L’UEH, institution d’enseignement supérieur de service public, a une triple mission : enseignement, recherche et service à la communauté qui en est le corollaire. La recherche est la voie privilégiée du service à la communauté et c’est un ferment pour l’enseignement
Quelques propos liminaires
J’ai effectué ce bref état des lieux en juin 2024 au moment où je préparais mon document de campagne au poste de vice-recteur à la recherche.
La commission électorale centrale (désormais CEC) avait lancé le processus électoral mais, le Conseil exécutif (dorénavant CE) a dissous la CEC dont le mandat de la plupart des membres avait expiré comme représentants d’entités du Conseil de l’Université d’État d’Haïti.
On est en juin-juillet 2024. À ce moment-là, le décanat de quatre des onze entités historiques de l’Université d’État d’Haïti (désormais UEH) n’avait plus de mandat valide.
Deux d’entre elles avaient organisé des élections qui ont été invalidées à la suite de contestation.
Le processus électoral a été suspendu en 2020 dans une autre, d’abord après des contestations pour une question interne, ensuite par rapport à la situation d’insécurité que connaît Port-au-Prince dont l’acuité s’est exacerbée depuis bientôt trois ans (le bâtiment de cette entité ayant été vandalisé et pillé en mars 2024, la rendant infréquentable).
Mais, entre-temps, elle a pu organiser l’élection en se servant des technologies. Pour des raisons internes, l’élection n’a pas pu être organisée depuis environ trois ans dans l’autre.
Qu’on ne s’y méprenne pas : à l’exception du problème aigu d’insécurité que nous vivons avec toutes ses conséquences négatives, la non-organisation de manière régulière des élections dans les entités de l’UEH pour renouveler les décanats est une expérience condamnable.
Je la considère comme l’expression d’une incapacité à accepter les règles et principes institutionnels que nous avons nous-mêmes élaborés et votés pour le fonctionnement de l’UEH.
Entre-temps, le mandat du CE a expiré le 14 août 2024.
Au lieu d’avoir établi les conditions institutionnelles en leur temps pour l’organisation de cette élection dans le délai, le CE a choisi de s’échapper par la tangente en se mettant dans la même situation que les décanats qui n’ont pas su réaliser des élections réussies (ou des élections tout court) pour leur légal renouvellement.
Cependant, il est un fait que la situation d’insécurité et ses conséquences négatives, à situer en droite ligne de la pandémie de covid-19, est pour beaucoup dans la non-organisation à temps des élections dans la plupart des facultés.
Mais il est aussi un fait que cela n’a pas d’incidence négative sur la non-organisation à temps de l’élection du CE, car le Conseil d’université (désormais CU) s’est toujours réuni et ce ne sont que ses membres (36 : le recteur, les deux vice-recteurs, onze doyens, onze représentants d’étudiants, onze représentants de professeurs) qui votent à l’élection du CU (suffrage indirect).
Les situations hors de contrôle des dirigeants des entités (telles la pandémie de covid-19 et la situation d’insécurité et d’extrêmes violences que nous vivons) mises à part, généralement le CE rend les décanats, les doyens en particulier, responsables de la non-organisation des élections à temps pour renouveler les dirigeants dans les entités.
Et cela est admis à l’échelle du CU. Mais, lorsque l’élection pour renouveler les membres du CE n’est pas réalisée à temps et régulièrement, qui doit en être responsable ?
Avant le 14 août 2024, l’UEH était la seule institution publique nationale dirigée par des instances légalement constituées. J’en étais tout à la fois fier et jaloux. Le CU, par vote, a prolongé le mandat du CE jusqu’au 15 décembre 2024. Il règne au CU (notamment en juillet et début août) une atmosphère que je n’avais pas espéré vivre au sein d’un tel conseil où les intérêts de l’UEH sont relégués à l’arrière-plan au profit des intérêts égocentriques de certains membres.
Avant le 14 août 2024, l’UEH était la seule institution publique nationale dirigée par des instances légalement constituées.
Les dirigeants du CU ne pouvaient pas faire régner le sérieux qui doit le caractériser. Au contraire, leurs intérêts paraissaient plus importants que la recherche de l’équilibre et la stabilité institutionnels. Certains d’entre nous se sont même comportés comme des trublions dans une arène préélectorale peu contrôlée.
Je m’interdirai, toutefois, – éthique oblige – d’entrer dans des détails d’expériences vécues dans le cadre d’un conseil qui revêtent un caractère confidentiel. Entre-temps, une nouvelle CEC est constituée et elle a relancé le processus électoral pour le renouvellement du CE constitué d’un recteur, un vice-recteur aux affaires académiques et un vice-recteur à la recherche. L’élection est prévue pour le dimanche 15 décembre 2024, date à laquelle le recteur, président du CE, avait souhaité partir.
