SOCIÉTÉ

Malgré la concurrence dominicaine, l’industrie du salami résiste en Haïti

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Plusieurs entreprises de fabrication de salami ont émergé dans le pays, en marge du tollé sur le salami dominicain contaminé par des traces de matières fécales

En 2012, la nouvelle du salami dominicain contaminé au microbe Escherichia coli se répand en Haïti. Selon des rapports, 15 % du salami importé de ce pays était touché par cette bactérie retrouvée dans les déjections humaines et animales.

Les réactions furent tranchées au sein de la population et nombreux Haïtiens ont arrêté de consommer le produit.

Quelques années après le scandale, des entreprises locales spécialisées dans la fabrication des marchandises carnées comme le salami, la saucisse et le hotdog émergent afin d’atténuer la dépendance d’Haïti vis-à-vis de l’offre dominicaine.

 « J’étais sidéré de voir comment les produits importés de la République Dominicaine envahissaient nos marchés sans le respect des normes sanitaires exigées », lance Jean Marc Rivière, président de l’entreprise Caribean saussage company S.A (CARISA). Cette compagnie est lancée en 2018, six ans après le tollé.

Ces structures locales, qui emploient une main-d’œuvre haïtienne, font cependant face à une concurrence déloyale des exportations dominicaines qui traversent les points frontaliers du pays sans permis d’importation sanitaire et parfois illégalement.

Production locale

La République voisine a empoché près de huit millions de dollars pour la période de 2010 à 2012 dans l’exportation de la saucisse et du salami vers Haïti. Le débat sur la contamination a légèrement fait chuter le revenu des dominicains et facilité l’émergence des usines locales comme CARISA et Top Hotdog.

 « Notre but est d’éliminer la dépendance du pays aux produits carnés de l’île voisine en offrant un meilleur produit selon les normes sanitaires internationales », explique Jean Marc Rivière, directeur de l’entreprise familiale CARISA.

Le directeur de Top Hotdog, Giovanni Gardère, n’a pas répondu aux demandes d’interview d’Ayibopost.

Pour sa part, Fabrice Rivière, vice-président de CARISA, pense que le gouvernement haïtien devrait prendre des mesures pour bloquer certains produits au niveau des points frontaliers du pays. « La présence des salamis dominicains est encore constatée sur le marché », regrette-t-il.

Les dirigeants de CARISA restent confiants que les salamis dominicains finiront par disparaître du marché haïtien dans les années à venir.

« D’ici un ou deux ans, ce sera difficile pour les dominicains de garder cette concurrence. Leurs produits persistent en Haïti parce qu’on n’arrive pas encore à satisfaire totalement la demande du marché », estime le PDG de CARISA qui annonce que l’entreprise compte augmenter ses capacités de productions pour conquérir à la fois le marché local et d’autres marchés internationaux.

Questionnés sur l’utilisation des viandes de poules locales, les responsables de CARISA estiment qu’il n’y a pas d’abattoir sérieux en Haïti qui pourrait leur fournir une viande de qualité. « Les abattoirs haïtiens ne pourront pas nous donner un certificat sanitaire. On ne pourrait pas retracer l’élevage des poules et voir si elles ont été vaccinées ou pas », mentionne le vice-président de CARISA, Fabrice Rivière.

Les viandes utilisées dans l’usine proviennent de la Belgique et de plusieurs autres compagnies en Europe. « Certaines épices utilisées pour assaisonner les viandes sont produites localement. D’autres sont importés à cause de leur carence sur le marché », rajoute le directeur de production, Fabrice Jean Louis.

Remontada des dominicains

De nos jours, le salami dominicain regagne le terrain. Ceci s’accomplit sans les garanties exigées par l’État haïtien pour la levée définitive de l’interdiction. De ce fait, le salami de l’île voisine est exporté en Haïti sans permis sanitaire d’importation.

L’État abandonne le combat et n’a pas réalisé de nouveau test sur les salamis dominicains depuis 2012. « Personne ne sait si le salami dominicain qui circule actuellement en Haïti est apte à la consommation », analyse Telsent Charles-Henry, directeur du laboratoire Tamarinier.

Lire sur le sujet: Interdit en 2012, le salami dominicain réintroduit en Haïti sans analyses adéquates

Entre-temps, les entreprises locales s’efforcent de mettre en place des normes sanitaires. L’usine de CARISA exige le port d’équipements adéquats avant de pénétrer son espace de production. De son côté, l’ingénieur industriel Dimitri Cayard assure que le salami se fabrique dans les conditions optimales.

« Les risques sanitaires liés à la fabrication de ces produits peuvent être physiques, chimiques et microbiologiques », fait savoir Dimitri Cayard dont le rôle consiste à prévenir les dangers liés à la réalisation et à la consommation.

En cas où des microbes ou bactéries s’infiltrent dans la préparation des charcuteries, ils sont tous éliminés lors de la cuisson, souligne pour sa part la chimiste Rosedanie Simonise.

Selon ses dires, ces microbes sont sensibles à la chaleur et ne peuvent donc pas résister à 60 degrés Celsius de chauffage à la cuisson. Notons que la durée de vie de ces produits carnés que ce soit le salami, le hot dog ou la saucisse, ne peuvent pas dépasser trois mois en l’absence d’une réfrigération adéquate.

A base de viande

Traditionnellement, la saucisse, le salami et le hot dog sont consommés en Haïti avec du pain, comme une sorte de sandwich local. Fort souvent, ces ingrédients sont utilisés dans la cuisson du spaghetti.

Selon le directeur de production chez CARISA, Fabrice Jean-Louis, ces produits sont fabriqués à base de viande de poulet désossée, nettoyée et bien assaisonnée d’épice locale. « La viande est broyée, mixée par la suite avec les condiments avant de passer à la cuisson. »

« Pour les saucisses, on utilise une viande de très haute qualité avec un standard européen. C’est ce qui confère à notre produit sa forme et sa qualité », insiste l’allemand Aphonse Yong, consultant et spécialiste qui a intégré l’entreprise depuis plus d’un an.

Les responsables de la production chez CARISA affirment qu’ils utilisent une quantité insignifiante d’éléments chimiques. « Les normes européennes veulent qu’un minimum d’additif et de conservateur soit utilisé dans la production des produits de charcuteries afin de protéger le consommateur final », ajoute Yong.

Emmanuel Moïse Yves

Journaliste à AyiboPost. Communicateur social. Je suis un passionnné de l'histoire, plus particulièrement celle d'Haïti. Ma plume reste à votre disposition puisque je pratique le journalisme pour le rendre utile à la communauté.

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