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Lyonel Trouillot | Bonjour, adieu Kenya

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Les forces étrangères, nous n’avons pas choisi ceux qui les font venir. Mais nous avons le pouvoir, et sans doute le devoir de choisir ceux qui les feront partir

On sait déjà de quoi tous ceux qui ont fricoté avec le PHTK, ses fondateurs, ses avatars, sont capables. Les voilà représentés au sein d’un Conseil présidentiel. L’international les a imposés, les autres ont consenti à l’imposition ou décidé de faire avec.

Il est assez intrigant que le premier acte politique posé par le Conseil présidentiel, avant même de statuer sur son mode de fonctionnement, avant même de choisir un Premier ministre et un gouvernement, ait été d’écrire au président du Kenya (décidément, rarement chef d’État étranger aura reçu autant de courrier de la part des Haïtiens) pour lui demander d’activer l’envoi de ses troupes.

Obéissance à l’international ? Lui montrer qu’on est bons élèves, serviteurs dociles ? Ruser avec le maître : obéir à son injonction en s’assurant qu’on exercera le contrôle sur la suite ? Rien n’est clair. Cette lettre, par respect pour les citoyens haïtiens, aurait dû être précédée d’une adresse aux Haïtiens, expliquant pourquoi d’un point de vue haïtien l’envoi de ces troupes est nécessaire, et surtout comment le Conseil exercera son autorité sur les actions de cette mission. Mais voilà déjà un point sur lequel le Conseil est semblable aux dirigeants politiques de ces dernières années : les Haïtiens sont les derniers auxquels ils ressentent le besoin de parler, et seulement lorsque la violence des événements l’impose. C’est la première victoire des orthodoxes et dissidents du PHTK au sein du Conseil, les Haïtiens, on n’a rien à leur dire.

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Ces orthodoxes et dissidents, un jour ennemis, un jour complices, le pouvoir, le pouvoir, on connaît l’usage qu’ils en ont fait. On a payé de nos poches et de notre sang leur incompétence et leur enrichissement. Mais Lavalas, Pitit Desalin et le Montana jouent gros. Que l’on aime ou n’aime pas ces formations, malgré le sectarisme messianique de Lavalas, l’exclusivisme de Lavalas, les outrances et virevoltes de Pitit Desalin, la droitisation accélérée et l’amollissement du Montana, ces structures bénéficient encore d’une relative crédibilité auprès de différents secteurs de la société. Quoi qu’on pense d’elles, c’est leur présence et celles de secteurs flous plus ou moins neutres qui donnent une once de crédibilité à ce Conseil.

Dans l’éventualité où ces forces venant avec un lourd matériel antiémeute (on se demande bien pourquoi) serviraient de forces répressives contre les revendications populaires qui ne manqueront pas de s’exprimer, ces structures perdraient tout. Dans l’éventualité où elles seraient incapables d’amener leurs anciens ennemis désormais partenaires à répondre aux urgences, elles perdraient tout. De nombreux citoyens qui prônent la naissance d’une nouvelle « classe politique » avec de « nouvelles figures » le souhaitent. Mais ce coup-là aussi, on nous l’a déjà fait, la nébuleuse PHTK est peuplée de « nouvelles figures ».

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Pour nous, citoyens haïtiens, face à la venue de ces troupes appelées par ce Conseil qui oublie de nous parler, il ne reste que deux choses à faire. Faire entendre nos voix, exercer la pression sur le Conseil pour tirer quelque bien du pire que va constituer cette présence étrangère armée. Dénoncer haut et fort tout usage répressif qu’on pourrait en faire contre la population. La deuxième chose sera d’être attentif aux propositions politiques qui viendront avant les élections. Réserver nos voix à celles et uniquement à celles qui iront dans le sens du recouvrement le plus rapide de notre souveraineté. Les forces étrangères, nous n’avons pas choisi ceux qui les font venir. Mais nous avons le pouvoir, et sans doute le devoir de choisir ceux qui les feront partir.

Par Lyonel Trouillot

Image de couverture éditée par AyiboPost montrant les membres actuels du conseil présidentiel et quelques policiers du Kenya.


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Poète, romancier, critique littéraire et scénariste, Lyonel Trouillot a étudié le droit.

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