Leurs idées infondées scientifiquement et discriminatoires sur l’homosexualité encouragent les discriminations contre la communauté LGTB+
Du haut de sa chaire, le pasteur agité haranguait son audience, après l’introduction du Coronavirus en Haïti en mars dernier.
« Le Covid-19 qui frappe de plein fouet le monde est la conséquence de la pratique homosexuelle », scandait-il, sur le ton ferme de ceux qui communiquent une information urgente et véridique.
Dans son audience, une femme se referme sur elle-même. « J’étais choquée », se rappelle Gabrielle Reïna Yhéris Serome, militante des droits humains et membre de la communauté LGBT+.
Ces propos expulseront la femme transgenre des assemblées protestantes à qui elle préfère l’austérité des messes catholiques. Toutefois, la dame de 25 ans subit — particulièrement lors des périodes de troubles nationaux — les assauts non justifiés et discriminatoires de passants dans les rues.
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Roselande Montilus, une jeune adhérente de l’église de Dieu à Delmas 17, témoigne entendre régulièrement des prêches qui lient les crises du pays aux péchés commis par une catégorie de personnes ciblées.
« Les prêches des pasteurs protestants mettent [régulièrement] le focus sur l’homosexualité, les dérives des jeunes, la fornication, l’adultère comme responsables de ce qui arrive en Haïti ou dans le monde », relate la chrétienne.
Le vodou et ses pratiquants sont aussi souvent victimes de ces dénonciations virulentes. Ces prêches édifient l’imaginaire discriminatoire dans le pays et amplifient l’intolérance à l’égard de minorités.
Le Covid-19 qui frappe de plein fouet le monde est la conséquence de la pratique homosexuelle
Après le séisme dévastateur de 2010, une minorité de pasteurs extrémistes ont affirmé avoir reçu la révélation que Dieu était en colère contre les Haïtiens pour la corruption de leur gouvernement, les débauches sexuelles et la pratique du vodou.
Des journées de prières et de jeûnes, certaines en plein air, ont été réalisées à Port-au-Prince pour implorer le pardon de Dieu pour ces actes.
Certains pasteurs, même s’ils réaffirment les préceptes bibliques, invitent à la prudence. « Le coronavirus est un phénomène récent. On doit éviter de tomber dans les explications faciles […]. En tant que maladie, provoquée ou naturelle, il entre dans le même cadre des conséquences du péché et non d’un type de péché. Tout le monde peut être atteint du coronavirus, juste ou injuste », croit l’homme de Dieu.
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« S’il était prouvé que le Covid-19 avait été inventé par les scientifiques sous la conduite des grandes puissances mondiales, ce serait encore une indication de la chute de l’homme et de leur séparation d’avec Dieu », continue le professeur à l’Université d’État d’Haïti.
Même drapées dans un drap global de péchés punis par la bible, les piques lancées par les leaders religieux font mal. « La communauté LGBTI+ est victime de différentes formes de discriminations », regrette Hetera Saskya Caïla Estimphil, présidente de l’organisation Kouraj.
« Mais lors des épidémies comme le Coronavirus, continue Estimphil, on est très souvent indexés ».
Les propos et actions homophobes de certains pasteurs poussent des membres hors de leurs assemblées. C’est pourquoi le jeune photographe Josué Azor évite les lieux de culte. « On ne peut pas ne pas trouver des paroles discriminatoires dans ces espaces à l’encontre des homosexuels, analyse-t-il. Ces raisons me poussent à éviter d’être présent dans ces lieux ».
Les prêches des pasteurs protestants mettent [régulièrement] le focus sur l’homosexualité, les dérives des jeunes, la fornication, l’adultère comme responsables de ce qui arrive en Haïti ou dans le monde
Quant à Gabrielle Reïna Yhéris Serome, elle s’accroche encore à l’exercice religieux, malgré les effluves discriminatoires. « Je me rends souvent à l’église quand l’envie me prend », dit celle qui garde encore l’espoir : « Ces genres de discours doivent s’arrêter et l’on doit accepter l’autre avec ses qualités, ses désirs et ses envies ».
En Haïti, la communauté LGBTI+ n’est pas légalement protégée. Un nouveau Code pénal prévoit des peines plus sévères pour les agressions perpétrées en raison de l’orientation sexuelle de la victime. Mais ce code ne sera pas en vigueur avant juin 2022.
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