Je crois qu’il ne devrait y avoir aucune gêne à obtempérer lorsque la messe est dite ; on n’aurait même pas besoin d’attendre le traditionnel Ite missa est. Car l’alternance est ce qui fait vivre, grandir et renouveler nos institutions.
Ma personnalité universitaire et mon respect pour la « chose institutionnelle » m’interdisent de valider des manigances au mépris du respect du fonctionnement institutionnel de l’UEH au nom duquel certains prétendent agir.
C’est pour cela que j’ai retiré ma candidature. Je refuse de participer à une quelconque élection sur le fond de ces mesquineries caractérisant le fonctionnement du CU depuis la fin de juin 2024. Je ne cherche pas à être vice-recteur à la recherche (VRR) à tout prix. Participer à cette élection comme candidat, ce serait cautionner un processus qui est vicié à la base et où des collègues en apparence bien intentionnés se prêtent au service du vice.
Brève introduction
L’UEH, institution d’enseignement supérieur de service public, a une triple mission : enseignement, recherche et service à la communauté qui en est le corollaire. La recherche est la voie privilégiée du service à la communauté et c’est un ferment pour l’enseignement.
Néanmoins, elle ne fait guère l’objet d’un traitement digne de ce qu’elle doit représenter dans le fonctionnement actuel de l’UEH qui a une école doctorale (ED) fonctionnant depuis une décennie et des laboratoires de recherche. Cependant, la recherche reste à l’UEH une expérience volontariste. Il s’impose donc la nécessité sinon d’un redressement de la recherche, du moins de sa dynamisation à l’UEH.
La recherche à l’UEH
Le budget du Fonds d’appui à la recherche pour l’exercice fiscal 2023-2024 est de 32,000,000 gourdes. Ce montant ne sert pas à financer des projets structurants porteurs pour la recherche à l’UEH.
Il finance des mémoires dont plus des ¾ ne sont pas à être soutenus durant l’année ; certains ne seront jamais soutenus. En plus des mémoires, il finance de petits projets de recherches soumis par des collègues à hauteur d’un million de gourdes. Ce montant de 32,000,000 gourdes ne représente pas à proprement parler le budget de la recherche à l’UEH, car le mémoire de licence n’entre pas dans le cadre d’une activité de recherche formelle. Il s’inscrit dans le cursus même de l’étudiant, qui participe de ses exigences académiques lui permettant de boucler son cycle d’études. Il a, en principe, la même valeur qu’un cours et, dans les établissements adoptant le système de crédits, il est associé à un nombre précis de crédits.
Le laboratoire devrait être le récipiendaire des fonds de recherche servant à financer des projets de recherche approuvés par le conseil de recherche de l’UEH. Des mécanismes de reddition de compte sont à établir pour conditionner le renouvellement des financements de nouveaux projets pour chaque laboratoire ou équipe de recherche.
Or, à l’heure qu’il est, il n’est réglementairement rien prévu pour le fonctionnement des équipes de recherche de l’UEH en termes de budget. Dans un tel contexte, il est compréhensible que non seulement la recherche soit maigre à l’UEH mais aussi que les revues qui existent aient du mal à paraître et à intégrer des articles de qualité.
En effet, deux revues sont publiées dans le cadre de l’UEH : Recherches, Études et Développement (RED) et Chantiers.
Ni l’une, ni l’autre n’est référencée nulle part. Même le site internet de l’UEH n’en présente rien. À la page consacrée à la revue RED dans la rubrique « Recherche », on ne peut lire que « RED ». À celle consacrée à Chantiers, on ne lit que le mot « Chantiers ». Est-ce normal en 2024 ?
Lancée en mars 2015 par le CE, Chantiers est présentée comme un biannuel, c’est-à-dire devant paraître deux fois l’an (à moins que « biannuel » soit entendu dans le sens de « bisannuel » (= tous les deux ans). En réalité, la forme « biannuel » est évitée en français, car, devant une voyelle, il devrait intervenir un « s »).
Ainsi, pour le second semestre de 2024 devraient avoir paru au moins dix-huit numéros de Chantiers. Néanmoins, seulement cinq numéros ont pu paraître.
Mais, pour une revue diffusée par une université où l’expérience de la recherche est encore balbutiante lorsqu’on considère le ratio article publié pour le nombre de collègues, il aurait été plus prudent de la faire paraître sinon tous les deux ans, du moins une fois l’an. Au fur et à mesure que la culture de recherche et de publication se met en place, on pourrait le faire paraître tous les ans.
