A côté de l’inventivité ou du ridicule qu’ils peuvent révéler, les slogans en temps de campagne électorale sont un bon moyen de révéler les idéologies structurant la pensée des candidats que parfois, partage une bonne partie de la société.
Je me suis donc amusé à les lire, les répertorier et les analyser. La tendance qui s’est révélée majoritaire cette année (au moins pour le Sud) est le fait pour les candidats, sous des appellations différentes, de se décrire en père et mère de famille.
Dès lors, la société serait d’après la lecture qu’en ont fait ces derniers, une famille élargie avec des citoyens transformés en adolescents et des dirigeants cessant d’être sénateurs, députés ou présidents, mais de véritables « papa bon cœur ».
Cette façon de voir serait intéressante dans la mesure où la nationalité est définie par la doctrine française et allemande respectivement comme la volonté de vivre ensemble et le partage d’une culture, langue, ethnie etc. De ce fait, il semblerait bien que la société suppose au moins une inclinaison pour l’autre et la réunion de quelques éléments communs pour renforcer les liens. C’est aussi là toute la base de la famille. D’ailleurs, n’est-ce pas la première constitution du pays, celle de 1805, qui proclame le chef de l’État comme un père de famille ?
Néanmoins, à mon sens, adhérer à ce paradigme serait aller vite en besogne. Il ne faut pas perdre de vue que la société dans sa globalité et la famille restreinte ne reposent pas sur les mêmes règles et ne sont pas régies exactement par les mêmes principes.
Quelques éléments et leurs conséquences.
La vie privée n’est pas la vie publique. Les confondre c’est aller au- devant de graves périls. Dans la famille, le père et la mère ne sont pas les égaux de leurs enfants. Ces derniers sont considérés et traités comme non mâtures. Conséquemment, leurs destins, du moins avant leurs émancipations, sont orientés, décidés par le chef de famille par rapport à ce qu’il « estime » bon et bien pour ses enfants. Un « citoyen enfant » n’est donc pas un adulte.
La répartition de la justice familiale n’obéit pas aux mêmes exigences que celle de la justice républicaine. Le papa ou la maman aime, déteste et châtie ses enfants selon son bon vouloir. Indépendamment de la faute, suivant que vous soyez le fils chéri ou le pestiféré, vous serez cajolé ou sévèrement puni.
Cette façon de voir peut expliquer la vassalisation du pouvoir judiciaire par nos politiciens. La tentation de distribuer la justice comme un parent distribue bon ou mauvais point congédie l’équité, le respect de la loi et l’indépendance de l’institution ; l’humeur et les caprices du chef substituant ainsi la règle de droit.
En plus, infantiliser les citoyens c’est leur nier tout droit de revendiquer, contester, dénoncer et participer à la vie publique sous peine d’être sévèrement réprimandé pour trouble à l’ordre de la « famille ». Je vous laisse alors imaginer les situations où ces individus se prendraient pour « Papa Bon Dieu ».
Tout compte fait, le mal prenant racine dans les plaies bénignes, glisser sémantiquement de la condition de gouvernant à celui de « papa bon cœur, d’État républicain et démocratique à un État familial, c’est semer subtilement les graines de la tyrannie et du totalitarisme, sources de grand maux présents et passés.
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