Il a grandi dans l’admiration pour la nature et pour tout ce qui s’y trouve. Quand il était enfant, son père lui montrait comment entretenir les animaux. Alors que d’autres enfants de son âge avaient peur des couleuvres, lui, il savait comment les attraper
La nature n’appartient pas qu’à l’espèce humaine ; les animaux y ont aussi leur place. C’est ce message que René Durocher cherche à véhiculer dans ses clichés. Avec sa caméra, le photographe explore le monde animal et invite le monde à s’émerveiller devant la nature à travers les bêtes qui habitent Haïti.
« Le monde animal est tellement merveilleux, dit-il. C’est une fascination que j’ai envie de partager. J’amène les gens à prendre conscience qu’il y a un univers de petites créatures que nous ne voyons pas parce que nous n’y prêtons pas attention. »
Cet ancien professeur de Sciences n’enseigne plus dans un établissement scolaire. Il est maintenant « professeur d’images ». « J’ai une audience beaucoup plus vaste aujourd’hui. Dans une salle de classe, il y a un nombre limité d’élèves, mais à travers les réseaux sociaux, mes photos peuvent atteindre des milliers voire des millions de gens ».
René Durocher a déjà deux ouvrages à son actif. Les oiseaux d’Haïti, un document qui montre plusieurs espèces d’oiseaux qui existent dans le pays est sorti en 2014. Un an plus tard, ses recherches sur les espèces amphibiennes et reptiliennes dans le pays paraissaient dans un autre livre titré L’herpétofaune d’Haïti.
Bien que les deux livres soient parus consécutivement, en l’espace de deux ans, Durocher assure que les travaux se sont étendus sur plusieurs années. « Je collectionne des photos. Quand le moment opportun arrive, je les compile avec des avis d’experts sous forme de livre », souligne l’homme de 58 ans.
Des réserves d’or
René Durocher a grandi dans l’admiration pour la nature et pour tout ce qui s’y trouve. Quand il était enfant, son père lui montrait comment entretenir les animaux. Alors que d’autres enfants de son âge avaient peur des couleuvres, lui, il savait comment les attraper.
Durocher a commencé à explorer la photographie très tôt aussi. Son paternel lui avait offert une caméra Pentax 35mm avec laquelle il prenait des clichés. Il travaillait dessus dans la chambre noire de son frère qui étudiait la photographie. Plus tard, avec des amis, le jeune Durocher partait dans les bois à la chasse d’images. « À l’époque, je n’étais pas axé sur un sujet en particulier. Nous photographions des femmes, des arbres, des animaux, etc. », se rappelle-t-il.
Des années après ces escapades d’enfance, René Durocher est maintenant photographe averti. Pour trouver ses sujets, il se rend parfois très loin. S’il faut grimper, les pics La selle et Makaya, traverser des sentiers battus et franchir des espaces boisés, le passionné n’y voit aucun inconvénient.
Mais ce n’est pas toujours simple. Après un long voyage, il lui arrive de ne pas pouvoir continuer son travail parce qu’il pleut par exemple. Ou encore parce que des paysans l’en empêchent, sous prétexte qu’il est venu investiguer sur une prétendue réserve d’or qu’il y aurait dans leur communauté. Mais selon le photographe, tout cela fait partie de l’aventure extraordinaire qu’il expérimente depuis plusieurs années.
Récemment, connaissant sa fascination pour les animaux, une voisine lui a fait découvrir une couleuvre qui filait dans sa cour. Il l’a prise et mise dans un verre, le temps de la photographier sous tous les angles, avant de la relâcher dans la nature. « Cette couleuvre est d’une espèce très rare, dit-il. Elle s’appelle Ialtris haetianus. Je suis le premier à photographier cet animal en Haïti. »
Les œuvres de Dieu ?
Bien qu’il ait étudié l’électricité industrielle et domestique, c’est dans l’art visuel que Durocher se fera une carrière à l’âge adulte. Il a travaillé comme graphiste, photographe et vidéographe pour de nombreuses institutions en Haïti. Cependant, ce n’est que vers les années 2004-2006, dans un projet de documentaire pour la fondation Seguin, que René Durocher fait le mariage entre la photographie et les animaux.
« Je travaillais sur un projet intitulé Parc national La Visite, un patrimoine en péril. Parmi les personnes que je devais interviewer, il y avait Jane Wynn. Cette dame m’a fait redécouvrir la nature. Quand j’ai photographié les animaux, je les voyais beaux. Ils ont des détails importants qui font penser que le créateur ne fait rien par hasard », témoigne Durocher qui dit croire en un Dieu qui est proche de la nature.
De là, le photographe a commencé à publier ses photos sur les réseaux sociaux notamment Facebook. Ses abonnés lui ont suggéré de faire un livre. C’est là que l’idée a germé. Depuis, il ne s’est jamais lassé de photographier les animaux.
Après ses deux publications, la curiosité du photographe ne s’est pas arrêtée. Actuellement, il travaille simultanément sur les volumes 2 de ses ouvrages et la production d’un texte sur les différentes espèces animales qui existent au Wynn Farm à Kenscoff.
La nature en danger
Selon Durocher, plusieurs espèces animales ont disparu dans le pays parce qu’on détruit les forêts. C’est pourquoi, en plus de la photographie, il entreprend des initiatives en vue de protéger l’environnement.
« J’ai fait des recherches sur des combustibles et une meilleure façon de cuisiner sans le charbon de bois. Puis, j’ai créé une petite compagnie appelée Eko Haïti pour promouvoir un réchaud qui fonctionne avec n’importe quel matériau combustible : bois, coton, etc. Dès qu’il est organique, il peut rassembler de la chaleur pour faire cuire la nourriture sans besoin de charbon de bois. »
Après le passage du tremblement de terre du 12 janvier 2010, Durocher a été surpris de voir le volume de sacs de charbon de bois qui débarquaient dans les camps. Il a voulu proposer le réchaud Eko Haïti pour que les gens puissent utiliser le charbon de bois le moins que possible. « J’ai fabriqué au total 3 500 à 3 700 réchauds. J’ai fait beaucoup d’efforts, mais je n’ai pas réussi à percer sur le marché. Par manque d’intérêt, j’ai ralenti la production. »
Mais il n’a pas lâché prise. Durocher s’est associé à une autre compagnie dans le domaine de l’éco-entrepreneuriat qui s’appelle Wastek S.A. « C’est une usine à l’Artibonite où l’on transforme la paille du riz en bois synthétique pouvant être utilisé en four, en guildives. Au lieu de brûler les pailles de riz à ciel ouvert, nous les transformons en briquettes de bois », explique le photographe.
René Durocher est aussi secouriste quand le besoin se fait sentir. Après le 12 janvier 2010 et le cyclone Matthew, il a déposé sa caméra, retroussé les manches de sa chemise pour aller porter son aide à l’humanité en péril.
Laura Louis
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