RED est certes plus régulière que Chantiers en termes de parution mais il lui est tout aussi difficile de respecter sa fréquence de parution. Un autre aspect important à prendre en considération, c’est que les articles, de manière générale, doivent s’approcher davantage d’un meilleur standard en termes de traitement, d’analyse et discussion des données tout en respectant, bien sûr, les pratiques de publication dans le domaine précis des sciences qui sont concernées. Car, sans le respect d’un certain standard, la demande de référencement à des bases de données peut être refusée.
Une troisième revue a été créée en 2022 dans le cadre de l’UEH et qui présente un bon début. Il s’agit de la Revue Rechèch Etid Kreyòl animée par le laboratoire Langue, Société, Éducation (LangSÉ) basé à la Faculté de Linguistique Appliquée (FLA). Éditée par JEBCA Éditions, elle sort un numéro par an.
Le vice-rectorat à la recherche (VRR) de l’UEH, s’il est dirigé par un collègue qui est imbu de l’idée de la recherche, n’aura aucun problème à inscrire nos revues à une ou plusieurs parmi les bases de données de référencement des publications. Par exemple,
- Google Scholar recense les références bibliographiques académiques avec un lien pointant vers le texte s’il est disponible. En 2018, près de 400 millions de documents y étaient déjà disponibles) ;
- Semantic Scholar est un moteur de recherche à base d’intelligence artificielle qui récence près de 182 millions d’articles.
- Crossref est une agence américaine d’enregistrement de DOI (Digital Object Identifier) pour les articles scientifiques).
- SCOPUS, base de données bibliométrique multidisciplinaire affichant des résumés et des citations comportant plus de 91 millions d’enregistrements, plus de 27 950 titres de série actifs et plus de 292 000 ouvrages.
Aujourd’hui, si votre revue ne génère pas de facteur d’impact, elle est considérée comme peu fréquentable par les chercheurs qui veulent tous être lus et cités en vue d’accroître leurs actifs bibliométriques. Si elle n’est repérable nulle part, elle aura du mal à trouver des propositions d’articles.
C’est malheureusement ce qui est arrivé à nos deux revues. En effet, sans un référencement à une ou des bases de données connues du monde scientifique, les publications des collègues ne bénéficient pas de visibilité.
Le VRR ne mesure même pas la nécessité de mettre en ligne des informations sur la page web de l’UEH sur les activités de nos revues. Or, quelle est la récompense d’un collègue qui publie dans une revue si ses pairs ne peuvent même pas être au courant de l’existence de son article ?
Une revue n’est pas une boîte d’allumettes. C’est un organe de diffusion de connaissances pour ainsi dire urbi et orbi. Elle ne doit pas être gardée secrète. Elle dépasse le simple cadre de l’UEH pour devenir un bien commun mondial (sans aucune exagération).
Chaque numéro doit avoir fait l’objet d’un appel à articles diffusé au travers de réseaux nationaux et internationaux dédiés. Pour ce faire, la gouvernance de la revue doit être bien orientée afin qu’elle soit en phase avec des réseaux de chercheurs susceptibles d’y contribuer.
À bien regarder, la rubrique « Recherche » du site internet de l’UEH présente une superstructure de recherche très bureaucratique mais très peu productive au regard des résultats. L’aspect bureaucratique n’est pas un péché en soi. La question est que font les quelque deux dizaines d’employés et pour quel résultat ?
Cette rubrique présente notamment :
- La Direction de la Recherche avec ses trois unités (dont elle n’offre ni description ni hyperlien) que sont: la Maison de la recherche, le Service de Promotion et de valorisation de la recherche et le Service d’appui aux projets et programmes de recherche en charge du réseautage et du fundraising.
- « Règlements» dont le contenu est sinon vide, du moins non disponible ;
- « Comité d’éthique » (hyperlien inactif) dont le contenu est vide ;
- « Travaux de recherche » (hyperlien inactif), vide de contenu ;
- « Laboratoires» qui présente la liste de 24 unités dont la plupart ne fonctionnent pas ;
- « Revues de la recherche» présentant RED avec les informations classiques sur la gouvernance de la revue, et Chantiers vide de contenu ;
- « Conseil Scientifique», vide de contenu ;
et 8. « Conseil de la Recherche » , vide de contenu.
À bien regarder, la rubrique « Recherche » du site internet de l’UEH présente une superstructure de recherche très bureaucratique mais très peu productive au regard des résultats.
La plupart de ces rubriques constituent une parfaite illustration de ce que c’est qu’une coquille vide. Il pourrait arriver qu’une rubrique soit vide sur une page web alors que dans la réalité effective elle donne lieu à de nombreuses et utiles informations. Mais, dans notre cas ici, il n’en est rien.
