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Opinion | Anacaona : Mémoire autochtone, identité créole

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« Un manifeste contre l’oubli »

C’est une immersion d’un peu plus d’une heure dans l’univers des premiers habitants de l’île autrefois appelée Quisqueya, Ayiti ou Bohio.

Plusieurs médiums et disciplines se croisent autour d’un récit historique, pour retracer le 25 octobre 2025, à la cinquième salle de la Place des Arts, à Montréal, les millénaires paisibles des Taïnos, Caraïbes et Ciboneys, en passant par la rencontre brutale avec les envahisseurs, jusqu’à l’arrivée des premiers Africains. Un choc historique aux conséquences encore palpables.  

Sur un grand écran, on découvre la symbiose de ces ancêtres avec la nature, les caractéristiques d’une civilisation aux contours d’une antiquité classique solaire.

Les acteurs, entre poèmes épiques et jeu théâtral, ressuscitent le temps de l’œuvre ces archétypes de notre Totem, si souvent occultés dans nos discours identitaires, trop souvent absents dans notre quête d’assumation de nos origines.

Anacaona, l’héroïne éponyme de la pièce, est restituée avec une fidélité remarquable, tant par son sens d’hospitalité que par les traits de son caractère magnanime. Il en va de même pour Ovando et pour chaque personnage incarné sur scène.

La musique, elle aussi, a eu droit de cité grâce à Rebecca Jean, qui a repris des classiques, dont le fameux « Mapou » de Jean-Claude Martineau. Oktetecho, formation musicale, elle-même issue d’un métissage assumé, a revisité les airs de Dickens Princivil.

Quant à la danse, elle a été confiée à la troupe Ekspresyon, qui a su ajouter son souffle à cette fresque vivante.

Résolument engagée, l’œuvre Anacaona semble, à travers une fresque vivante, nous rappeler que les premiers peuples sont trop souvent oubliés à tort. Certes, l’ancrage à l’Afrique est fondamental, mais il ne saurait effacer le lien avec nos prédécesseurs sur cette terre que nous habitons, lien tout aussi essentiel. Il n’est pas question de rompre cette continuité.

Aujourd’hui, le Vodou haïtien et la langue créole demeurent parmi les rares espaces où cet attachement est encore préservé. Mais il est urgent, dès cette génération, de semer pour la postérité les graines d’une identité plurielle, qui tient compte de toutes ses strates.

Cette œuvre prend d’autant plus de sens qu’elle émerge dans un contexte diasporique, où on pourrait douter de son authenticité. Anacaona s’inscrit dans le cadre du Projet Zantray 2025, qui vise notamment à valoriser les cultures afrodescendantes et caribéennes.

Des représentations devant un  « public jeune » sont vivement recommandées, tant cette pièce est riche d’enseignements et puissante dans son potentiel d’éveil, surtout pour une âme en quête de sens, au sein d’une fabrique collective de l’être.

À vous autres, anthropologues, sociologues, archéologues, chercheurs de tous horizons : le devoir de mémoire envers les indigènes est une obligation. Il y a du chantier au-delà de l’afrocentrisme.

Par : Louise Carmel Bijoux

Couverture : Anacaona, femme indigène armée d’un arc, visant des Espagnols sur un champ de bataille, période coloniale, île d’Hispaniola, 1492. Image : Freepik

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