Beaucoup de femmes à travers le monde ont déjà connu le flatus vaginalis ou gaz vaginal. Mais souvent, elles ont peur d’en parler à cause des préjugés qui entourent le phénomène
Irma Lambré est une artiste haïtienne vivant en France qui s’est toujours sentie épanouie sexuellement. D’ailleurs, elle raconte se sentir femme quand elle fait l’amour.
Cependant, Lambré a vécu une expérience lors d’un rapport intime qui l’a refroidi. Quelques jours après l’accouchement de son troisième enfant, elle a eu envie de reprendre ses activités sexuelles.
« Je ne me rappelle pas la période, mais je devrais être prête. Lors du rapport, j’ai sorti un gaz dans mon vagin, mon partenaire à l’époque a automatiquement perdu son érection. Il a dit que c’est la première fois que cela lui est arrivé.»
Le conjoint de Lambré lui a dit que c’était normal vu qu’elle avait déjà trois enfants. «Plus il essayait de me rassurer, plus j’avais mal parce qu’il ne parvenait plus à bander.»
Quand cela lui est arrivé, Irma Lambré dit qu’elle a cru qu’elle ne pourrait plus avoir de vie sexuelle. L’expérience a été humiliante selon ce qu’elle raconte.
« Mon partenaire avait l’air de me regarder comme le tunnel sous la manche. Ce jour-là, je me suis sentie mal dans mon corps. J’ai passé la nuit à dire : mon Dieu, c’est terminé, je ne serai plus jamais une femme. J’ai vraiment senti que j’avais perdu ma féminité. Lui s’est retourné de l’autre côté, je l’entendais ronfler. Il m’a laissé comme un bout de viande sur le lit. C’était le début de la fin de notre histoire. C’était un con. »
Beaucoup de femmes expérimentent le pet vaginal, mais peu décident d’en parler à cause des préjugés. Lors d’une relation intime, ces pets bruyants, mais normales selon les experts peuvent être aussi surprenantes pour les deux partenaires.
Sans voix
Clifford Boucher, un jeune homme d’une vingtaine d’années, explique qu’il est resté sans mot quand il a entendu plusieurs pets sortir du sexe de son amie alors qu’il la pénétrait.
« Au début, j’ai pensé que le bruit venait de son derrière, mais quand j’ai continué, j’entendais encore le même bruit sortir de son vagin. La fille n’avait pas l’air étonnée, et elle ne m’a rien dit à ce propos.»
Ce n’est qu’après plusieurs jours que la copine de Boucher lui a confié qu’elle n’a pas eu de vie sexuelle active pendant longtemps. « Elle n’était pas ma petite amie, ajoute-t-il, je venais tout juste de la rencontrer. J’en ai parlé à un ami qui m’a dit que c’était normal. »
Boucher souligne qu’il est tombé sur un ami compréhensif. Car, beaucoup de ses copains pensent qu’une femme qui pète dans son vagin est une femme impropre qui ne prend pas le temps de se soigner après un accouchement ou un avortement provoqué.
Comme pour Irma Lambré, la partenaire de Clifford Boucher venait d’accoucher un enfant. Son bébé avait un an et quelques mois quand elle a eu le rapport sexuel avec le jeune homme.
Le gaz vaginal est souvent normal
Selon Rodrine Janvier, gynécologue obstétricienne, le flatus vaginalis qui est aussi appelé pet ou gaz vaginal, est un phénomène physiologique normal qui peut arriver à n’importe quelle femme.
« Ce pet est inodore, dit-elle. C’est juste de l’air qui entre dans le vagin de la femme et qui en ressort. Généralement, les femmes émettent ces pets lors d’un contact sexuel où le vagin est exposé à l’air libre.»
Dans la position de la levrette, celle qu’on appelle en Haïti « bakchat », la spécialiste dit que le vagin s’ouvre beaucoup et peut ne pas pouvoir serrer le sexe de l’homme, surtout quand la femme est très lubrifiée. Cela peut arriver aussi dans la position de l’enclume quand la femme pose ses deux pieds sur l’épaule de l’homme.
Mais, il n’y a pas que les positions sexuelles qui peuvent favoriser l’irruption de l’air dans le vagin. Selon la gynécologue, certaines femmes émettent des gaz vaginaux quand elles utilisent le doigt et des sextoys pour se donner du plaisir. Il y a aussi des activités physiques comme le yoga qui peuvent permettre à l’air d’entrer dans le vagin.
Rodrine Janvier conseille aux femmes de ne pas s’alarmer si pendant ou après l’une de ces activités, elles sortent un pet vaginal, car c’est normal. Donc, elles peuvent pratiquer sans crainte les activités sexuelles ou sportives de leur choix.
Se faire soigner
Toutefois, Rodrine Janvier met en garde contre certains gaz vaginaux qui peuvent être pathologiques.
« Quand c’est une maladie qui provoque le pet vaginal, la femme doit chercher de l’aide. Il peut s’agir d’une incontinence urinaire, c’est-à-dire la femme n’arrive plus à retenir son urine. Cela peut être aussi une béance vaginale, dans ce cas, le vagin devient plus large que la normale.»
Il y a aussi la fistule qui est la communication entre deux organes. Il se peut que cela se fait soit entre le vagin et le colon qui est la fistule colo vaginal, soit entre le vagin et le rectum qui est la fistule recto vaginal. Rodrine Janvier avance que pendant un accouchement, le périnée qui est le muscle qui sépare le vagin de l’anus peut avoir une déchirure, si elle n’est pas réparée, le vagin devient alors lâche.
La prise en charge de ces pathologies est longue et pluridisciplinaire, selon Rodrine Janvier. Des urologues, gynécologues, thérapeutes et même des psychologues peuvent mobiliser leurs compétences pour accompagner une femme qui émet des pets vaginaux parce qu’elle est malade. Le traitement peut être fait au laser. On peut aussi conseiller aux femmes de porter des tampons vaginaux.
Rééducation
Si le pet survient après un accouchement, le médecin conseille la rééducation périnéale. C’est ce qu’a fait Irma Lambré après son expérience.
« J’avais tellement peur que j’en ai parlé à mon médecin généraliste qui m’a envoyé voir un kinésie thérapeute, dit Lambré. J’ai fait une rééducation du périnée pendant un mois et demi. Cela m’a permis de remuscler le vagin», se rappelle-t-elle.
Quand elle a repris les pratiques sexuelles, Irma Lambré avoue qu’elle s’est senti mieux et rassurante. Depuis, après chaque grossesse elle pratique des séances de rééducation. «En France, rajoute-t-elle, cette thérapie rentre dans le cadre des droits qu’ont les femmes après un accouchement. »
Depuis, Irma Lambré dit qu’elle a pris la décision de parler du pet vaginal à ses filles, mais aussi à ses fils pour qu’ils appréhendent mieux la situation s’ils devaient la vivre un jour.
Dr Rodrine Janvier réitère que le flatus vaginalis qui est souvent mal vu est un phénomène normal qui peut être traité même s’il émane d’une pathologie.
Beaucoup de femmes à travers le monde ayant connu cette sensation refusent de l’aborder avec leurs médecins. « En tant que gynécologue obstétricienne, je n’ai pas de patientes qui me parlent à ce sujet. Soit elles ont peur d’en parler, soit elles ont fait leur autotraitement avec le bain de vapeur par exemple », Janvier.
Laura Louis
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