Toute cette superstructure de la recherche à l’UEH est forcément budgétivore puisqu’il faut rémunérer les personnels qui les font « fonctionner », mais pour quel(s) résultat(s) ?
Faut-il continuer à garder cette superstructure telle quelle ou la faire fonctionner pour le bien et la visibilité effective de l’UEH en matière de production scientifique ?
Le fait est que la recherche à l’UEH souffre depuis environ trois décennies d’un problème d’orientation.
Mon rôle n’est pas de blâmer. Au contraire, je reconnais que les VRR et la superstructure qu’ils ont mise en place ont fait ce qu’ils ont pu en fonction de ce que représente pour eux la recherche universitaire.
Mais ce qu’ils ont pu n’a pas permis à la recherche d’avancer dans la bonne direction. L’apathie dont est frappé le VRR ces dernières années ne devrait pas continuer. À moins que l’UEH se complaise de fonctionner dans la négation de sa mission de recherche !
Pour une prise en charge institutionnelle de la recherche à l’UEH
La recherche, dans le fonctionnement d’une université, comme toute autre activité humaine, n’est pas qu’une question de moyens financiers. C’est d’abord et avant tout une question de vision, de planification et de prise d’initiative.
La question des ressources humaines est aussi un facteur fondamental à ce niveau. Cependant, disposer de ressources humaines hautement qualifiées à l’université est une chose, mais savoir les mobiliser, les organiser en tant que responsable institutionnelle de la politique globale de la recherche en est une autre.
Le vice-recteur à la VRR a un grand rôle à jouer dans cette organisation et cette mobilisation afin que l’UEH puisse instituer une culture et une pratique de la recherche dans l’ensemble de ses entités.
Il est un manager, un planificateur de la recherche, un « développeur » d’initiatives, quelqu’un qui est à l’écoute de ses pairs, des membres des équipes de recherche de son université.
Cette organisation et ces initiatives structurantes permettront de susciter chez les collègues enseignants, les doctorants et même les étudiants de master et de licence l’intérêt pour la recherche, donc pour la publication.
Dans cette perspective, il est souhaitable que le VRR soit quelqu’un qui est versé dans la recherche, peu importe le domaine scientifique qui est le sien. Car, pour organiser et planifier des actions de politiques de recherche, il faut être soi-même un chercheur et, donc, être au fait de la recherche.
S’il ne planifie pas en impliquant les équipes de recherche de l’UEH, même si ces dernières conçoivent des initiatives et des projets structurants et structurés, le VRR ne parviendra pas à déterminer le budget qu’il faut pour l’exécution de ces projets ou la mise en branle des initiatives.
Car le budget est fonction de projets de recherches montés par les chercheurs des équipes et pour lesquels ils cherchent du financement. On comprend ainsi que le fait de disposer d’un million de gourdes est incapable, en soi, de faciliter l’émergence d’une vraie culture de la recherche à l’UEH. C’est mieux que rien, pourrait-on reconnaître, mais cela ne facilitera pas le développement de projets structurants.
Le mieux serait que les équipes de recherche gèrent leurs propres budgets en rapport avec la comptabilité des entités où elles sont basées. De ce point de vue, la Direction des Études post-graduées (DEP), unité institutionnelle de l’UEH organisant les formations doctorales existantes, est appelée à exercer sa vraie responsabilité d’école doctorale (ED) devant s’investir dans l’orientation et l’organisation de la recherche dans les domaines qui sont les siens.
Dans cette perspective, une redéfinition de sa gouvernance institutionnelle s’avère nécessaire. Il sera important d’établir un conseil scientifique au niveau de l’ED, qui travaillera aux côtés de son directeur. Ses membres proviendront des laboratoires ou équipes de recherche de l’UEH.
Les laboratoires ou équipes de recherche établiront des rapports privilégiés avec l’ED, les doctorants se formant dans le cadre des laboratoires. Dès le master, d’ailleurs, ils reçoivent des étudiants rédigeant leurs mémoires. De ce point de vue, la DEP a un droit de regard sur le fonctionnement des programmes de master.
La DEP, de concert avec les équipes de recherche, se chargera de l’animation de la recherche à l’UEH. Parmi les activités dont elle peut faciliter la réalisation, nous pourrions retenir :
- organisation de doctoriales ou colloques de doctorants sur des thématiques inclusives facilitant l’intervention de chacun des doctorants sur des sujets relatifs à leur thèse ;
- parution régulière des revues Chantiers et RED ;
- encouragement à la publication d’ouvrages collectifs sur des sujets porteurs pour la réflexion et pour la contribution de l’UEH à la compréhension de problèmes nationaux ;
- implication des doctorants dans le développement d’une culture de recherche en les encourageant à publier au moins un article dans une revue à comité de lecture ;
- organisation de colloques ou symposiums sur des thématiques nationales spécifiques ;
- facilitation de séminaires réguliers dans les équipes de recherche…
Pour la visibilité de la recherche à l’UEH
La recherche est à être dynamisée et promue à l’UEH et cela doit être visible sur sa page web consacrée à la recherche. Cela participe de la visibilité de l’institution à l’échelle tant nationale qu’internationale.
