Huit femmes impliquées dans la lutte pour pour l’égalité femme-homme en Haïti se rejoignent pour écrire cette note sur l’événement qui s’est produit le 18 juin au Champs de Mars. Ayibopost met à leur disposition sa tribune pour amplifier cette parole nécessaire à l’amélioration de notre société.
Nous sommes profondément blessées du scénario qui s’est produit au Champ de mars le lundi 18 juin dernier. En effet, ce qui était censé être une activité récréative, liée à la coupe du monde, s’est transformé en l’humiliation publique de citoyens et citoyennes, notamment des enfants.
Nous sommes doublement blessées du spectacle de cette fille de 9 ans contrainte à se mettre en scène de façon hypersexualisante, en échange d’un cadeau empoisonné qui ne fait pas son âge. De telles pratiques légitiment l’exploitation sexuelle des mineures ainsi que les violences faites aux femmes et aux filles. Elles participent également de l’instrumentalisation de la vulnérabilité et du corps des femmes à des fins politiciennes.
L’événement qui s’est produit au Champ de mars nous propulse au temps de la dictature des Duvalier où les autorités étatiques jetaient de l’argent par terre aux citoyens et citoyennes alors qu’aucune politique de développement et de création de richesse n’était mise en œuvre.
Nous rappelons au Président, Jovenel Moïse, qu’il est garant de la bonne marche des institutions et du respect des lois de la République. Á cet effet, il a la responsabilité de veiller à la stricte application des Conventions internationales ratifiées par Haïti lesquelles font partie intégrante de la législation nationale. Citons, notamment la Convention pour l’Élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) et celle relative aux droits de l’enfant qui consacrent les droits des femmes et des filles à vivre dans un environnement sain et libéré de toutes formes de violences.
Nous portons également à l’attention du Président Jovenel Moïse que le pays traverse une période particulièrement difficile. En effet, les données disponibles indiquent une accentuation des violences de genre et de la féminisation de la pauvreté. Nous assistons également à l’accroissement et l’exploitation systématique de messages et d’images dégradants et dévalorisants des femmes à travers les productions artistiques et culturelles, notamment la musique et la publicité.
Aussi, nous invitons le Président à assumer ses devoirs en œuvrant en faveur d’une société juste et prospère où les familles peuvent offrir des jouets à leurs enfants de façon digne et décente, où les filles ont accès à une éducation de qualité qui favorise leur pleine autonomisation.
Nous invitons le Ministère à la Condition Féminine et aux Droits des Femmes (MCFDF) à assumer sa mission en combattant, avec force et volontarisme, toutes les formes d’exploitation des femmes et des filles qu’elles émanent de hauts fonctionnaires ou de citoyens ordinaires.
Nous encourageons également le Ministère de la culture et de la communication à jouer sa partition en éliminant la propagation d’images et de messages dégradants et dévalorisants des femmes, notamment à travers les festivités de masse. Car, il est également de son devoir de promouvoir un cadre social respectueux de la dignité humaine.
Nous réitérons notre engagement en faveur de la construction d’une société juste et égalitaire.
Signataires :
Ketleine Charles, Collectif Universitaire pour la Recherche et l’Emancipation des Femmes (CUREF)
Marie Denise Senette, Rassemblement des Féministes Universitaires Haïtien-ne-s (RAFUH)
Natacha Clergé, Collectif Féminin Haïtien pour la Participation Politique des Femmes (Fanm Yo La)
Stéphanie Michel, Women For Liberty Haïti
Marie Murielle Morné, Bote Kreyol Ayiti (BKA)
Tina Nadine Anilus, Rezo Fanm Kapab DAyiti (REFKAD)
Nadège Pierre, Òganisazyon Fanm Solid Ayiti (OFASOH)
Josette Macillon, Femmes en Action Sud (FAC-SUD)
Marie Isnise Romelus, Kolektif Zabèt/Makandal pou yon lòt sosyete
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