Les spécialistes prédisent des événements météorologiques violents pour la région
D’après une étude des chercheurs de l’Université du Wisconsin aux États-Unis, dans diverses régions du monde où se forment les ouragans, les cyclones ou les typhons, ceux-ci ont tendance à devenir de plus en plus puissants et fréquents. Dans un contexte environnemental global où le réchauffement climatique demeure l’une des préoccupations premières sur la planète, il y a de quoi s’inquiéter en Haïti.
Le pays doit « mieux se préparer pour faire face aux cyclones et aux ouragans », avance Nicole François Celhomme, prévisionniste au Centre de prévision de l’Unité hydrométéorologique d’Haïti (UHM). Comme les chercheurs de Winconsin, la spécialiste pense qu’il y a de fortes chances que ces phénomènes hydrométéorologiques soient plus destructeurs cette année et pour toutes celles d’après.
D’ailleurs, Haïti se connaît en événements météorologiques agressifs. En 2008, les cyclones Fay, Gustav, Hanna et Ike ont tué près de 800 personnes et causé des dommages estimés à un milliard de dollars. Huit ans plus tard, le cyclone Matthew a réclamé la vie de plus de 500 Haïtiens et causé des pertes d’environ 3 milliards de dollars.
« Matthew n’était pas un phénomène météorologique unique », soutient Nicole François Celhomme qui anticipe d’autres cyclones encore plus ravageurs. Ceci reste d’autant plus probable qu’Haïti affiche un écosystème fragile situé pile sur leur route.
Des événements rarissimes
Cette année, la période cyclonique qui s’étend du 1er juin au 30 novembre a débuté très tôt et se trouve catégorisée comme « hautement active » par les météorologues. Si Haïti n’est pas encore frappé de plein fouet par un événement majeur, le pays expérimente la formation de phénomènes météorologiques rares.
Au mois de juin, une brume de sable épaisse venant du Sahara a traversé Haïti durant plus d’une semaine. Le 25 juillet, une trombe marine a suscité l’émoi des habitants de Fort Liberté. Des images de ces manifestations se sont partagées partout sur les réseaux sociaux.
La différence entre ces deux phénomènes se retrouve dans le fait que les brumes de sable sont des « litho-météores », autrement dit des particules en suspension au niveau atmosphérique, explique Celhomme. Elles ont une trajectoire bien définie qui traverse des continents durant des semaines. Donc, il s’agit d’un phénomène à grande échelle.
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Pareille à une tornade, la trombe marine se forme uniquement dans des paramètres météorologiques vraiment particuliers. Elle a besoin d’une forte instabilité de l’air au niveau maritime : une humidité de l’air extrême, une température très élevée et des nuages très instables (cumulonimbus).
Puisque ces conditions météorologiques ne se réunissent pas facilement, c’est ce qui fait que la trombe marine est un phénomène assez rare. De plus, elle est plutôt quelque chose de local, circonscrite uniquement au niveau maritime et de courte durée, une dizaine de minutes seulement.
Même s’il n’y a pas de rapport entre brume de Sahara et trombe marine dans les conditions météorologiques qui occasionnent leur naissance, « les changements climatiques rendent plus intenses ces phénomènes hydrométéorologiques », argumente Celhomme.
Des cyclones de plus en plus violents
Les observations des chercheurs de l’université de Wisconsin sur la formation des cyclones se sont basées sur des images satellites récoltées depuis 40 ans. Dans les quatre dernières saisons cycloniques de l’Atlantique, chacune d’entre elles comprenait une tempête de catégorie 5.
La saison cyclonique de 2020 est 60 % plus supérieure à la moyenne, fait savoir la NOAA (National oceanic and atmospheric administration).
Dans la liste de 21 noms prévus pour les tempêtes, pour 2020, 11 se sont déjà formés dès le mois d’août, soutient la prévisionniste Nicole François Celhomme. La NOAA prévoit que 6 à 10 d’entre eux deviendront des ouragans et 3 à 6 autres pourraient devenir des ouragans majeurs d’intensité de catégorie 3 ou plus.
« À chaque jour qui passe, le risque pour qu’Haïti soit impactée par des phénomènes hydrométéorologiques dangereux est de plus en plus élevé », rapporte Celhomme.
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Cette augmentation d’intensité a un lien direct avec l’augmentation de la température des océans qui a un rapport étroit avec le changement climatique. Scientifiquement, plus la température est élevée, plus les cyclones deviennent violents, puisque c’est l’évaporation de l’eau de l’océan qui sert de carburant à ces phénomènes météorologiques.
« Il existe un accord scientifique solide selon lequel [les cyclones] produisent plus de précipitations à mesure que les températures de l’océan et de l’air augmentent », écrit d’ailleurs Andrew Freedman, éditeur spécialisé dans les conditions météorologiques extrêmes, le changement climatique, la science et l’environnement au journal The Washington Post.
Cependant, cette idée disant que l’intensité des cyclones s’amplifie à cause de l’évolution des changements climatiques à grande échelle n’est pas partagée par tous les météorologues. Selon Rudolph R. Victor (Rudy Météo) « l’énergie cyclonique accumulée par les cyclones tropicaux (ACE) a montré une variabilité interannuelle mondiale frappante au cours des 40 dernières années. » Pour le météorologue, il faut plutôt s’attendre à un retour des gros cyclones, parce que c’est un cycle.
Il va faire encore plus chaud…
L’augmentation de la température au niveau mondial se trouve amplifiée en Haïti à cause de facteurs entropiques. La prévisionniste Nicole François Celhomme mentionne les constructions faites en béton, le fait qu’il n’y a presque plus d’espaces verts, les gens qui bâtissent un peu partout dans les villes du pays… Il ne faut pas oublier que « les forêts n’existent presque plus en Haïti à cause du déboisement et de l’érosion. »
Durant la journée, les maisons emmagasinent de la chaleur qui sera rejetée dans l’atmosphère. « C’est pour cela que la température durant les heures avancées de la nuit n’est plus fraîche à présent », dit Celhomme.
Hervia Dorsinville
Photo couverture : Frantz Cinéus / Ayibopost
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