On doit consacrer une section à chacune des revues afin que, non seulement, on soit au courant de leur existence mais aussi informé de ce qu’elles publient.
Aucune université haïtienne ne figure au classement 2024 de 430 universités d’Amérique latine et de la Caraïbe. On y retrouve néanmoins 10 universités dominicaines, au premier rang desquelles Instituto Tecnológico de Santo Domingo (INTEC) à la 141e place.
Il y a de quoi être jaloux, n’est-ce pas ?
D’autant que je suis convaincu que l’UEH pourra rivaliser avec n’importe quelle université dominicaine ou de la Caraïbe en général si nous y travaillons comme de vrais universitaires. Il nous faut un minimum d’organisation, de planification et les moyens viendront grâce à cette organisation et cette planification, qui conduiront à l’émergence d’initiatives porteuses pour la recherche en Haïti.
Le CE peut établir des mémorandums d’entente avec des universités européennes et d’Amérique du Nord, mais aussi d’Amérique latine, dans la Caraïbe et en Afrique en vue de la formation doctorale des collègues n’ayant pas encore leur diplôme de doctorat et qui décident de l’avoir.
Cela devra aussi nous faciliter des bourses de formation du master au doctorat pour des étudiants méritants, recrutés sur des critères d’excellence (puisqu’il ne sera guère possible de recruter tout le monde).
Cela concernera particulièrement les disciplines pour lesquelles l’UEH n’offre pas encore de formation en deuxième et troisième cycles. Car il faut que l’UEH consolide ses formations en ces deux cycles et l’ED existant et d’autres ED qu’elle est appelée à créer.
Aucune université haïtienne ne figure au classement 2024 de 430 universités d’Amérique latine et de la Caraïbe. On y retrouve néanmoins 10 universités dominicaines, au premier rang desquelles Instituto Tecnológico de Santo Domingo (INTEC) à la 141e place.
Une université qui n’accompagne pas ses étudiants qui veulent vraiment étudier est une université qui n’assure pas son lendemain. La culture de la recherche, lorsqu’elle est fondée sur les professeurs (et se développe avec eux) qui la transmettent aux étudiants, s’établit plus facilement.
Mais, nous ne devons pas oublier que la DEP est une ED et que l’une des missions d’une ED est de former des docteurs.
Donc, la DEP doit aussi organiser des formations doctorales pour des collègues enseignants n’ayant pas le niveau de doctorat mais qui veulent l’avoir et qui souhaitent se voir octroyer le diplôme de docteur.
Pour ce faire, elle peut compter sur les ressources humaines qualifiées dont elle dispose pour accompagner ses doctorants. Lorsque les ressources humaines lui font défaut, elle pourra compter sur la collaboration universitaire.
De ce point de vue, la DEP n’a guère encore été mise à l’épreuve (j’ai failli écrire à contribution) depuis sa naissance. À l’exception de la thèse de notre collègue Maxwell Bellefleur soutenue en 2019, qui a fait l’objet d’une belle publicité, une dizaine de thèses ont été élaborées et soutenues dans le cadre de la DEP en cotutelle avec des universités françaises ou québécoises. Cependant, personne n’en entend parler, sans doute parce que la DEP ne les considère pas comme des thèses réalisées dans son cadre.
Or, ce sont des expériences sur lesquelles elle pourrait s’appuyer pour avancer dans la bonne direction. Pour bien fonctionner, la DEP a besoin d’être (ré)organisée pour avoir la configuration et la gouvernance d’une vraie ED. Elle doit aussi disposer de moyens budgétaires dédiés à ses activités d’ED à proprement parler.
Encore faudrait-il qu’elle planifie et anime des activités qui puissent justifier son existence comme une ED. Peut-être ai-je tort de voir dans la DEP comme une ED et que par conséquent elle doit remplir ses missions et exercer des fonctions en tant que tel.
Il est important que les thèses de doctorat qui se prépareront dans le cadre de ces actions de coopération universitaire se fassent, autant que faire se peut, en cotutelle avec l’UEH via la DEP. Il faudra, bien sûr, élargir la DEP aux sciences appliquées ou créer de nouvelles ED qui assurent la formation de docteurs dans les différents domaines des sciences.
La question du plan de carrière pour les enseignants-chercheurs
C’est une urgence qui devrait préoccuper le CE et le CU qui représente en théorie l’ensemble des entités de l’UEH.
