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Sous enquête, le juge Garry Orélien quitte Haïti

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Accusé de corruption, le magistrat qui enquêtait sur la mort de Jovenel Moïse n’a pas répondu aux convocations du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire

Garry Orélien n’a pas répondu à deux convocations du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, selon les révélations d’une source judiciaire à AyiboPost. Le juge d’instruction, sous enquête pour corruption dans le dossier de l’assassinat de Jovenel Moïse, devait se rendre à une audition au CSPJ le mercredi 16 février. Il ne s’y est pas présenté.

Deux autres sources confirment que le juge ne se trouve pas en Haïti ce vendredi 18 février 2022. Il n’a pas non plus donné au CSPJ une explication pour son absence aux deux convocations.

D’après la source judiciaire, le refus de coopération de Garry Orélien n’empêchera pas l’aboutissement du processus. Deux plaintes formelles sont déposées contre le magistrat par un entrepreneur et un ancien secrétaire d’Etat pour ses agissements dans le cadre de l’enquête. La haute autorité du pouvoir judiciaire s’appuie aussi sur une dénonciation du Réseau national de defense des droits humains, communiquée le 18 janvier 2022.

Les numéros locaux du juge Garry Orélien n’étaient pas joignables avant la publication de cet article. Il n’est pas clair si son départ récent du pays est permanent.

Dans une enquête publiée le 6 février 2022, AyiboPost avait révélé les stratagèmes utilisés par le greffier du magistrat, Élysée Cadet, pour obtenir une voiture d’une des personnes mise en cause dans l’enquête sur la mort de l’ancien président, Jovenel Moïse.

Lire aussi: Messages compromettants échangés par un greffier sur l’enquête de Jovenel Moïse

Des échanges WhatsApp et un enregistrement sonore non démentis par le greffier démontrent comment l’auxiliaire de la justice avait tenté d’utiliser l’investigation pour pressurer Oly Damus, copropriétaire d’une compagnie ayant loué quatre voitures à un des présumés assassins, pour l’acquisition d’un véhicule, en échange de l’annulation d’une interdiction de départ émise contre l’entrepreneur. Il affirmait agir avec l’aval de Garry Orélien, selon la plainte du RNDDH déposée au CSPJ et dont AyiboPost a obtenu copie.

Oly Damus fait semblant de coopérer. Il collecte des preuves, enregistre les conversations avant de déposer une plainte formelle au CSPJ le 24 janvier dernier. « Ce juge ne cherchait pas justice pour Jovenel Moïse, avait déclaré Oly Damus à AyiboPost. Il abusait de son pouvoir ».

Hervé Saintilus, ancien secrétaire d’Etat à l’alphabétisation sous Jovenel Moïse, a aussi déposé une plainte formelle au CSPJ contre les agissements peu éthiques attribués au magistrat, Garry Orélien.

Dans sa lettre de dénonciation, le RNDDH dénonce des tentatives d’extorsions et des demandes de versement de « cinquante mille dollars américains, pour l’annulation de mandats d’amener », émises par le juge. Garry Orélien aurait reçu, selon l’organisation, deux millions de gourdes pour la levée d’une interdiction de départ émise à l’encontre d’une personnalité dont le nom a été cité pour s’être entretenue avec l’un des individus indexés dans l’assassinat.

Selon le RNDDH, un ancien directeur général de la PNH a versé deux millions de gourdes au magistrat pour être auditionné par ce dernier. Méfiant, ce dernier se serait quand même présenté avec 53 agents de la PNH et sept véhicules, pour empêcher toute éventuelle arrestation.

Garry Orélien a libéré quatre policiers dans le cadre du dossier. Au moins un d’entre eux aurait versé 25 000 dollars américains au magistrat, d’après les informations de l’organisme de défense des droits humains qui exige une enquête « approfondie de [la] cellule d’inspection judiciaire » du CSPJ.

AyiboPost confirme des travaux en cours dans la résidence du juge à Pernier.

Après investigations, la cellule d’inspection judiciaire finalisera son rapport. Ce document contribuera au jugement de Garry Orélien au CSPJ. Si les faits allégués sont avérés, il risque une mise en disponibilité sans solde et même la révocation.

L’enquête sur la mort de l’ancien président, Jovenel Moïse se trouve à l’arrêt en Haïti, depuis le refus du doyen, Bernard Saint Vil, d’étendre le mandat du juge Garry Orélien, après son expiration mi-janvier. Au moins deux autres magistrats approchés ont refusé de reprendre le dossier, selon des informations dont dispose AyiboPost.

Les États-Unis, dont le nom d’une des agences a été utilisé par les assaillants, jouent un rôle de plus en plus important dans l’investigation. Mi-janvier, le Sénat de ce pays a donné trois mois au département d’État pour produire un rapport devant fournir une description détaillée des circonstances autour de l’assassinat.

Deux inculpés répondent aux questions de la justice américaine. Le département d’État des États-Unis a nié par le passé toute implication dans le meurtre.

Widlore Mérancourt est éditeur en chef d’AyiboPost et contributeur régulier au Washington Post. Il détient une maîtrise en Management des médias de l’Université de Lille et une licence en sciences juridiques. Il a été Content Manager de LoopHaïti.

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