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Roro d’Haïti se confie sur son parcours musical hors du commun

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Dans les années 1970, le quatuor de musiciens a pu épauler, pendant quelque temps, Céline Dion, jeune artiste canadienne en début de carrière à l’époque

Avec le Rarock – un mélange de rara haitien et de rock –  le musicien haïtien Jean Ewald Dauphin Fils dit Roro d’Haïti, a porté son art et le nom d’Haïti sur la scène internationale dans les années 1980 et 1990.

Couverture Officielle de l’album Kenbe sorti en 1991. | Courtoisie : Jenerasyon ZA.

Le natif de Port-au-Prince dit être habité par la musique depuis son enfance, sous l’influence de son père musicien, Jean Ewald Dauphin père. 

En grandissant, le guitariste et compositeur décide de poursuivre une carrière musicale malgré les désapprobations de son père.

Roro d’Haïti quitte le pays en 1968 pour le Canada.

Là, il va faire la rencontre de plusieurs musiciens déjà établis dans le pays Nord américain.

« Jean Séjour, Joe Trio et Alfred Dorlette sont des musiciens qui m’ont inspiré et m’ont appris une discipline de fer qui a su me guider pour la suite de ma carrière »,  explique t-il à AyiboPost.

Quelque temps après, il décide de voler de  ses propres ailes. Il bénéficie alors du soutien de trois autres jeunes musiciens haïtiens au Canada avec lesquels il forme un groupe qui porte son nom.   

Une rencontre éclaire va marquer son existence.

Dans les années 1970, le quatuor de musiciens a pu épauler, pendant quelque temps, Céline Dion, jeune artiste canadienne en début de carrière à l’époque.

« Sa mère qui nous a vu jouer dans un centre commercial, est venue nous voir et nous a demandé si nous pouvions accompagner sa fille qui savait chanter », raconte Roro d’Haïti à AyiboPost. 

Mais  René Angélil, agent de Dion qui deviendra son mari en 1994, voyait les choses autrement.  

Dans les années 1970, le quatuor de musiciens a pu épauler, pendant quelque temps, Céline Dion, jeune artiste canadienne en début de carrière à l’époque.

« Après quelques prestations, il a dit qu’on n’avait pas la maturité musicale requise pour  accompagner Céline jusque-là où elle comptait aller. Il nous a invités chez lui et nous a remercié » se rappelle Roro d’Haïti.

Connue à travers le monde, Céline Dion, devenue célèbre, a reçu des milliers de nominations et de nombreux prix à travers le monde.

René Angélil est mort en 2016 âgé de 73 ans.

« C’est une fierté d’avoir connu les débuts de cette grande artiste de classe mondiale » se réjouit Roro D’Haïti qui dit garder de bons souvenirs de sa courte collaboration avec l’artiste.

« Pendant des années, je suis allé aux concerts de Céline au Canada sans avoir besoin d’acheter de billets » raconte le musicien né à Port-au-Prince en 1949.

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Roro D’Haïti et ses autres camarades musiciens continuent leur périple musical dans le Nord-américain.

Ses positions et productions sur l’immigration haïtienne au Canada et la situation socio-politique troublante d’Haïti à l’époque lui ont valu une reconnaissance au côté de la communauté haïtienne dans ce pays.

Régulièrement, il est invité à se produire lors des fêtes nationales haïtiennes ou d’autres événements qui concernent la communauté. 

Sa carrière prend un tournant majeur après la chute de Jean-Claude Duvalier en 1986.

Les troubles politiques qui s’en étaient suivis étaient une source d’inquiétude dans la diaspora haïtienne de l’époque.

« Cette situation m’a poussé à produire des chansons portées sur les préoccupations des haïtiens » explique Roro d’Haïti, qui regrette par ailleurs d’avoir perdu une partie de ses archives, faute de moyens pour les conserver.

En 1991, il sort son premier album intitulé Kenbe. 

Le titre Vyòl, qui exprime ses frustrations face à la situation du pays, devient une référence sur cet opus.

D’autres rencontres et événements marquent encore les souvenirs de l’artiste. 

Dans les années 1980, il a pu jouer sur la même scène que Lucky Dube à Montréal. 

La star sud-africaine internationale du reggae sera assassinée à Johannesburg en 2007. 