En effet, l’enseignant-chercheur fait le métier de la recherche et de l’enseignement. La recherche fait donc partie intégrante de ses activités d’enseignement : les résultats de la recherche viennent nourrir les activités d’enseignement. En tant que professionnel de la recherche, le collègue doit être en mesure de dépendre de cette activité pour vivre décemment.
La définition du statut d’enseignant-chercheur à l’UEH doit tenir compte de divers facteurs d’exigence qui doivent avoir une influence positive sur son salaire : ses expériences dans l’enseignement et la recherche, la publication, le montage et l’exécution de projets de recherche, l’accompagnement d’étudiants dans l’élaboration de travaux académiques tels des mémoires de licence, de master, des thèses de doctorat, etc. Les salaires à l’UEH doivent être compétitifs en même temps qu’ils doivent être incitatifs pour amener nos collègues à être des émules en matière d’enseignement, de recherche et de publication dans les différents domaines des sciences et des techniques.
La recherche étant un métier, le chercheur doit pouvoir en vivre.
De son côté, l’enseignant-chercheur ne doit pas perdre de vue que sa pratique s’inscrit dans une carrière universitaire qui ne se stagne pas mais qui se construit comme un cheminement fait d’expériences et d’actions dont les résultats sont susceptibles de faciliter ou non son évolution dans cette carrière.
En un mot, l’enseignant-chercheur est un professionnel engagé dans la recherche qui doit éclairer sa pratique enseignante. Toute promotion dépend de ces expériences et ces actions, donc de son engagement. On accorde une grande importance à la recherche dans les évaluations tant individuelles que collectives dans les universités.
De ce point de vue, on comprend assez aisément que les universités haïtiennes ne figurent dans aucun ranking international. C’est toujours avec une disposition moqueuse que j’assiste la plupart des candidats à un poste ou un autre au CE blaguer lors des campagnes électorales en promettant qu’ils vont faire de l’UEH sinon la meilleure université de la Caraïbe, du moins l’une des meilleures.
Cependant, il est important que l’enseignant-chercheur qui travaille dispose des moyens pour confronter les résultats de ses recherches aux jugements de collègues d’horizons divers. Il doit être en mesure de participer à des colloques ou congrès internationaux dans le domaine de ses problématiques de recherche.
Chaque enseignant-chercheur membre d’une équipe de recherche doit se voir attribuer un montant raisonnable en vue de participer à au moins une manifestation scientifique internationale d’envergure (colloque, congrès, séminaire) chaque année. Cela lui permettra de payer un billet d’avion et son hébergement pour la durée de la manifestation.
Mais, une condition s’impose.
Cette mission doit déboucher sur une publication. Lors même qu’il n’y aurait pas d’actes, le collègue en profitera pour avoir un nouvel article prêt à être publié dans une revue à comité de lecture ou, le cas échéant, dans un ouvrage collectif.
Cet accompagnement financier (à fixer à un seuil raisonnable) n’est pas donné au collègue lui-même. Il est versé au budget de son laboratoire. Le service de comptabilité de l’entité gérant le budget de l’équipe de recherche fera les démarches pour le décaissement de cette allocation en fonction des besoins effectifs, des calendriers.
Faire fonctionner nos revues comme des revues universitaires dignes de ce nom est aussi un défi que nous devons relever. Il faut établir des conditions attractives de motivation des collègues à la recherche en valorisant l’expérience de publication dans leur carrière. Il faut aussi accompagner les laboratoires qui constituent un espace d’accueil de chercheurs et d’apprentis chercheurs mais aussi de réflexions et de production au bénéfice de la visibilité de l’UEH.
Des défis à relever, dont l’accréditation de la FMP/EBMO
Nous avons des défis à relever ensemble, au premier rang desquels l’accréditation de la Faculté de Médecine et de Pharmacie [incluant l’École de Biologie médicale et d’Optométrie] (FMP/EBMO). Le processus d’accréditation est lancé depuis plusieurs années mais des impondérables de divers ordres – comme peuvent en témoigner les derniers développements de l’insécurité – ont ralenti les planifications jusqu’à les mettre à l’arrêt.
Néanmoins, cette accréditation est urgente pour assurer la reconnaissance internationale de la formation délivrée par la faculté.
D’un autre côté, l’absence d’une bibliothèque universitaire à l’échelle de l’UEH est un grand manque à gagner.
En attendant l’établissement d’une bibliothèque, il s’avère urgent de mettre à disposition des enseignants-chercheurs, des étudiants et des usagers de l’université un espace numérique dédié à la consultation. Les ressources de cet espace numérique sont utilisables tant sur place qu’à distance à partir du courriel institutionnel de l’usager. La construction d’une bibliothèque universitaire demeure une nécessité mais constitue un projet à moyen terme considérant les urgences et la disponibilité budgétaire de l’UEH.
