SOCIÉTÉ

Une dizaine de facultés de médecine en Haïti forment des médecins non reconnus par l’État

0

Ces médecins dépourvus de diplôme exercent parfois dans les endroits reculés du pays en dehors des normes et principes établis

Read this piece in English

Sur une liste de 24 facultés de médecine en Haïti, seulement six sont reconnues par le ministère de la Santé publique et de la population. L’information provient du docteur Evans Vladimir Larsen, responsable de la Direction de la formation et de perfectionnement en sciences de la santé (DFPSS) au MSPP.

Les facultés habilitées à enseigner la médecine dans le pays font partie intégrante des universités suivantes : Notre-Dame d’Haïti, Lumière, Université d’État d’Haïti, Quisqueya, Royale d’Haïti et la Fondation du Dr Aristide.

« La septième faculté de médecine qui aura, sous peu, la reconnaissance du MSPP se regroupe autour d’un consortium. Trois entités universitaires (Royal, Épiscopale d’Haïti, Mont-Everest) se mettent ensemble et partagent leurs ressources pour former une faculté de médecine », fait savoir docteur Larsen.

Pourtant, les structures non homologuées sont connues de tous. Il y a cinq ans de cela, Guivens Charles a intégré la faculté de médecine de l’Université Saint-François d’Assise d’Haïti (USFAH). Cet étudiant en cinquième année de médecine et ses camarades savent pertinemment que l’institution n’a pas la reconnaissance du MSPP pour œuvrer dans ce domaine.

Les facultés dans la même situation que l’USFAH mettent annuellement sur le marché une centaine de médecins qui n’a pas de document leur autorisant à pratiquer la médecine ou à réaliser une spécialité médicale en Haïti comme à l’étranger.

Pluie d’espoir 

L’USFAH est à son premier essai. Car, Guivens charles fait partie de sa première cohorte d’étudiants en médecine. Charles espère que sa faculté aura la reconnaissance de l’État bien avant la fin de ses études.

« L’université nous met au courant du niveau d’avancement du dossier au sein du MSPP. On était tous au courant des recommandations du ministère pour avoir la reconnaissance légale », dit-il.

Lire aussi: Témoignage détaillé d’un médecin haïtien depuis un foyer de Coronavirus aux USA

Parmi les exigences, le MSPP réclame un laboratoire, des professeurs qualifiés, une bibliothèque standard qu’il soit virtuel ou physique. « Tout est déjà fin prêt », fait savoir Guivens Charles l’air confiant.

AyiboPost a essayé vainement de rentrer en contact avec les responsables de l’USFAH.

La promotion d’étudiant de l’USFAH a déjà réalisé plusieurs stages à travers les centres hospitaliers du pays. « Plusieurs protestations auraient déjà été organisées contre les dirigeants de l’USFAH, si on n’était pas au courant des démarches et des avancées » fait savoir Charles.

Problème complexe

Plusieurs facteurs poussent le MSPP à ne pas reconnaître l’existence d’une faculté qui enseigne la médecine en Haïti. Le stage hospitalier, le cursus limité, l’absence d’un laboratoire moderne, la pédagogie médicale incomplète sont, entre autres, des indicateurs sur lesquels le MSPP se repose pour prendre sa décision. Fort souvent, ces éléments sont pris à la légère lors de la création de ces facultés.

Selon le gynécologue Evans Vladimir Larsen, le MSPP ne livre pas des autorisations ou permis de fonctionnement aux entités supérieures en Haïti. « C’est la DFPSS qui leur fournit un papier de reconnaissance leur habilité à enseigner la médecine selon les normes définies par le MSPP », dit-il.

Les facultés privées en Haïti sont avant tout des entreprises enregistrées au ministère de commerce et de l’Industrie (MCI). Elles détiennent aussi une autorisation du MCI et de la Direction générale des impôts (DGI) les autorisant à fonctionner.

Lire aussi: Pourquoi les médecins formés par l’État et ceux formés dans les institutions privées sont-ils en guerre ?

« Ce sont des entités qui ont une forme de couverture légale. Elles entament l’enseignement médical dans leur institution avant même de formuler une demande de reconnaissance auprès du ministère. C’est à partir de ce moment que le MSPP peut constater qu’elles ne remplissent pas toutes les conditions pour avoir une reconnaissance », relate Larsen.

Le MSPP ne peut pas fermer ces entités qui enseignent illégalement la médecine en Haïti. Pourquoi ? Parce que le MSPP n’a pas le pouvoir pour annuler tous les papiers que le système a déjà livré, poursuit le responsable de la DFPSS. « Ne pas leur livrer une reconnaissance est la seule façon que le MSPP utilise pour les coincer. On peut seulement les pressurer de manière à se mettre conforme pour être reconnu », dit le docteur Larsen.

En ce sens, les diplômes de fin d’études livrés par ces entités n’ont pas une reconnaissance légale auprès du MSPP. « C’est un investissement perdu. Les étudiants ayant fréquenté ces espaces éprouvent de grandes difficultés à être admis comme médecin dans un centre hospitalier. La plupart d’entre eux évoluent comme médecins charlatans dans les endroits reculés du pays », ajoute Evens Vladimir Larsen.

Emmanuel Moïse Yves

Guivens Charles est un nom d’emprunt.
Photo de couverture: Rockefeller Foundation

Journaliste à AyiboPost. Communicateur social. Je suis un passionnné de l'histoire, plus particulièrement celle d'Haïti. Ma plume reste à votre disposition puisque je pratique le journalisme pour le rendre utile à la communauté.

Comments

Leave a reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *