Les appellations disent beaucoup sur le passé des groupes
Dans le Compas, les noms de groupes portent le poids de l’histoire. Chaque époque vient avec ses pratiques et presque chaque « jazz » affiche une dénomination qui parfois fait référence à la zone de naissance de l’institution, les tendances de la période ou simplement, les fantaisies de son initiateur.
Des noms comme « Band », « Combo » ou encore « ensemble » figurent dans les appellations de beaucoup de groupes durant les années 1950 jusqu’à 1970. Ces termes indiquent le nombre de musiciens figurant dans ces groupes.
Un « ensemble » est un groupe de musiciens qui a l’habitude de jouer ensemble. Quant au terme « Combo », il désigne un petit ensemble musical. Ainsi, il est remarqué dans plusieurs noms de groupes musicaux étrangers, dont « El Gran Combo » (Porto-Rico), « Paris Combo » (France). Puis « Band » est la traduction anglaise de groupe musical. Ces termes, venant de la musique latine ou américaine, désignent généralement les groupes musicaux qui comportent plusieurs sections rythmiques.
La plupart de ces groupes ont traversé le temps, d’autres moins. Tabou Combo est fondé en 1968, Shoogar Combo et Shoupalou Combo en 1979.
Bossa Combo prend naissance le 15 août 1968, Ibo Combo en 1968 et Super Combo en 1970. Afro Combo, Juvo Combo, As Combo, Patchou Combo et Safari Combo, sont tous nés en 1973.
Plusieurs groupes ont été identifiés comme des « Ensembles ». Entre autres, l’on peut citer, Ensemble Ibo-Lélé fondé en 1963, Ensemble Riviera Hôtel en 1952, Ensemble El Rancho en 1957, Ensemble du rythme en 1957, Ensemble de Weber Sicot créé le 22 août 1960, Ensemble Pierre Blain (1960), Ensemble sublime d’Haïti fondé en novembre 1962, Ensemble Tropical (1969) et Ensemble Nemours Jean-Baptiste créé le 26 juillet 1955.
Les « Bands » n’étaient pas nombreux. Quelques noms trouvent reconnaissance, jusqu’à aujourd’hui. Entre autres, le Magnum Band de Dadou Pasquet fondé le 24 juin 1976, le System Band et le Colé Colé Band introduit en 1980.
Le règne des trios
Les groupes ayant peu de membres ont adopté des appellations circonstanciées. La musique haïtienne a ainsi vu poindre le Trio Quisqueya avec Raymond Gaspard en 1945, le Trio Orphée avec Murat Pierre en 1946, le Trio des jeunes fondé le 1er août 1943. Ce trio était devenu Quintento des jeunes puis Septeto des jeunes avant de garder le nom de Jazz des jeunes.
D’autres petits groupes viennent aussi en tête. Il y avait le Trio sentimental en 1957, le Trio Cristal fondé le 6 septembre 1957. Il est devenu Trio Select de Coupé Cloué. Il convient de mentionner que le trio Symphonia et le quatuor Septentrional se sont fusionnés pour donner naissance à l’orchestre Septentrional le 27 juillet 1948.
Certaines formations musicales portaient le nom d’orchestre. Il y avait l’orchestre Issa El Saieh formé loin avant la création du Compas, dans les années 1940. L’orchestre casino international, l’orchestre Ernst Lamy et le grand orchestre River Side d’Haïti en 1960, puis l’orchestre Raymond Sicot (frère de Weber Sicot) en 1970.
Un groupe pour chaque zone
Au cours des années 1960, un nombre important de formations musicales a pris naissance dans le compas direct. Du même coup ils ont apporté beaucoup d’innovations dans la musique inventée par Nemours Jean Baptiste. Ces groupes avaient pour nom les « Mini Jazz ».
À cette époque, une kyrielle de quartiers ou de villes avaient leur propre groupe musical.
Cette époque a donné Les Difficiles de Pétion-ville, Les Frères Dejean de Pétion-ville, Jouvenceaux de Jacmel, Tabou Combo de Pétion-ville, les Fantaisistes de Jérémie, Les Confidents de Jacmel, Les Formidables de Saint-Marc, Les Gypsies de Pétion-Ville, La Ruche de Léogâne, Les Virtuose de Saint-Marc, Les Fantaisistes de Miragoâne, Les Lionceaux des Cayes, Jazz Norma de Léogâne, Les Diables bleus du Cap, Les Asnaches de Turgeau, Panorama des Cayes, Méridional des Cayes, Les Pachas du Canapé-Vert, Les Mazora de Bel-Air et les Légendaires de Delmas.
Cinquante nuances de Jazz
Dans la musique haïtienne, le mot jazz représente un groupe musical et non le genre musical originaire du sud des États-Unis, developpé au début du 20e siècle. Beaucoup de noms de groupes comportaient le terme.
Tout a commencé avec le Jazz des jeunes qui a connu du succès pendant plusieurs décennies sur la scène musicale haïtienne.
D’autres groupes figurent dans cette liste. Il faut citer entre autres, Aster Jazz en 1946, Jazz Sena en 1958, Baby Jazz en 1965, Silibo Jazz des jeunes au début des années 1970, Doremi Jazz et Marin jazz en 1972, Sanba Jazz en 1973 et Foula Vodou Jazz en 1977.
Mon nom, mon jazz
Certains groupes portaient le nom du musicien propriétaire. Cela s’est produit durant plusieurs décennies. Issa El Saieh démarre la tendance dans les années 1940.
Presque tous les groupes de Nemours Jean-Baptiste ont porté son nom. Il en est de même pour Webert Sicot.
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Le 13 juillet 1963, le Compas a vu poindre Les frères Dejean avec André et Fred Dejan. À la même époque il y avait Les frères Laurenceau, un groupe sans une grande histoire. Dans les années 1970, Raymond Sicot a suivi les traces de son frère. Son orchestre a porté son nom.
En 1980 les mélomanes ont découvert GM Connection : G pour Gérard (Daniel), Maestro du DJET-X et M pour Mayala pour (Mario Joseph), guitariste du Skah Shah.
Des histoires mystérieuses
D’autres groupes avaient des noms dont la signification reste floue pour le grand public. En tête de liste viennent « Shleu Shleu », « Skah-Shah », « Shoogar », « Bossa », « Gypsies » et « Gemini ».
Plusieurs anciens musiciens de la plupart de ces groupes ont été contactés. La plupart d’entre eux ne pouvaient fournir aucune information sur les noms de leurs anciens groupes.
D’autres sont bien plus informés. Selon Jean Jean-Pierre, ancien percussionniste du groupe « Bossa Combo », le nom Combo vient de l’anglais et signifie combinaison ou petit orchestre. Le terme « Bossa » est puisé dans « Bossa Nova » (rythme et genre brésiliens).
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Quant à « Gemini », c’est la traduction anglaise de « gémeaux ». Il s’agit du signe astrologique de Ti Manno, fondateur de ce groupe. « Shoogar » garde la prononciation de « sucre » en anglais (Sugar). Les musiciens ont tout simplement changé l’orthographe.
« Gypsies » fut un nom anglais donné aux Tsiganes venant de l’Inde qui menait une vie de nomade en Angleterre. On les appelle aussi les « ROM », pour désigner les peuples nomades d’Europe. Le Compas a connu non seulement les « Gypsies » de Pétion-ville, mais aussi les « Gypsies » de Queens. Ce dernier groupe n’a pas fait de long feu.
De « Shleu Shleu » à « Skah-Shah »
Dada Jacaman fut propriétaire et manager du groupe « Shleu Shleu » créé en 1965. Selon ses dires, la dénomination du groupe a beaucoup à voir avec ses parties de dominos. Il répétait toujours « Shleu » quand il gagnait la partie face à ses adversaires. À la création du groupe, lui et ses confrères ont utilisé le mot qu’il a inventé, deux fois.
Le groupe Skah-Shah est composé d’anciens musiciens de « Shleu Shleu » à sa naissance en 1974. Entre temps « Shleu-Shleu » a poursuivi son petit bonhomme de chemin en Haïti et à New York. Les musiciens qui ont laissé les Shleu-Shleu voulaient avoir les deux « S » dans le nom de leur groupe surtout en faisant référence à l’expression haïtienne « Mache SS ».
Selon Réginald Delva, le mot Skah-Shah vient de « Kesh » en Persan (Iran) qui signifie chevelure et « Shah » demeure un titre honorifique dans les cultures orientales. Autrefois, Shah était considéré comme le roi de l’Iran. Arsène Appollon, Loubert Chancy et Jean Éli Telfort (Cubano) ont forgé le nom Skah-Shah afin d’avoir ainsi un mot à l’image du « Shleu ». »
C’est sinueux, certes. Mais pas hasardeux. Car chaque nom de groupe porte le poids de l’histoire.
Ce texte a été édité pour clarifier le siècle de naissance du jazz. 15.52 2.5.2021
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