard, le festival fait face à de grandes difficultés financières malgré son succès. «Avant, on pouvait avoir 80 activités programmées, mais nous ne sommes qu’à une soixantaine maintenant» et «nous ne pouvons plus recevoir d’artistes étrangers», révèle-t-elle.

Mide Steffi Médard, chanteuse et assistante à la programmation du Festival Quatre Chemins. |  © Valerie Baeriswyl

Guy Régis confirme les difficultés d’argent. «On continue à chercher des moyens [financiers] même en septembre, nous passons toute l’année à courir après les bailleurs», déplore le comédien qui affiche son ambition de toucher un minimum de 500 000 personnes avec le festival.

Au-delà de sa longévité, Quatre Chemins fait des émules. Des membres et anciens collaborateurs du festival ont créé des initiatives comme le festival En lisant, Handicap et cultures ou l’organisation féministe Nègès Mawon. Pour Guy Régis, «c’est extraordinaire, surtout dans un pays comme Haïti».

Par Tchika Joachim

Image de couverture : Spectale «Lapriyè limena» au Centre d’Art en novembre 2022, lors de la 19e édition du Festival Quatre Chemins. | © Carvens R. Adelson


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Journaliste à AyiboPost depuis juillet 2023, Tchika Joachim fait des études de Lettres modernes à l’École Normale Supérieure de l’Université d’État d’Haïti.

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