Jovenel Moïse a dit constater la caducité du parlement en date du 13 janvier 2020. Le fait à retenir est qu’il y a eu neuf sénateurs qui ont dû sacrifier deux ans de leur mandat en vue de respecter le temps constitutionnel. De ce point de vue, en quoi l’application de ce même article deviendrait-elle une affaire de querelle politique quand il s’agit de la présidence de Jovenel Moïse ? se demande le Militant des Droits Humains, Carlo Germain
Une date. Tout un symbolisme. Plus que jamais un mythe décisif dans la littérature et la culture politique du pays, le 7 février. Désormais, cette date, dans le sillage des crises électorales, politiques tout bonnement fait dérouler le tapis rouge pour voir défiler les politiques, les apeupristes, des intellectuels et singuliers citoyens comme nous à travers des discours, prises de positions et de hobbies. Qu’ils soient partisans, fondés, motivés ou d’orientations stratégiques, les discours sont épars.
La question de la fin du mandat de Jovenel Moïse commence sérieusement à se relayer depuis tantôt plus de six mois, soit à mi-chemin de l’année 2020. Sur fond de crises politiques auxquelles s’ajoute la pandémie de Covid-19, les acteurs ou simplement les intéressés de la chose publique se positionnent. D’aucuns voient la fin du mandat au 7 février 2021 et d’autres au 7 février 2022.
À cette interrogation se dessinent des vérités. Autant de questions que de contradictions, allant de fausses interprétations aux discours erronés. Des antécédents et considérations politico-juridiques jusqu’aux simples avis à base de calcul élémentaire (1 +2), la logique calendaire ; où se cache donc la lumière ? Cette dernière au rythme des débats veut se conjuguer au pluriel. Ainsi, à chacun sa propre vérité. Quelle est donc cette vérité ? Existe-t-elle d’ailleurs ? Nous le croyons. Pour arriver à sa découverte, il sera pris comme élément d’analyse, non seulement des instruments légaux au support des cadres théoriques, mais aussi des considérations conjoncturelles. Car, nous estimons qu’au-delà du discours politique, des positionnements de militance, quoiqu’importants ou méritoires, la science doit dire, au nom de la parole libre et émancipatrice tout en gardant son éthique, sa vérité pour que l’équilibre soit établi.
Ne voulant absolument pas nous définir en tant qu’une voix légitime, quand nous ne sommes pas d’ailleurs du champ du droit constitutionnel, nous croyons néanmoins être détenteur d’un capital d’instruments nécessaires à la production d’argumentations juridiques sans avoir la prétention qu’elles seront vouées à faire autorité.
Notre démarche se veut dans un premier temps d’établir une distanciation conceptuelle dans la formulation du discours vedette qui tend aveuglement à faire école. Tout compte fait, l’essentiel du débat et de la question actuelle revient à se demander ; est-ce que le mandat de Jovenel Moïse prendra fin le 7 février 2021 ou le 7 février 2022 ?
L’articulation de cette question fait sciemment omission de l’adjectif « constitutionnel » au terme mandat. En effet, il n’est pas un acte superflu. C’est plutôt un choix mesuré en fonction non seulement de l’orientation de notre raisonnement juridique, mais aussi, et surtout des enjeux politiques liés à la compréhension de la fin du mandat tel qu’il est soumis aux débats depuis quelque temps. Loin de nous l’idée d’emprunter une forme impropre à la formulation : « mandat constitutionnel », mais de considérer l’enjeu de la conjecture politique actuelle dans l’interprétation juridique du terme mandat qui, en soit ne saurait qu’être constitutionnel.
Dans un deuxième temps, nous camperons, à travers certains évènements informatifs, un ensemble de dates que nous croyons importantes dans l’édification de notre discours. Ceci ramènera à une compréhension plus saine du troisième temps, où s’exprimera le rejet de la thèse de la fin du mandat de Jovenel Moïse au 7 février 2022. Et au dernier moment, il sera proposé notre argumentation sur la question pour faire valoir que le 7 février 2021 est la date butoir du mandat de la présidence de Moïse.
Pourquoi mandat constitutionnel ?
