Les dangers liés à la cybercriminalité et au cyberharcèlement, à la diffusion de fausses informations et à la violation de la vie privée sont autant de menaces qui, si elles ne sont pas correctement traitées au moyen de politiques de cybersécurité robustes et bien définies, peuvent causer des dommages considérables
Internet a ouvert de nouvelles perspectives pour Haïti, offrant des opportunités sans précédent dans les domaines de l’éducation, du commerce et des services publics.
Les Haïtiens ont désormais accès à des ressources en ligne qui leur permettent de se former, d’innover et de participer plus activement à l’économie mondiale.
Le numérique facilite également la communication, en rapprochant les diasporas, en dynamisant les entreprises locales, et en créant des opportunités d’emploi à distance.
Cette transformation pourrait grandement contribuer au développement économique et social du pays.
Cependant, l’absence de législation en Haïti pour réguler lcette dynamique suscite des inquiétudes.
Le manque de protection des données, des informations personnelles et sensibles – susceptibles d’être exploitées à des fins malveillantes – met en danger non seulement les individus, mais aussi la stabilité économique du pays.
Les dangers liés à la cybercriminalité et au cyberharcèlement, à la diffusion de fausses informations et à la violation de la vie privée sont autant de menaces qui, si elles ne sont pas correctement traitées au moyen de politiques de cybersécurité robustes et bien définies, peuvent causer des dommages considérables.
En lien avec Internet, le préfixe cyber désigne tout ce qui relève du domaine numérique et des technologies de l’information.
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En 2021, les cyberattaques ont augmenté dans le monde de 50 % par semaine par rapport à l’année précédente, selon des statistiques publiées par Check Point Research.
Ces attaques ont particulièrement ciblé les secteurs de l’éducation et de la recherche en Afrique, en Asie-Pacifique, en Amérique latine et en Europe.
Le secteur bancaire en souffre également.
Selon l’agence de notation financière Moody’s, en 2020 le nombre de cyberattaques contre les institutions financières dans le monde a triplé entre février et avril.
Ces chiffres illustrent l’ampleur de la menace à l’échelle mondiale.
Un cas de cyberattaque majeure a été enregistré en Haïti en novembre 2021.
La Banque de l’Union Haïtienne (BUH) a été victime d’un piratage de cartes, entraînant des fraudes massives sur des comptes clients.
Les hackers – des individus qui utilisent leurs compétences techniques pour infiltrer illégalement les systèmes informatiques – ont réussi à réaliser des transactions non autorisées dans des pays éloignés tels que Hong Kong et le Nigéria.
Les informations volées ont ensuite été revendues sur le Dark Web – qui est une partie de l’internet non indexée par les moteurs de recherche – accessible uniquement via des logiciels spécifiques et souvent associée à des activités illégales.
D’autres cas de fraude en ligne, de vol d’identité et d’autres délits numériques peuvent également être signalés.
La réglementation numérique peut pousser les entreprises et les institutions à assurer la protection des données de leurs clients.
Mais la législation haïtienne ne dispose à ce jour que de deux lois datant de mars 2017 qui encadrent, de manière limitée, les aspects juridiques du numérique.
La première reconnaît la validité juridique des écrits numériques et des signatures électroniques, mais son application reste restreinte, car aucun prestataire de services de certification n’a encore été autorisé par le Conseil national des télécommunications (CONATEL).
La seconde régit les échanges de données numériques dans les relations contractuelles, leur conférant une valeur juridique.
Cependant, ces textes ne couvrent pas suffisamment la protection des données ou la cybersécurité.
La gestion de ces domaines repose principalement sur le droit des contrats.
La responsabilité en cas de cyberattaque dépend souvent des clauses contractuelles, laissant généralement à l’utilisateur la responsabilité de protéger ses informations, sauf dans le cas des institutions financières, où une disposition légale adoptée le 14 mai 2012 les impose d’assurer la sécurité de leurs plateformes électroniques.
Cette lacune réglementaire pousse de plus en plus d’entreprises et d’institutions publiques haïtiennes à faire appel à des sociétés étrangères spécialisées en cybersécurité.
Ces contrats, souvent soumis à des lois étrangères, échappent ainsi à la juridiction haïtienne, même si les services sont fournis localement.
Les textes législatifs en vigueur, tels que le décret du 27 septembre 1969 créant le Conseil National de Télécommunications et les lois du 17 mars 2017, confèrent déjà au CONATEL un rôle de contrôle et de surveillance des télécommunications.
Mais ces dispositions n’étendent pas le pouvoir du CONATEL au domaine de la cybersécurité.
Cette situation souligne la nécessité urgente de légiférer pour protéger efficacement les données et renforcer la cybersécurité en Haïti.
Certains facteurs, comme le faible niveau d’éducation, peuvent aggraver les vulnérabilités face aux dangers en ligne.
