«On ne peut pas parler d’élections pendant que des régions du pays sont inaccessibles, contrôlées et gérées par des groupes autres que l’État», déclare le nouveau président de l’Association nationale de médias haïtiens
Robert Denis est le PDG de la chaîne de télévision Canal Bleu. Il vient d’être élu à l’unanimité des votants président de l’Association nationale des médias haïtiens (ANMH) lors des élections tenues le 24 juin 2023 à l’hôtel Karibe.
La participation éventuelle de l’ANMH dans l’organisation des prochaines élections fait partie des premières grandes décisions que le président élu aura à prendre.
Mais déjà, l’entrepreneur se montre très pessimiste concernant la tenue de joutes électorales dans le pays cette année.
L’ANMH reste ferme : elle n’enverra pas de représentants pour composer le nouveau Conseil Électoral provisoire (CEP) que le Premier ministre par intérim Ariel Henry souhaite instituer pour la réalisation des élections cette année.
«La demande nous a été faite depuis l’année dernière et nous leur avons dit que nous attendons que la situation sécuritaire du pays soit plus rassurante alors qu’aujourd’hui le kidnapping reprend ses forces et la situation n’a pas changé », déclare à AyiboPost Robert Denis qui dit espérer quand même une évolution de la situation.
La participation éventuelle de l’ANMH dans l’organisation des prochaines élections fait partie des premières grandes décisions que le président élu aura à prendre.
De son côté, le gouvernement continue sa course. Il a entamé depuis plusieurs mois des discussions avec plusieurs secteurs de la vie nationale en vue de désigner de nouveaux membres devant constituer le CEP.
À l’issue de ces discussions, Ariel Henry devrait soumettre au haut conseil de la Transition (HCT) une vingtaine de noms de personnalités issues de structures représentatives de la société haïtienne vivant dans le pays et dans la diaspora. Les neuf membres du CEP viendront de cette liste.
L’ANMH doit normalement désigner deux représentants parmi ses membres pour la composition du CEP. «Ce qui se fait actuellement est légèrement prématuré», réagit Robert Denis lors de cet entretien accordé à AyiboPost.
AyiboPost : Comment l’Association nationale des médias haïtiens peut-elle rester indépendante en désignant des membres pour la représenter au sein du conseil électoral provisoire ?
Robert Denis : C’est comme au Parlement. Les Sénateurs ont leurs propres visions et leurs propres tendances. C’est aussi la même chose au sein de l’association. Nous sommes près d’une quarantaine de médias. Chaque média tient son indépendance par rapport à sa ligne éditoriale et sa politique.
Quand l’association doit désigner quelqu’un pour la représenter, cela se fait entièrement sous la base d’un consensus. Nous adoptons toujours une décision commune pour rendre notre verdict.
L’Association nationale des médias haïtiens a vu le jour le 8 septembre 2002. L’institution a célébré le 8 septembre 2022 ses vingt ans d’existence.
Pourquoi une institution de l’envergure de l’ANMH ne dispose pas depuis sa création d’un site internet ?
C’est parce que nous sommes des professionnels d’un certain âge. Nous n’avons pas encore décidé sur ce besoin. L’ANMH est une association de médias, mais pas une association de journalistes. Les médias les plus écoutés ont déjà leurs propres sites internet pour interagir avec le public.
Que fait concrètement l’ANMH, quelles sont ses attributions ?
L’ANMH est une association qui a pour mission de défendre les intérêts de ses membres. Lorsque ces intérêts sont menacés, l’ANMH intervient.
Par exemple, au cours de l’année 2022 et au début de 2023, le journalisme en Haïti a connu une période très meurtrière. Chaque fois que possible, nous nous efforçons de protester, de condamner et d’appeler les autorités concernées à agir en réponse à la situation d’insécurité.
Quelles sont vos perspectives à la tête de l’association ?
L’une des premières choses, c’est que j’aimerais harmoniser le secteur de la communication. L’ANMH n’est qu’une partie du monde audiovisuel. Il existe d’autres associations. Nous sommes plus d’une trentaine de membres au sein de l’association.
Comment l’ANMH compte corriger les dérives des membres de l’association ?
Nous n’imposons pas de sanctions concrètes. Nous donnons des avertissements aux médias fautifs; s’ils persistent malgré plusieurs avertissements, ils seront définitivement exclus de l’association.
Comment l’ANMH compte-t-elle intégrer les autres médias des villes de province ?
Il n’est pas dans notre politique d’entreprendre des démarches pour rechercher d’autres médias afin de les intégrer à notre association. C’est aux médias de nous rejoindre. Chaque média contribue mensuellement avec une cotisation de 2000 gourdes.
Quelles sont les difficultés que rencontre actuellement l’Association ?
La situation est très compliquée.
Les médias font face actuellement à des difficultés économiques. Il n’y a pas de publicité et l’énergie est extrêmement coûteuse. C’est tout le secteur en ce moment qui est en mauvaise position. Les médias les plus capables sont passés au système solaire pour fonctionner.
Dans le contexte de la situation sociopolitique actuelle du pays, quel rôle la presse peut-elle jouer ?
Éduquer la population. Revenir avec les cours de civisme dans toutes les écoles. Nous avons une population très jeune et je pense que tous les médias de l’ANMH et les autres médias devraient avoir à la fois des émissions d’histoires pour montrer aux jeunes les valeurs d’Haïti et aussi les apprendre à vivre ensemble.
Par Fenel Pélissier
© Photo de couverture : undp
Visionnez notre émission « Chita Pale » réalisée en 2021 avec le journaliste Hérold Jean François, Directeur général de Radio Ibo, qui aborde l’état du secteur des médias en Haïti :
Gardez contact avec AyiboPost via :
▶ Notre canal Telegram : cliquez ici
▶ Notre Communauté WhatsApp : cliquez ici
Comments