Une première considération. Elle vise à interroger le mandat pris dans un contenu constitutionnel. Pareil questionnement laisse augurer une possibilité de créer une perturbation dans une logique de comparaison entre la présidence provisoire de certains chefs d’État haïtiens à travers des situations d’exceptions et de celle de Jovenel Moïse. Vaine initiative tentée par Dr Fritz Dorvilier dans un article où il prétend défendre la thèse de la fin du mandat de Jovenel Moise au 7 février 2022. Cette comparaison tuerait le raisonnement dans l’œuf, car il ne s’agit nullement d’une même matière.
Il s’évidente que la proclamation des résultats électoraux est bel et bien le résultat des urnes. On ne saurait établir de comparaison possible de ce qui est de l’ordonnancement juridique aux situations purement politiques. La seconde considération nous ramène à la nécessité de la normalisation et de l’harmonisation du temps constitutionnel au temps électoral. En ce sens, l’appellation : « mandat constitutionnel » dans le contexte actuel des débats laisserait la possibilité de considérer le mandat à contrario dans un esprit des échéances électorales. En d’autres termes, porter une précision constante au mandat risque d’entraver sa portée parce que ce dernier n’a guère d’autre contenu que constitutionnel.
Inventaire chronologique des évènements ayant conduit à l’élection de Jovenel Moïse à la Magistrature suprême de l’État 11 janvier 2015 : l’Accord de Kinam pour une sortie durable de la crise politique
L’aggravation de la crise politique de l’époque, non pas sans précédent, risquait de toute évidence une fois de trop de compromettre le fonctionnement régulier de l’Etat dans sa logique de continuité. Dès lors qu’il est apparu la volonté des politiques et les différents acteurs de la société civile de pallier les revendications politiques, on pouvait un tant soit peu s’attendre à une lueur d’espoir vers une sortie de crise. Durable, non ; mais suffisant pour endiguer l’hémorragie du déséquilibre constaté au plus haut niveau de l’État.
Question pratique, la démocratie à l’haïtienne se définit uniquement au renouvellement du personnel politique. On aura compris que loin des problèmes structurels auxquels le pays pouvait faire face, la résolution de l’Accord Kinam passait par la démission du Premier ministre Laurent Lamothe pour aboutir à un gouvernement de consensus, la démission du Président de la Cour de cassation et celle des neuf membres du conseil électoral provisoire. En conséquence un nouveau CEP a pris place par arrêté pour l’organisation des élections législatives et la libération des prisonniers politiques. Ledit accord revêt une importance capitale au point qu’il peut être considéré comme le premier acte politique ayant facilité le déclenchement du processus électoral soldé autour du décret du 2 mars à venir.
2 mars 2015 : publication du décret électoral par Martelly
Il importe d’assurer la normalisation de la vie politique et garantir le fonctionnement régulier des institutions étatiques. Le pouvoir, en se conformant aux dispositions de la Constitution du 29 mars 1987, a dû définir les modalités d’organisation des élections des membres des conseils municipaux, des membres des Conseils d’Administration des sections communales, des membres des Assemblées des Sections Communales (ASEC), des membres des Assemblées municipales et départementales, des membres des Conseils départementaux et du Conseil interdépartemental, des Députés, des Sénateurs et du Président de la République.
Ainsi, au lendemain de graves crises politiques et d’insécurité publique, le 2 mars 2015 allait marquer la publication du décret électoral. Quant à cet acte, ils étaient tous exaltés : le fameux « Core Group » corps de l’ingérence, les partis politiques ainsi que les autres acteurs concernés pour l’organisation des élections. Mais quelle élection ?
25 octobre 2015
Des actes de violations flagrantes de la loi constituent la marque de fabrique de la réalisation des élections du 25 octobre 2015. Ce scrutin a été entaché de graves irrégularités et fraudes systématiques. Si cette pratique est assez régulière chez nous, les élections de 2015 n’ont pas été exemptées. Il s’agit de destruction de centres de vote par les partisans du pouvoir, de bourrages d’urnes, non-respect du secret du vote, centre de votes exigus, procès-verbaux non acheminés au centre de tabulation ; citoyens-mandataires votant plusieurs fois dans différents centres de vote, des votes zombis, actes d’intimidations verbales et autres formes de violences, corruption de toutes sortes. Ces pratiques sont devenues monnaie courante pour ne pas dire coutumières risquant de saper tout effort de stabilité politique. À l’issue de nombreuses dénonciations, il a été mis en place une commission ayant pour mission d’enquêter sur la sincérité des scrutins.
