Après avoir introduit le choléra en Haïti, l’ONU proposait de renforcer les infrastructures de lutte contre la maladie et d’indemniser les victimes. L’organisation semble vouloir abandonner la dernière option au profit d’une approche centrée sur les communautés.
15 octobre 2019, l’Organisation des Nations Unies (ONU) met fin à 15 années de missions de maintien de la paix en Haïti.
Le bilan du travail de l’ONU en Haïti se trouve terni par l’introduction du choléra dans le pays. Depuis l’apparition de cette maladie, au moins 9 800 personnes ont perdu la vie et plus de 820 000 Haïtiennes et Haïtiens ont été infectés.
Malgré des études, l’Organisation des Nations Unies a pendant longtemps nié son implication dans la propagation de l’épidémie meurtrière. En août 2016, elle a fait volte-face. L’ancien secrétaire général Ban Ki-moon a présenté ses excuses aux Haïtiens pour le rôle joué par l’ONU.
La « nouvelle approche » de l’ONU contre le choléra
Après des mots d’excuse, Ban Ki-moon a lancé une « nouvelle approche » pour le choléra en Haïti. Cette approche, convenue avec les autorités nationales comprenait deux volets.
Avec le volet 1, l’ONU devait intensifier des efforts immédiats pour réduire la transmission du choléra et améliorer l’accès aux soins et aux traitements, tout en abordant les problèmes à moyen et à long terme des systèmes d’eau, d’assainissement et de santé.
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Le deuxième volet de la nouvelle approche consistait à élaborer un programme d’assistance matérielle et de soutien aux Haïtiens les plus directement touchés par le choléra.
Cela devait inclure la consultation des personnes et des collectivités touchées pour l’élaboration de ce programme. Dans cette approche, l’ONU a envisagé de verser directement de l’argent pour chaque décès.
Sandra Wisner est avocate et boursière « Bertha Justice » à l’Institut pour la justice et la démocratie en Haïti (IJDH). Elle déclare que « cette approche à deux voies était un bon début pour fournir une sorte de réparation aux victimes. »
Pas de réparation pour les victimes jusqu’à présent
David Nabarro, alors conseiller spécial du Secrétaire général des Nations Unies, a fait savoir en décembre 2016 que l’ONU voulait indemniser les familles et les communautés les plus affectées par l’épidémie. L’organisation comptait récolter 200 millions de dollars américains à cet effet. 200 millions additionnels iraient au renforcement des infrastructures de lutte contre la maladie.
Près de trois ans plus tard, L’ONU n’a pas réussi à apporter une réponse juste aux victimes. Leur promesse de soutenir les personnes les plus affectées par le choléra n’est toujours pas tenue.
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Une année et cinq mois avant le départ des soldats de l’ONU, soit en mai 2018, le Bureau des Avocats internationaux (BAI) et l’Institut de Justice et démocratie en Haïti (IJDH) ont adressé une lettre à la vice-secrétaire générale des Nations Unies, Amina J. Mohammed. Dans le document, ils ont montré leur crainte que l’ONU renonce à son engagement en faveur d’un plan respectueux de la dignité des victimes du choléra et leur fournisse une réparation significative.
Selon l’avocate Sandra Wisner, l’ONU veut abandonner l’indemnisation en dépit des appels constants du gouvernement haïtien et des victimes du choléra. Et, les investissements promis dans les infrastructures d’approvisionnement en eau et d’assainissement demeurent absents.
Des projets communautaires pour réparer les victimes
Moins de 5 % des 400 millions de dollars promis ont été collectés. Aussi, « l’ONU veut fournir simplement des projets communautaires à petite échelle dans certaines communautés », dit Sandra Wisner.
Mamadou Diallo est coordonnateur humanitaire des Nations Unies en Haïti. Il confirme que des projets pilotes seront étendus dans des communautés.
Selon Diallo, le projet d’un nouveau marché est réalisé dans la plus petite section communale de Mirebalais : Crête Brulée. C’est, avance-t-il, l’approche choisie de façon participative par la communauté elle-même, qui a considéré ce marché comme prioritaire à la suite d’un processus de consultation dans le cadre de la Nouvelle Approche.
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En septembre 2019, le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) a annoncé la mise à disposition d’une enveloppe de 600 000 dollars US pour le Cap-Haïtien. Ce montant rentre dans le cadre d’une compensation communautaire aux victimes de choléra. Le PNUD a mis en place une méthodologie spécifique pour la réception de ce fonds qui ne sera pas distribué aux victimes directement.
Les élus locaux et les leaders communautaires auront la charge de réaliser des projets de captage d’eau, d’assainissement, de construction de marchés ou de latrines publics pour améliorer les conditions sanitaires à Cap-Haïtien d’ici 2020.
Mario Joseph est avocat du Bureau des avocats internationaux et de l’Institut pour la justice et la démocratie en Haïti. Il regrette que les victimes soient mises à l’écart des consultations. Selon lui, le bourreau ne devrait pas être en position de dicter sa loi.
Que veulent les victimes du choléra ?
Mario Joseph a montré la vidéo de Ban Ki-moon demandant pardon au peuple haïtien dans la commune de Mirebalais (Plateau central). Les victimes du choléra ont réclamé une indemnisation en tant que remède essentiel. Selon lui, ils veulent être entendus et ne veulent pas que l’argent soit versé à l’État haïtien.
Dans ce cas, les avocats du BAI et de l’IJDH ont proposé à l’ONU de soutenir leur engagement dans un processus véritablement centré sur la victime.
En 2015, à l’occasion de la Journée des droits de l’homme, les victimes ont remis plus de 2 000 lettres manuscrites au quartier général du maintien de la paix des Nations Unies à Port-au-Prince.
Selon leur écrit, les paiements individuels peuvent réparer les blessures économiques d’une manière que les projets communautaires ne pourront pas.
Le choléra a des conséquences disproportionnées sur les ménages des victimes. Entre autres, coûts d’inhumation, accumulation de dettes, perte de moyens de subsistance et décès des soutiens de famille… Dans ce cas, l’ONU doit les dédommager, racontent les victimes.
Les enfants orphelins ou qui ont perdu des membres de leurs familles sont particulièrement vulnérables aux impacts à long terme, selon les avocats du BAI et de l’IJDH.
« Beaucoup sont obligés de quitter l’école et de vivre dans des conditions de vie précaires », peut — on lire dans un document adressé à la vice-secrétaire générale des Nations Unies. Les avocats ajoutent que la nouvelle approche ne sera efficace que si l’ONU écoute les victimes et respecte leurs points de vue.
La perte de ces milliers de vies humaines ainsi que les multiples souffrances engendrées par l’épidémie restent une grande tragédie. Pourtant, l’ONU n’a jamais suffisamment étudié la faisabilité et l’efficacité de cette approche ni fourni aucune information publique sur les tentatives visant à élaborer une telle approche.
Ayibopost a sans succès tenté d’entrer en contact avec le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti.
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