Lyonel Trouillot | Petit glossaire de fin novembre

Dadou et Magnum Band, à mon humble avis, l’un des plus beaux morceaux de la musique haïtienne. Humour, échange entre le petit garçon taquin et la vieille acariâtre. Interprétation et arrangement. Une merveille

D comme Dadou: Les entrées dans la modernité, en art comme en politique, n’ont pas toujours été marquées ici du signe de l’excellence. Dadou Pasquet avait ce double souci de la modernité et de l’excellence. Du beau neuf.

G comme Grann : Dadou et Magnum Band, à mon humble avis, l’un des plus beaux morceaux de la musique haïtienne. Humour, échange entre le petit garçon taquin et la vieille acariâtre. Interprétation et arrangement. Une merveille.

L comme Lobo. Le 12 à Paris. L’oiseau-poète-comédien rate son vol et s’écrase sur le sol. Pourquoi ? Il n’y a pas de réponse a posteriori à ces actes désespérés. Mais avions-nous tout fait pour le maintenir en vie ? Paradoxalement, il était à la fois les mots, nos mots, tous les mots de la révolte et de l’espérance, et le visage torturé de la désespérance.

N comme novembre : Vertières. Victoire finale contre la puissance coloniale, esclavagiste. L’Indépendance de fait avant sa proclamation officielle. Mais aussi, mois sanglant rempli de jours de défaites. Un 1er déjà, Péralte à demi nu, crucifié sur une porte. La barbarie de la photo est reproduite en milliers d’exemplaires. Pour faire peur. Novembre encore, un 28, en 1980, arrestation de journalistes, syndicalistes. Humiliations, tortures, exils. La dictature a montré qu’elle ne dormait pas, qu’elle n’avait pas changé de nature. Sept ans plus tard, un 29, la journée électorale qui vire au massacre. Massacre prévisible. Des petites gens vont mourir qui n’avaient pour armes qu’une carte électorale et un rêve de changement. Des simples citoyens devenus des martyrs.

Q comme qualification : On n’a pas cessé d’en parler. Il faut bien, dans le marasme et le concert de promesses dont la fausseté est évidente, parler d’une chose positive et réelle. Ce n’est pas un vœu, c’est un fait. Un bien fou, et collectif.

R comme résilience : Le mot est partout. Pourtant, son usage dans le vocabulaire des sciences humaines et de l’analyse sociale est critiqué par de nombreux psychologues, sociologues et personnalités politiques dans le monde. Cette louange de la capacité d’un individu de s’adapter à l’adversité ou de rebondir dans l’adversité peut se substituer à l’analyse et à la dénonciation des structures et des pratiques dont les individus et communautés sont victimes. Et la transposition d’un concept venu de la psychologie, sur lequel en plus, il y a désaccord au sein de cette discipline, à la réalité sociale globale n’est pas sans risque. Veiller à ce que l’éloge de la résilience ne remplace pas la critique sociale. Des militantes féministes et des victimes de violence sexuelle comme des chercheurs et des anciens travailleurs de l’humanitaire attirent l’attention sur ce danger.

S comme saloperie : La rumeur qui voudrait que le conseil présidentiel de transition (CPT) se prépare à confier le pouvoir au Premier Ministre Alix Fils-Aimé le 7 février 2026 ne mériterait pas d’autre nom. On aurait soi-disant convoqué la société civile et les organisations politiques pour accoucher de cette folie à sept têtes qui, elle, nous referait le coup d’Ariel. Personne ne peut aller si loin dans l’indignité : profiter des avantages des titres et fonctions, ne rien réussir et s’en aller paisiblement en laissant le pouvoir à quelqu’un sans aucune légitimité. Et comment croire que la société haïtienne accepterait cela ? À moins de penser à l’imposer par la répression…

Un novembre bien terne qui ne laisse présager rien de bon pour les mois à venir…

Par : Lyonel Trouillot

Courverture : Portrait du musicien Haïtien Dadou Pasquet. Source : Flickr