5 février 2016
À l’issue des crises politiques, les codépositaires de la souveraineté nationale ont dû trouver une solution afin d’assurer la continuité de l’État en s’inspirant des dispositions constitutionnelles. L’idée était de rechercher un large consensus de toutes les forces vives de la Nation, en prenant en compte la situation exceptionnelle. À cet effet, un accord entre les pouvoirs politiques de l’État a été trouvé. Au terme dudit accord a été résolue et maintenue essentiellement la redynamisation du Conseil électoral provisoire (CEP).
En ce sens, à l’initiative du président provisoire, aux secteurs ayant délégué des représentants au précédent Conseil électoral provisoire (CEP) de confirmer ou de désigner de nouveaux membres en vue de la reprise des activités au CEP, dans un délai n’excédant pas 72 heures. C’est justement à cet effet qu’il y a eu la publication de l’arrêté présidentiel nommant de nouveaux membres du CEP. Il parait important de rappeler que l’esprit de cet arrêté était de s’assurer de la poursuite du processus électoral initié au cours de l’année 2015. Il fallait relancer le processus électoral après évaluation des étapes déjà franchies. Mettre en en application des recommandations techniques de la Commission indépendante d’évaluation électorale, finaliser et faire la proclamation des résultats des élections municipales. Et puisque le processus n’a pas été annulé, il était aussi question d’organiser le deuxième tour des élections législatives partielles et des élections locales.
7 février 2016
Tout en exprimant ses regrets à l’organisation des élections régulières à temps à la tête de l’Etat, Martelly a profité pour remercier ses collaborateurs, la communauté internationale, ainsi que ses ennemis politiques. Le plus important est cette partie du discours où il a dit qu’il sera toujours à la disposition du pays. Cette phrase semble à notre avis le plus grand discours de Michel Martelly le dimanche 7 février 2016 en remettant l’écharpe présidentielle au parlement, reconnaissant, par ce geste, l’arrivée à terme de son mandat de 5 ans alors qu’il avait prêté serment en mai 2011. Cet extrait est d’une importance capitale, car il constituait la preuve de la nécessité de mettre fin à toute cette série de crises électorales en référence à la loi mère visant avant tout l’harmonisation du temps constitutionnel relatif à la durée des mandats des élus.
En effet, Martelly a dit et nous citons : « S’il est vrai que mon mandat a démarré le 14 mai 2011, en démocrate convaincu respectueux des lois et la Constitution de mon pays, je laisse la magistrature suprême de l’état, pour contribuer au retour à la normalité constitutionnelle. »
Qu’il vous plaise de formuler vos propres commentaires sur cette partie du discours !
14 février 2016
Au lendemain de l’accord du 5 février 2016, le vide institutionnel de L’État n’était plus une préoccupation à craindre. Ainsi, tel qu’il a été résolu, à l’issue d’un scrutin indirect, a eu lieu au parlement haïtien l’élection de l’ancien président du Sénat, Jocelerme Privert comme Président provisoire du pays.
Malgré le caractère éminemment politique du dit accord, le nouveau Président, a juré sur la constitution amendée de 1987 en vue de parvenir à la poursuite du processus électoral enclenché en 2015. Les protagonistes voulaient à tout prix, dans une perspective de résolution de la crise, trouver une approche qui apparaitrait plus proche de l’esprit de la Constitution. Qu’à cet effet, le nouveau Président doté d’un mandat de 120 jours avait uniquement pour mission de terminer les élections législatives dont les résultats ont été maintenus à l’issue des recommandations de la commission d’évaluation indépendante, mais principalement celle de reprendre l’élection présidentielle après que ces compétitions aient été annulées.
