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Je suis cette Femme…

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Je suis la femme qui chaque matin te dit « Bonjour » avec ce sourire glacial. Cette femme qui, sans même te demander de tes nouvelles, enchaîne avec la question « Quel est le programme du jour ? »

Je suis cette femme qui ne se soucie guère de toi et t’appelle à plusieurs reprises au cours de la journée pour un suivi. Je suis ce supérieur hiérarchique que tu méprises, que tu détestes, que tu as hâte de quitter. Cette femme qui fait qu’à longueur de journée, tu regardes l’horloge qui se trouve juste en face de toi attendant ton heure de délivrance, attendant « 16 h ». Je suis tout ce que tu crois, tout ce que tu penses savoir, tout ce que tu penses comprendre. Je suis également cette femme qui a une histoire. Une histoire qu’elle n’aimerait pas raconter, une histoire dont elle a honte, un passé qui la hante.

Je suis cette femme qui a été, un jour, une enfant. Une fillette qui a grandi dans un quartier pauvre et qui voyait dans les études son échappatoire. Une fillette boutonneuse, surnommée « la petite laideron » par ses camarades de classe, qui ramenait des trophées d’excellence à l’école, qui faisait la fierté de sa mère. Une fillette qu’un père a abandonnée pour une femme plus jeune que sa mère.  Une mère qui, effrayée à l’idée de l’élever seule, avait demandé à un frère de cohabiter avec elles. Une fillette que cet oncle violait chaque soir pour assouvir ses désirs malsains. Une fillette qui en échange de ses protestations était victime de violences tant physiques que verbales. C’était une faveur qu’il lui faisait disait-il, elle était tellement laide. Une jeune fille qui lors de sa seizième année, a vu sa maison partir en fumée alors que sa mère était au marché et que son « très cher oncle » qui  s’y reposait ne s’ en est  jamais sorti. Encore aujourd’hui les causes de cet incendie restent incertaines.

Je suis cette femme qui durant sa jeunesse a intégré la faculté de droit pour y poursuivre ses études ; une jeune femme qui avait oublié. Une jeune naïve qui avait voulu aider le fils de Monsieur « X » afin que ce dernier améliore ses notes et donc s’était retrouvée chez ce dernier. Ce qui devait être une journée de travail s’était transformée en une soirée d’horreur. J’avais oublié… Mais je n’avais pas porté plainte, j’avais compris. J’avais compris que M « X » était un homme de pouvoir, riche de surcroît. J’aurais perdu gain de cause. J’avais également compris que je me devais de me débarrasser de ce qui s’en était suivi. Je ne pouvais me payer le luxe de le garder. Il représentait non seulement ma faiblesse, mais aussi un avenir incertain. J’avais préféré m’offrir les services de ce médecin douteux. Le seul dont j’avais les moyens de me payer.

Je suis cette femme qui avait, quelques mois plus tard, entretint une relation extraconjugale avec son professeur de droit de la famille, avocat réputé, de 20 ans son aîné. Cette femme qui avait joué, triché, manipulé pour qu’il divorce et l’épouse. Je suis cette femme qui avait besoin qu’il la protégeât, qui avait besoin de son statut. Je suis cette femme dont le mari s’en était lassé lui reprochant sa froideur, l’avait trompé et battu. Cette femme qui fatiguée de se faire battre, l’avait assassiné de sang-froid avec pour seul complice du « twa de gout ». Je suis cette femme que tu détestes, cette femme dont tu jalouses la vie. Cette femme que tu crois « ke manman l te byen benyen li », car à 35 ans elle est au sommet de sa carrière et a « hérité » du cabinet de son défunt mari. Cette femme que tu considères comme n’en étant pas une vraie puisqu’elle n’a ni mari ni enfants, cette femme que tu reproches de trop aimer sa carrière. Cette femme qui aurait pu être ton amie si son histoire avait été différente.

Je suis une femme « épuisée », qui a « trop donné » et qui continuera à te regarder de haut, qui ne s’intéressera qu’à sa carrière, car après tout, c’est tout ce qu’il lui reste.

Anayiz Nadjela Pierre

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