Notre faiblesse budgétaire ne nous facilitera pas l’abonnement aux revues scientifiques, voire en acheter régulièrement des numéros, ni même des bouquins. Cependant, on peut systématiser l’abonnement de l’UEH à des plateformes de revues en ligne telles Cairn.info dont 70% des articles sont déjà gratuits, Jstor, etc. Pour l’instant, l’UEH est abonnée à Jstor. Elle n’est plus abonnée à Cairn.info.
Le CE, appuyé par le CU, a la responsabilité de conduire un plaidoyer auprès de l’État (en particulier du gouvernement et de la présidence) pour le porter à prendre conscience du fait que la recherche est ce qui fait vivre une université et que, pour parvenir à la recherche et la publication, l’UEH a besoin d’avoir des formations de 3e cycle de qualité.
Or, pour parvenir au 3e cycle, il faut obligatoirement passer par le 2e. Il se trouve que l’UEH offre des formations de 2e et 3e cycles. Mais, c’est le même budget consacré au fonctionnement du 1er cycle que l’UEH continue de recevoir de l’État.
Qui plus est, la recherche de qualité passe par des laboratoires qui fonctionnent véritablement. Des laboratoires de recherche ont certes été créés dans la plupart des entités de l’UEH, mais ils n’ont pas de moyen budgétaire formel qui leur permettrait de mener à bien leurs actions de recherche. D’où la nécessité de ce plaidoyer auprès de l’État pour lui montrer l’intérêt qu’il y a à financer la formation de haut niveau et la recherche de qualité à l’UEH.
Et l’avenir de l’UEH dans tout cela ?
Je suis assez inquiet pour l’avenir de l’UEH dans cette situation nébuleuse (proche du chaos) d’exposition d’intérêts personnels, où le respect des principes institutionnels et de l’autre devient une denrée rare. Nous sommes dans une situation exceptionnelle dans la vie des institutions haïtiennes.
Pour l’UEH, c’est pire.
Plus de 50% des entités traditionnelles de l’institution sont depuis mars littéralement dysfonctionnelles physiquement. Or, depuis mai, le CU ne s’occupe que d’une seule et même chose : des élections dont les enjeux personnels sont si forts qu’ils obstruent ceux proprement institutionnels déterminant l’avenir de l’UEH.
Au lieu de poser des problèmes importants et chercher des solutions pour l’avenir, la plupart des membres du CU prennent plaisir à provoquer des antagonismes mesquins, soit en cherchant à créer de l’espace électoral pour eux ou les leurs à des fins dont seuls eux-mêmes ont la clé, soit pour essayer de changer les opinions négatives sur eux dans l’espace d’un cillement, comme s’ils avaient affaire à des enfants incapables de palper, évaluer et apprécier la réalité qui est la leur. Cette attitude à odeur de réviso devrait avoir du mal à passer dans le contexte qui est celui du CU.
Nous sommes dans une situation exceptionnelle dans la vie des institutions haïtiennes.
Depuis quand le CU anime une discussion sur l’avenir de l’UEH dans cette situation inédite à senteur de tragédie dont l’issue peut être fatale sans une profonde réflexion ?
Or, une structure comme le CU, dont on se complait à répéter qu’elle est l’instance suprême de l’UEH, qui ne déploie aucune réflexion structurante sur l’avenir de notre université dans la conjoncture qui est la nôtre, alors que celle-ci patauge dans ce qu’on pourrait croire impensable il y a quelques années, est frappée d’une cécité managériale peu remédiable.
L’avenir de l’UEH attend encore qu’une autre génération de membres investissent un CU digne de la responsabilité qu’on lui reconnaît volontiers.
Comme me l’avaient suggéré voire demandé certains collègues du CU, j’avais souhaité mettre mon expérience de chercheur au service de la recherche de l’UEH, cela m’a poussé à poser ma candidature au poste de VRR.
Évidemment, ce n’est pas le fait qu’ils me l’aient demandé que j’ai posé ma candidature. J’ai accompli cet acte de candidature parce que le poste m’intéressait et que je crois disposer d’un savoir-faire à mettre au service de notre Alma Mater à ce niveau.
Mais, c’était sans compter sur les comportements électoralistes peu désirables (pour employer un euphémisme) et sur le fait que de bonnes âmes bien honnêtes par ailleurs pouvaient troquer aussi facilement leur sens de responsabilité institutionnelle contre des fantaisies mesquines pour se faire plaisir. N’étant pas bureaucrate, pour prendre un poste, je dois me sentir à l’aise.