30 mars 2016
En mettant à exécution le contenu de la résolution prise dans l’accord du 5 février 2017 et l’application des recommandations techniques de la Commission indépendante d’évaluation électorale, le Président provisoire a dû publier l’arrêté nommant ainsi les nouveaux membres du CEP devant poursuivre le processus électoral.
20 novembre 2016
À rappeler qu’au terme de son quinquennat, Michel Martelly n’a jamais organisé d’autres élections que celles de 2015. On a connu le sort de ces élections donnant lieu à la mise en place d’un accord politique après la fin du mandat présidentiel le 7 février. Ainsi, le 9 octobre 2016, un arrêté avait convoqué le peuple en ses comices aux fins de compléter les deux branches du Parlement qui, depuis janvier 2015, fonctionnaient avec un effectif réduit.
Après l’annulation de l’élection présidentielle de 2015 pour cause de fraudes massives, les Haïtiens devraient choisir, dans une pléthore de 27 prétendants, un locataire aux commandes du Palais National. Tout compte fait, les 3 et 4 octobre 2016, la plupart des régions du pays étaient touchées par de nombreux dommages causés par le passage de l’ouragan Matthew. Ces évènements pesaient de manière significative sur la tenue des joutes régulières sur toute l’étendue du territoire. Ainsi, il a été décidé un report de ces élections au 20 novembre 2016.
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Afin de s’assurer régulièrement la rentrée parlementaire dès janvier 2017, la commission d’évaluation et de vérification électorale avait recommandé l’organisation d’élections complémentaires pour les législatives et la réalisation de l’élection du président de la République. Entre la réparation des centres de vote, l’ouverture de l’accès aux routes menant aux différents sites lourdement affectés par la catastrophe et la livraison des cartes d’identification nationale (entendons électorales), le peuple était nouvellement invité aux urnes le 20 novembre 2016. 3 janvier 2017
À rappeler que le 29 décembre 2016, trois des neuf membres du CEP ont refusé de signer les résultats annonçant la victoire de Jovenel Moïse. Malgré les contestations des différents candidats, le tribunal électoral a exclu toute possibilité de fraudes massives des élections sans toutefois ignorer des cas d’irrégularités mineures qui ne sauraient avoir d’incidence considérable sur les résultats. Ainsi, le conseil électoral provisoire a, en en date du 3 janvier 2017, en conséquence, confirmé le classement des résultats préliminaires en consacrant l’élection de Jovenel Moïse à la présidence du pays.
Rejet de la thèse de la fin du mandat au 7 février 2022
Cas du Dr Fritz Dorvilier
Dans la foulée des discours véhiculés par plus d’un et faisant écho à la thèse de la fin du mandat de la présidence de Jovenel Moise au 7 février 2022, se trouve une analyse venue de la part du professeur d’Université, le Dr Fritz Dorvilier. Son analyse, dite éclairée, se baserait sur des théories de droit constitutionnel et administratif. Décryptons-la !
Premier faux pas
D’entrée de jeu, pour prendre contrepieds des tenants de la fin de mandat au 7 février 2021 en se basant sur le processus électoral, Dr Dorvilier fait savoir d’une part que la terminologie « processus électoral » n’a aucun fondement juridique et ne se trouve nulle part dans la Constitution de 1987. Car celle-ci fait plutôt mention, en son article 191, d’opérations électorales. Il soutient de plus que le processus électoral n’est pas, en bloc, un acte administratif unilatéral.
Plus tard, dans son propre discours, c’est encore Dr Dorvilier lui-même qui a mobilisé le terme qu’il juge sans fondement « processus électoral » pour argumenter une interprétation de l’article 134-2 de la Constitution. « Il faut noter que dans le second alinéa de l’article 134-2, il est question de la date du 7 février qui suit la date de l’élection du président élu et non la date de l’enclenchement du processus électoral. » On fera le point sur cette argumentation plus loin.