« Grâce à un ami jamaïcain, j’ai pu rencontrer et dîner avec Bob Marley en 1980 dans son hôtel à Montréal » renchérit Roro d’Haïti. 

Son admiration pour l’artiste jamaïcaine du Reggae n’a pas pris une ride malgré les 40 ans passés.

« Bob Marley était un dieu à cette époque. Ce fut un jour merveilleux pour moi » déclare t-il.

Robert Nesta Marley dit Bob Marley est mort en Floride un an après.

Roro d’Haïti s’est produit sur plusieurs scènes dans plusieurs pays au monde dont les Etats-unis, le Canada, les Bahamas et le Cuba. 

En 1987, il reçoit une invitation pour jouer à la Saint Jean Baptiste. La fête nationale fête de Québec.

« C’est un événement majeur » souligne le septuagénaire à AyiboPost.

Il ancre sa production dans une certaine idée de l’identité haïtienne. Ses compositions mélangent le créole et le français.

« Quand c’est en créole, je prends toujours le temps d’expliquer au public non haitien de quoi traite la chanson avant de l’interpréter » explique Roro d’Haïti.

En 1987, il reçoit une invitation pour jouer à la Saint Jean Baptiste. La fête nationale fête de Québec

Dès 1987, à la chute de Jean-Claude Duvalier, Roro d’Haiti commence à prendre l’habitude de revenir en Haïti.

Âgé de 55 ans en 2004, il s’installe définitivement dans le pays.

« Comme pour beaucoup d’entre celles et ceux qui sont partis, il arrive un moment où ta terre natale te manque. À ce moment, tu n’as d’autres choix que de revenir » explique-t-il à AyiboPost.

Il s’est installé à Gros morne, une commune du département de l’Artibonite réputée pour sa production de mangue Francisque.  

Il s’y était déjà rendu après le passage du cyclone Hazel en 1954 – moment où sa famille avait tout perdu.

Causant de nombreux dégâts matériels et de pertes en vie humaine, le cyclone Hazel a entraîné l’arrivée des premiers envois massifs d’aides humanitaires en Haïti.

Depuis 2004, Roro d’Haïti affirme s’imprégner de la nature et l’environnement de cette ville, d’où sa mère est originaire,  qui l’adopte. 

En 2020, la Jenerasyon ZA, un collectif de jeunes qui promeut le développement culturel et artistique à Gros-morne organise une vente signature de son album Kenbe. 

« Cette initiative visait à célébrer et honorer le travail de Roro. Il a laissé un très grand héritage pour les artistes haïtiens qui font de la musique engagée aujourd’hui. Et ses chansons résonnent encore avec nos réalités »  explique Jeffsonley Altena , membre actif de Jenerasyon Za.

Photo illustrant une affiche de l’album Kembe de Roro D’Haïti sorti en 1991 lors de la vente signature à Gros Morne en 2020.  | Courtoisie : Jenerasyon ZA.

Pour les jeunes de la Jenerasyon Za, poursuit Altena, Roro d’Haïti est un « papa » et un modèle.

Depuis cinq ans, Roro d’Haïti anime « Bonjour Gros-morne », une émission radiophonique sur la radio Polprompt.

Ses activités à Gros-Morne ne se font pas sans heurts ces derniers temps. 

L’influence grandissante des  activités criminelles sous l’instigation du gang Kokorat san ras l’inquiète. 

Roro d’Haïti dans la radio Polprompt en 2023 à Gros Morne.  | Photo : Erbens Ismat

Un autre constat préoccupe Roro d’Haïti.

« La musique dite « racine » n’est plus ce qu’elle était. Dans le temps, on avait des groupes comme Boukan Ginen et Boukman eksperyans qui produisait cette musique. Mais, malheureusement, il n’y a pas de relève » se plaint l’artiste qui souhaite que la musique puisse continuer à servir de moyens pour défendre la justice sociale et dénoncer les inégalités.

Par Wethzer Piercin & Fidano Daméus

Couverture | Un portrait de l’artiste Roro d’Haïti accompagné de son album Kembe, sorti en 1991. Collage : Florentz Charles / AyiboPost – 09 février 2025

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Wethzer Piercin est passionné de journalisme et d'écriture. Il aime tout ce qui est communication numérique. Amoureux de la radio et photographe, il aime explorer les subtilités du monde qui l'entoure.

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