Et comme j’ai perdu toute mon aise au CU depuis juin 2024 au début du processus électoral avorté et que la même ambiance toxique demeure et gagne en acuité à la reprise des activités électorales, je ne peux pas me permettre d’être candidat dans une telle ambiance.
La bureaucratie n’est tellement pas mon fort que je m’interdis de postuler à un troisième mandat à la Faculté de linguistique appliquée (FLA). Une majorité des collègues professeurs m’ont gratifié de leur confiance à deux reprises, il est venu le moment de retourner l’ascenseur à l’un d’entre eux.
Je me dégoûte littéralement de la situation qui prévaut au CU ces six derniers mois et ce qu’elle traîne comme, en premier lieu, la désinvolture des membres du CE qui sacrifient l’honneur du maintien de la verticalité de dirigeants qui n’ont pas bien commencé pour mal finir au profit de la tentation de rester plus longtemps en poste sans justification raisonnable et raisonnée.
L’avenir de l’UEH attend encore qu’une autre génération de membres investissent un CU digne de la responsabilité qu’on lui reconnaît volontiers.
En second lieu, un manque de respect découlant de cette désinvolture, où la plupart des collègues créent un brouhaha en réaction à des positions intéressées rendant souvent inaudibles les échanges.
Enfin, l’arbitraire dans la suggestion de certaines décisions qui vont manifestement dans le sens des intérêts des uns ou des autres, etc.
Participer à une élection comme candidat dans cette ambiance cacophonique, ce serait prostituer ma conviction et ma croyance en une université qui doit choisir des dirigeants qu’elle mérite selon leur mérite, ce dont ils sont capables et une formation académique adéquate au poste en question selon la tradition universitaire et non sur le fond de quelque combine.
La vérité me commande de préciser qu’à aucun moment je n’ai été visé par les mesquineries que j’ai évoquées. Ma candidature n’avait soulevé aucune réaction négative. Au contraire. J’ai eu le soutien verbal d’une majorité confortable.
Mon retrait n’a à voir qu’avec ma conviction d’enseignant-chercheur au service d’une université qui privilégie ses missions principales d’enseignement, de recherche et de service à la communauté qui en résulte, et qui laisse les combines pour d’autres institutions moins prestigieuses et peu estimées.
Ce tour d’horizon de la recherche à l’UEH nous a permis de prendre la mesure des nombreux dysfonctionnements du VRR qui est l’unité institutionnelle d’orientation de la recherche à l’UEH.
Il est donc urgent de chercher à redresser la situation. L’exercice de la recherche dans le fonctionnement d’une institution d’enseignement supérieur est une activité ouverte, universelle en connexion avec le monde universitaire. Un VRR est non seulement un chercheur mais aussi un planificateur, un organisateur bien au fait de l’universalité de la recherche.
L’UEH doit booster, orienter et contrôler sa production scientifique : une université qui ne contrôle pas sa production scientifique est condamnée à répéter ce que produisent d’autres universités, ce qui ne sert pas au développement de la connaissance. Or, nos VRR ne se montrent guère conscients de cette nécessité du développement d’une culture de recherche à l’UEH.
J’espère que l’élection se tiendra comme prévu le 15 décembre 2024. Il aurait peut-être été judicieux que la CEC fasse se tenir le scrutin avant cette date « butoir » du 15 décembre.
Mais, je me dis qu’elle doit avoir eu de bonnes raisons de choisir cette date. Elle doit avoir fait des raisonnements que je n’ai pas su faire, car elle disposait vraiment raisonnablement d’assez temps pour cela.
L’UEH doit booster, orienter et contrôler sa production scientifique : une université qui ne contrôle pas sa production scientifique est condamnée à répéter ce que produisent d’autres universités, ce qui ne sert pas au développement de la connaissance.
Si pour une raison ou une autre l’élection ne parvenait pas à être validée ce jour, je serais, recherche de stabilité oblige, pour une nouvelle prorogation du mandat du CE pour éviter un vide incertain. D’autant qu’on est déjà bien en dehors de la légitimité que seul confère le mandat électoral.
En outre, depuis le 15 août 2024 le CU navigue dans le vide, un vide certain. Entre le vide certain et le vide incertain, on en choisit le certain, alors même que l’incertain pourrait être porteur d’une meilleure promesse si l’on part de l’évidence que les résultats du certain n’ont guère permis à l’institution d’avancer dans la bonne direction.
Par Renauld GOVAIN
Doyen de la Faculté de Linguistique Appliquée
Université d’État d’Haïti
Membre du Conseil de l’Université
Image de couverture | Étudiant assis dans une salle de l’UEH. ©Université d’Etat d’Haiti UEH
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