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L’analyste, dans ses réflexions qui n’alimentent en rien le contenu du domaine du droit constitutionnel et/ou administratif, s’est brutalement fourvoyé, en relatant que l’élection présidentielle de 2015 a été anéantie par l’arrêté présidentiel du 30 mars 2016. Il continue pour dire : « Du fait qu’elle est réputée n’avoir pas existé, le Président élu (Jovenel Moïse) a pris fonction le 7 février 2017 suivant la date de son élection en l’occurrence le 20 novembre 2016 ou celle de la proclamation des résultats le 7 janvier 2017. » On retient tout aussi bien une tentative malicieuse de confusion dans la compréhension de la date de l’élection présidentielle du 20 novembre et celle du 7 janvier 2017, comme si ces deux dates étaient interchangeables !
Restons bien dans les faits. Sur recommandation de la commission indépendante chargée d’enquêter sur les actes de fraudes massives, il a été décidé, par l’entremise de l’Accord du 5 février 2016, l’annulation de l’élection présidentielle de 2015. De ce même Accord a été résolue la publication de l’arrêté qui surviendra plus tard, soit le 30 mars 2016, aux fins de la formation du nouveau CEP devant poursuivre le processus déjà entamé depuis 2015. Et au niveau du préambule de cet Arrêté se trouve VISÉ le fameux accord du 5 février 2016 comme l’exigent les principes de la légistique. De plus, le CONSIDÉRANT majeur dudit arrêté précise in texto : « considérant qu’il y a lieu de nommer les 9 membres du conseil électoral provisoire en vue de la poursuite du processus électoral entamé au cours de l’année 2015, conformément à l’accord du 5 février 2016 susmentionné ». Si toute la force de l’argumentaire du Professeur réside dans l’Arrêté du 30 mars 2016, cedit texte puise toute sa base et tire donc son fondement à travers l’élection présidentielle de 2015. Un évènement dit inexistant servant de cadre référentiel d’un Arrêté présidentiel, argutie juridique la plus féroce jamais avancée dans l’histoire de la législation. Un dangereux faux pas.
Deuxième faux pas
En tirant conséquence des articles 235.1 et 235.2 des dispositions générales du Décret électoral du 2 mars 2015, Dr Dorvilier fait comprendre que le fait que le processus électoral ait été enclenché en 2015 n’implique pas de façon absolue que le mandat présidentiel doive débuter le 7 février suivant, en l’occurrence en 2016. À contrario, il s’évidente que le Professeur accepte l’idée que cette implication le soit, au moins, de façon relative. De cette acceptation relative ou partielle, nous devons rappeler qu’il n’y a jamais eu d’annulation du processus électoral au regard d’une quelconque interruption de vote, mais d’annulation de l’élection présidentielle qui, à juste titre, allait être reprise dans un souci de continuité du processus électoral. Pour édification certaine, lisons ci-dessous le contenu des articles précités.
Article 235.1. —L’interruption du vote, pour quelque cause que ce soit et où que ce soit, ne peut être considérée comme un motif d’annulation du processus électoral.
Article 235.2. — Lorsqu’une élection a été annulée pour une ou plusieurs assemblées électorales, le Conseil électoral provisoire doit procéder à de nouvelles élections pour la fonction concernée dans le plus bref délai, seulement s’il est prouvé que l’interruption du vote a influencé les résultats. L’objet de la convocation est fixé par Arrêté présidentiel.
En conséquence, il y a lieu de considérer à la lumière de ces dispositions que la réponse adoptée pour la résolution de la crise électorale 2015-2016 ne pouvait être que la reprise dans l’état où il a été interrompu du processus entamé — si le Professeur le préfère, des opérations — et donnant lieu aux diverses contestations.
Troisième faux pas
L’analyse du professeur quant à l’interprétation des articles 134-1 et 134-2 de la constitution peut laisser sans voix plus d’un. Une position sans aucune référence et argumentation basées sur des théories du droit constitutionnel ou administratif comme il l’a d’ailleurs sciemment critiqué à la position de la professeure Mirlande Manigat. Le raisonnement du Dr Fritz Dorvilier est non seulement délétère, mais accuse aussi une grande frivolité, toute particulière.
D’abord, le monsieur a confondu, au point de vouloir ramener au parallèle, une situation d’exception, donc hors des prescrits constitutionnels, une démarche politique à une violation de la Constitution. Dans cet ordre d’idées, il devient donc inadmissible de remettre en question la fin du mandat du président Jocelerme Privert au prisme et à la loupe de la constitution. Faisons alors le raisonnement. Dire que ce mandat est un objet constitutionnel non identifié ou que l’élection de 2016 n’a pas eu lieu au cours de la cinquième année du mandat présidentiel n’est que pure aberration, car la présidence provisoire de Privert ne saurait nullement se rattacher à la Constitution. Avant tout, on ne pose pas de débat relevant d’une situation politique résolue hors du champ constitutionnel à l’aune de la constitutionnalité.
Nous sommes obligés de penser que le professeur Dorvilier a en quelque sorte décapité l’article 134-2 de la constitution quand il dit : « Il faut noter que dans le second alinéa de l’article 134-2, il est question de la date du 7 février qui suit la date de l’élection du président élu et non la date de l’enclenchement du processus électoral. Et le tempérament introduit dans cet article concerne la date de l’élection du président élu. »
On doit comprendre que 7 février dans la tête du Dr Dorvilier ne concerne que la prise de fonction du Président, mais néglige tout bonnement l’articulation faite autour du mandat qui est réputé avoir commencé le 7 février de l’année de l’élection. D’ailleurs, il voit, en ce qui concerne la date de l’élection un tempérament qui pose problème. S’il est indéniable de reconnaitre que 2016 est bel et bien l’année de l’élection, c’est à bon droit que le professeur fait omission volontaire de se prononcer sur la question de l’année de l’élection, car son calcul de fin de quinquennat tomberait à coup sûr en 2021. De tout quoi, il préfère dire qu’il y a un problème. Lequel problème fondamental qu’il n’a même pas pris la peine de poser. Venant d’une personne aussi qualifiée, nous rejetons l’idée qu’il serait de mauvaise foi ou manquerait de probité intellectuelle ?
« Article 134-2 : L’élection présidentielle a lieu le dernier dimanche d’octobre de la cinquième année du mandat présidentiel.
Le président élu entre en fonction le 7 février suivant la date de son élection. Au cas où le scrutin ne peut avoir lieu avant le 7 février, le président élu entre en fonction immédiatement après la validation du scrutin et son mandat est censé avoir commencé le 7 février de l’année de l’élection. »
Pour le comble…
Quand on demande au professeur Dorvilier de se positionner sur le contenu du temps constitutionnel et le temps électoral à la lumière du droit public, le Dr a eu automatiquement le réflexe de poser l’ultime nécessité de questionner des enjeux épistémologiques, juridiques et sociologiques qu’il n’aurait pas eu le temps de développer. Pourtant, il s’agit là du point charnière de tout le débat. Il est sans conteste ce que nous attendions tous. Le souci est de concilier et harmoniser les deux temps afin d’empêcher qu’il y ait des crises électorales qui ne sont en fait que des crises politiques et de mauvaise gouvernance tout simplement.
La vérité juridique autour du mandat de la présidence de Moïse
La matière soumise en discussion est du ressort de l’interprétation constitutionnelle. Une telle opération demeure peu osée, car il s’agit de faire camper une délimitation du raisonnement juridique dans un schéma de concrétisation. D’autant que les chercheurs ou tout organe de production du droit doivent faire avancer le débat en offrant à juste titre des cadres théoriques en fonction de notre système juridique sans négliger le social. Cette nécessité confirme donc l’utilité juridique et fonctionnelle de la mise en place du Conseil constitutionnel du pays, position partagée et développée par Mirlande Manigat. En ce qui nous concerne, cette nécessité répondrait à une quête d’éclairage pouvant aider à s’affranchir par la même occasion de toutes entreprises ou démarches spéculatives ; une priorité vers une argumentation juridique sera donc accordée.
L’enjeu de l’interprétation des articles 134-1 et 134-2, foyers des discordances de la fin du mandat de Jovenel Moïse, réside dans la compréhension ou dans la prise en considération de nombreux facteurs. Pour bien articuler ce problème, essayons d’abord de faire lumière sur les motivations de l’ensemble des acteurs politiques quant à la possibilité de dégager des perspectives à la nécessité d’harmonisation du temps électoral et celui de la constitution. Faisons donc le procès de l’harmonisation à travers la loi mère et le décret électoral de 2015.
