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Lyonel Trouillot | Police : des moyens pour éviter l’arbitraire

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Et la police nationale d’Haïti est un foyer de contradictions qui illustre celles qui traversent le pays

D’abord, saluer les efforts des policiers honnêtes qui luttent, parfois jusqu’au sacrifice, contre la criminalité.

Entendre la tristesse et le respect à l’occasion de la mort d’un jeune homme que tous semblent considérer comme un héros.

Mais une balle perdue qui atteint une enfant à la tête…

Des exactions de plus en plus nombreuses commises par des agents de la police nationale : exécution de blessés sortis de force d’une ambulance ou d’un lit d’hôpital… Comme si, même pour les policiers, pour certains d’entre eux, la violence aveugle est la seule vérité pratique.

On dira qu’ils sont énervés, éreintés, qu’ils luttent contre les bandits sans le support que l’État devrait leur donner, qu’ils travaillent dans des conditions difficiles pour des salaires trop maigres.

Comme si, même pour les policiers, pour certains d’entre eux, la violence aveugle est la seule vérité pratique.

Que, eux aussi, comme le reste de la population, sont fatigués de voir des gens se pavaner, profiter alors que tout se dégrade et que cela crée chez eux des frustrations qui se matérialisent parfois dans une fureur assassine.

On dira encore que tous ne sont pas des bandits en uniforme. Qu’il y a une majorité honnête et qui voudrait faire proprement son travail.

Protéger et servir, comme c’est écrit dans leur feuille de route.

Tout cela est vrai. Et la police nationale d’Haïti est un foyer de contradictions qui illustre celles qui traversent le pays.

Protéger et servir ? Quel est l’usage le plus constant fait de cette police depuis l’arrivée au pouvoir du PHTK jusqu’à aujourd’hui ?

Dès qu’il y a une manifestation de la part d’un secteur de la population, un moindre regroupement sur une base revendicative, la police nationale est omniprésente.

Lacrymogènes et balles réelles. Les ordres semblent stricts : réprimer de n’importe quelle façon toute manifestation. Alors, osons poser la question au Conseil presidentiel de transition, au premier ministre, aux ministres de l’Intérieur, de la Justice et de la Défense, au Directeur général de la PNH : le peuple a-t-il oui ou non le droit de manifester, et la première mission de la police est-elle de l’en empêcher ?

Protéger et servir ? Quel est l’usage le plus constant fait de cette police depuis l’arrivée au pouvoir du PHTK jusqu’à aujourd’hui ?

Il ne manque jamais de policiers pour réprimer les manifestations pacifiques. Mais il en manque cruellement pour d’autres tâches. Ce manque, nous en souffrons, les policiers eux-mêmes en souffrent. Ils en meurent. L’arbitraire ne les sauvera pas de la mort.

Les exactions commises par les agents de la PNH peuvent vite prendre, elles aussi, des allures de fléau. On dira qu’elles sont nettement moins importantes en volume que le mal créé par les gangs que cette police combat comme elle peut.

C’est sans doute vrai. Il demeure que le manque d’appui, de leadership fait que ces exactions restent impunies et risquent de se transformer en normes.

Comme on n’aide pas la police à faire son travail, que ses membres sont souvent en danger, on permet et tolère des actes illégaux, inacceptables.

Et ces violences policières sont exercées en majorité sur les citoyens les plus démunis, les piétons, les usagers du transport public, les chômeurs et les petits commerçants.

Et, « en haut », face à cela, l’indifférence et le silence. (Le quartier de Solino pleure la mort d’un policier héroïque, mais il y a aussi dans d’autres quartiers des policiers dont la population a peur.)

Les exactions commises par les agents de la PNH peuvent vite prendre, elles aussi, des allures de fléau.

Exactement comme on avait fait montre d’indifférence face à la montée de la violence des gangs en se disant : tant que c’est pas à moi que cela arrive.

Mais un jour cette violence aussi risque de frapper à toutes les portes.

Je sais que ce texte va déplaire à ceux qui se disent que dans le contexte actuel, dénoncer cela n’est pas une priorité. Mais respecter la police, ce n’est pas encourager le n’importe quoi. C’est lui donner les moyens de bien faire son travail.

À mes yeux, la seule attitude citoyenne et démocratique, c’est de louer les efforts parfois isolés d’agents de la police dans la lutte contre les gangs, d’insister auprès de la sinécure CPT et du gouvernement que des moyens financiers et matériels soient mis au service de l’institution policière, et auprès de la direction de la police et des instances de tutelle pour freiner cette dérive vers l’arbitraire que la lutte contre les gangs ne peut justifier.

C’est le meilleur hommage qu’on puisse rendre aux policiers honnêtes et courageux morts dans l’exercice de leur dur métier.

Par 

Image de couverture | Académie de Police de Port au Prince, 19 septembre 2018. Cérémonie de graduation des aspirants-policiers de la 29ème promotion de la Police Nationale d’Haïti (PNH) baptisée « Renaissance ». 

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Poète, romancier, critique littéraire et scénariste, Lyonel Trouillot a étudié le droit.

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