Ce problème constitue une préoccupation majeure à travers le monde.
Des études menées en Afrique du Sud et en Europe, montrent que les personnes âgées et celles ayant un faible niveau d’instruction sont particulièrement exposées aux cyberfraudes.
Par exemple, une enquête menée par l’organisation Age Scotland révèle qu’en Écosse, plus de 40 % des personnes âgées ont signalé des tentatives d’escroquerie de manière récurrente, notamment des fraudes bancaires ou des vols d’identité.
Cette réalité que partage Haïti soulève des inquiétudes quant à la sécurité des informations personnelles et à l’exposition des groupes les plus fragiles.
Le cyberharcèlement, un phénomène en pleine expansion en Haïti, est également exacerbé par l’absence de législation adaptée pour protéger les victimes.
Ce fléau, qui touche particulièrement les jeunes et les personnalités publiques, se manifeste souvent par des campagnes de harcèlement en ligne, avec des conséquences dévastatrices sur la santé mentale des victimes.
Une des formes les plus destructrices de ce phénomène est le «revenge porn» où des contenus intimes sont diffusés sans le consentement des personnes concernées.
Des plateformes en ligne comme «Haitian Pie» présente sur le réseau social Télégram, comptait près de 200 000 abonnés avant sa suspension en septembre 2024.
Des individus y publiaient des dizaines de contenus intimes, exposant les victimes – principalement des femmes – à la stigmatisation et à l’humiliation.
L’usage malveillant de l’intelligence artificielle devient de plus en plus préoccupant, en particulier avec la création de «deepfakes» où les visages de victimes, souvent des femmes, sont insérés dans des vidéos intimes.
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Le Code pénal haïtien, daté de 1835, n’est pas adapté à ces nouvelles formes de criminalité.
Les lois actuelles ne couvrent pas entièrement les infractions numériques, obligeant les victimes à recourir au droit civil pour obtenir réparation.
Toutefois, même dans les cas où elles réussissent, ces réparations restent limitées, notamment lorsque les dommages sont causés via les réseaux sociaux, où il est presque impossible de supprimer complètement le contenu partagé.
En dehors des plateformes qui peuvent agir directement, le blocage d’un compte ou la suppression de contenu nécessite souvent une décision judiciaire. Cela complique encore la situation des victimes et renforce l’impunité des agresseurs.
Le Code pénal haïtien, daté de 1835, n’est pas adapté à ces nouvelles formes de criminalité.
Les impacts sur la santé mentale des victimes sont aussi préoccupants, soutient la psychologue Tim Valda, elle-même victime de harcèlement en ligne.
Contactée par AyiboPost, elle explique que la dimension numérique de ces actes en amplifie l’impact sur les victimes, qui tombent parfois dans des états de dépression profonde, voire dans des pensées suicidaires, face à l’incapacité de mettre fin au harcèlement dont elles sont victimes.
L’absence de régulation favorise la désinformation en ligne.
La propagation rapide de fausses informations – souvent amplifiée par les réseaux sociaux – peut semer la confusion, exacerber les tensions sociales et influencer de manière négative les décisions politiques et économiques, selon Godson Lubrun, président de l’Association Haïtienne des Médias en Ligne (ASHML).
« Le phénomène du direct sur les réseaux sociaux, souvent utilisés pour diffuser des informations non vérifiées, en est un exemple frappant », explique-t-il à AyiboPost.
Me Lubrun insiste sur la nécessité d’une gouvernance numérique solide pour réguler ces pratiques. Mais également sur l’importance de mener des campagnes d’éducation et de sensibilisation auprès du public, car celui-ci est à la fois consommateur et victime de ces dérives.
Le secteur culturel est également touché.
La violation des droits d’auteur et le piratage entravent l’innovation et la production culturelle. Ce qui décourage les créateurs locaux.
Par ailleurs, l’adoption des lois sur la cybersécurité ne résout rien sans leur application stricte.
Par exemple, des pays comme le Nigeria et le Kenya continuent de faire face de manière constante aux cyberattaques et aux vols de données en ligne.
Ce, malgré l’adoption de lois comme la «Cybercrime Act».
L’absence d’infrastructures nécessaires à leur application effective rend la lutte contre la cybercriminalité difficile.
Le chemin vers une gouvernance numérique efficace en Haïti est long.
Mais il est essentiel de prendre des mesures dès maintenant pour protéger la société haïtienne contre les dangers d’un internet incontrôlé.
Le développement d’un cadre juridique solide, la mise en place de mécanismes de régulation, la promotion de la cybersécurité et de l’éducation numérique sont des priorités qui ne peuvent plus être ignorées.
Image de couverture | Sources : cybercriminalite-penal & Vecteezy © Collage AyiboPost
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