S’il est vrai que la constitution trace les grandes lignes pouvant aider au déclenchement et à la réalisation du processus électoral, ce dernier se trouve toujours en porte-à-faux par rapport aux calendriers électoraux maintenus à la base des divers décrets électoraux. Ainsi, le non-respect systématique de ses échéances, ce pour de multiples causes, justifie toujours l’avènement, pour paraphraser G. Garcia Marquez, de la chronique d’une crise annoncée. De ces situations naissent au moins deux nécessités. Une volonté féconde de vouloir toujours tenter l’explication juridique eu égard au contexte de l’heure, mais surtout, de manière impérieuse d’entrer dans la normalisation de la vie publique ; cause profonde empêchant l’harmonisation du temps constitutionnel et du temps électoral.
L’esprit et la lettre de l’article 239 du décret électoral du 2 mars 2015 nous disent clairement : « Afin d’harmoniser le temps constitutionnel et le temps électoral, à l’occasion d’élections organisées en dehors du temps constitutionnel, pour quelque raison que ce soit, les mandats des élus arrivent à terme de la manière suivante :
- a) Le mandat du Président de la République prend fin obligatoirement le 7 février de la cinquième année de son mandat, quelle que soit la date de son entrée en fonction ;
- b) Le mandat des Sénateurs prend fin le deuxième lundi de janvier de la sixième année de leur mandat, quelle que soit la date de leur entrée en fonction, sous réserve de l’application des articles 50.3 à 50,7 du présent Décret ;
- c) Le mandat des Députés prend fin le deuxième lundi de janvier de la quatrième année de leur mandat, quelle que soit la date de leur entrée en fonction ;
- d) Le mandat des élus des collectivités territoriales prend fin au cours du mois de janvier de la quatrième année de leur mandat » Première confusion à lever : La plupart des tenants du 7 février 2022 confond lourdement, au niveau de l’alinéa (a), la formulation de la cinquième année du mandat dans une logique d’acception purement calendaire et la date de la rentrée en fonction qui elle-même ne constitue en rien la conditionnalité du comptage des cinq ans du mandat. Cela dit, la date de la prise de fonction n’est pas tributaire au commencement et au finissement du mandat en soi. Si le déterminisme du mandat n’est pas lié à la date de la prise de fonction, il revient donc de dire que le 7 janvier 2017, date de la prestation de Jovenel Moïse, ne peut être considéré comme la date du début de son mandat et en conséquence la fin dudit mandat ne saurait nullement être le 7 février 2022.
En réalité, il parait tout à fait légitime de se demander quand débute-t-il cedit mandat. La réponse à cette question permettra du même coup d’abolir une deuxième confusion. En effet, l’article 134-1 reste peu utilisé dans les débats, car au risque de contredire un schéma calendaire de 5 ans, les adeptes du 7 février 2021, appelés à se prononcer sur la question, n’ont pas pu cerner l’esprit de la deuxième phrase dudit article qui dit « Cette période commence et se terminera le 7 février suivant la date des élections. » La question centrale de tout le débat est justement là. Cette période (le mandat) commence et se terminera le 7 février. En ce qui nous concerne, le cas de la fin du mandat de Jovenel Moïse, s’agit-il du 7 février 2021 ou celui du 2022 ?
Toute l’interprétation réside au mot « suivant ». Nous tenterons donc à cet égard de faire un peu de grammaire. Suivant, est à la base, un mot qui par nature ou catégorisation peut se revêtir de différents sens ou de définition. La nature du mot est donc définie par sa fonction dans la phrase. Autrement dit, partant du déterminant ou du contexte de son utilisation, telle définition s’impose.
Le mot suivant tel qu’il est utilisé dans la phrase 7 février suivant la date des élections n’est pas le participe présent du verbe suivre où à défaut de l’usage du pronom relatif « qui » porterait le législateur à dire suivant. Il n’est pas un adjectif pris au sens de l’« après ». Il ne saurait être non plus un nom dans la logique du « deuxième ou de prochain ». Mais suivant, dans ce contexte, est bel et bien une préposition adverbiale au point où il peut être considéré au sens de : « conformément à, selon, en fonction de. »
De tout ce qui précède, l’interprétation de l’article 134-1 au sens de la durée du mandat présidentiel de cinq (5) ans de Jovenel Moïse, porte assez d’éclairage où il devient certain de préciser :
Considérant que l’élection présidentielle de 2015 a été annulée ;
Considérant que l’élection présidentielle porteuse d’effet juridique a eu lieu en l’année 2016 ;
Compte tenu la période de 5 ans du mandat présidentiel commence à courir en fonction de l’année des élections.
Le mandat de Jovenel Moïse a donc commencé le 7 février 2016 et s’achèvera le 7 février 2021.
Au cas où subsiste un doute de l’argumentaire interprétant la date de l’effectivité du dit mandat au terme de l’article 134-1, analysons le 134-2.
Jocelerme Privert, n’a pas été, certes un président constitutionnellement élu. Toutefois, au respect de l’accord de février 2016 et au souci d’harmonisation du temps constitutionnel et le temps électoral longuement désiré, il a programmé en octobre l’élection présidentielle conformément au prescrit de la constitution. (1er alinéa de l’art. 134-2)
Lire enfin: Assassinats, démission, exil forcé… petit panorama du destin des chefs d’États haïtiens
Bien qu’il soit clairement formulé la date de la prise de fonction et l’année de l’organisation de l’élection, le législateur dans son œuvre envisage une probabilité où le scrutin peut ne pas avoir lieu avant le 7 février. En ce sens, il fixe la rentrée du président à n’importe qu’elle autre date après la validation du scrutin. C’est exactement ce qui explique qu’une fois la validation du scrutin le 7 janvier 2017, Jovenel Moïse a prêté serment, toujours au nom de l’harmonisation, le 7 février 2017. À rappeler que cette prise de fonction n’a aucune incidence sur la durée du mandat, car l’article en lui-même enlève cette appréhension en précisant : « son mandat est censé avoir commencé le 7 février de l’année de l’élection ». D’où, on peut voir que le mandat dans sa durée se diffère de la date de la prise de fonction. En ce sens, si l’année 2016 a vu naitre l’élection présidentielle, le 7 février est la date fétiche de la prestation.de serment.
Qu’il soit clair une fois pour toutes. Notre comptage du quinquennat n’épargne pas la logique calendaire purement et simplement. Tout comme les adhérents du 7 février 2022, nous savons si bien compter. Car nous savons tout aussi bien que (2016 +5=2021). Ce qui peut-être diffère notre façon de compter tient juste à la compréhension des nuances en termes d’appréciation des faits soumis à l’interprétation juridique.
Si doute, il y en a encore, essayons de briser une toute dernière confusion, jetons un coup d’œil aux deux interprétations opposées du gouvernement au décret électoral.
Jovenel Moïse a dit constater la caducité du parlement en date du 13 janvier 2020. Le fait à retenir est qu’il y a eu neuf sénateurs qui ont dû sacrifier deux ans de leur mandat en vue de respecter le temps constitutionnel. De ce point de vue, en quoi l’application de ce même article deviendrait-elle une affaire de querelle politique quand il s’agit de la présidence de Jovenel Moïse ? Il applique une loi contre les Sénateurs et cette même loi n’est pas applicable à sa situation. Notons que cette volonté manifeste de Moïse de rester au pouvoir au-delà de la prochaine année qui suit le renvoi des sénateurs témoigne clairement l’idée d’absolutisme du pouvoir de l’État.
Si nous étions tout simplement respectueux de la loi, cette question n’aurait même pas sa raison d’être aujourd’hui. Car depuis 1789 avec la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le principe d’égalité devant la loi était déjà réglé pour sortir dans l’ordre de l’ancien régime. Au nom de la dignité humaine, ces droits égaux et inaliénables ont été repris et consacrés au niveau de la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 dont Haïti est signataire.
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