SOCIÉTÉ

L’histoire méconnue d’Antoine Rodolphe Hérard, père du rappeur Master Dji

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Animateur de radio, Antoine Rodolphe Hérard a joué un rôle clé dans la campagne électorale de François Duvalier en diffusant des émissions dédiées à la promotion du programme politique du candidat

Personnalité politique controversée et animateur de radio très populaire dans les années 1950, Antoine Rodolphe Hérard — père du célèbre rappeur Master Dji — reste un grand mystère.

Antoine Rodolphe Hérard prend naissance au début des années 1900. Il était animateur vedette puis propriétaire de l’une des premières radios créées en Haïti : la radio HH2S, inaugurée le 9 juillet 1935. La station prendra le nom de Radio Port-au-Prince en 1948.

«C’était l’une des premières radios les plus populaires en Haïti», raconte Jacklin Jean Paul, chercheur en histoire des médias. «Antoine était une véritable star. Il était adulé du grand public», poursuit Jean Paul.

C’est au sein de cette station que Georges Lys Hérard (Master Dji) a débuté sa carrière.

Nombreuses personnalités publiques ont fait leurs premières armes à Radio Port-au-Prince. L’ancien journaliste de la radio et leader du groupe Médialternatif, Gotson Pierre, dénombre «Gary Victor, Louis-Philippe Dalembert, Smoye Noisy, Fritz Deshommes, Choiseul Henriquez, Frédéric Surpris ou Christophe Charles». C’est aussi au sein de cette station que Georges Lys Hérard (Master Dji) a débuté sa carrière.

Il n’était pas permis de diffuser les nouvelles nationales sous la dictature des Duvalier. La Radio Port-au-Prince a été l’une des premières stations à s’intéresser aux nouvelles de l’Amérique latine et de la Caraïbe.

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Antoine Hérard quitte l’administration de la radio vers les années 1960. À l’époque, la station était «une référence», selon Gotson Pierre, ancien journaliste à Radio Port-au-Prince dès 1983. «Sa programmation riche et diversifiée comprenait la poésie, la musique classique et le théâtre. C’était pour les citoyens le lieu unique pour se réinventer durant la dictature», ajoute Gotson Pierre.

Il n’était pas permis de diffuser les nouvelles nationales sous la dictature des Duvalier.

Hérard avait offert ses services à de nombreux médias de la presse écrite, comme Le Nouvelliste dans les années 1930, le journal «Froufrou» dont il est le fondateur dans les années 1940, le journal «Le Nouveau Monde» ou le journal «L’Union», indique Jacklin Jean Paul.

Hérard figure également parmi les premiers Haïtiens à réaliser des comptes-rendus de match de football à la radio, dès les années 1930 et au début des années 1940. «En 1950, il devient président de la Fédération haïtienne de Football», souligne Jacklin Jean Paul.

Il obtient l’accès au Stade Sylvio Cator pour loger Radio Port-au-Prince, dont le local a été mis à sac le 24 mai 1957 lors d’une guerre intestine au sein de l’armée d’Haïti. Déjà en juillet 1953, sa station avait été mise en cendres.

Hérard figure également parmi les premiers Haïtiens à réaliser des comptes-rendus de match de football à la radio.

Antoine Hérard était aussi un homme engagé politiquement et socialement. «Il était un fervent militant qui dénonçait le schéma social et politique d’alors ainsi que les discriminations fondées sur la couleur de peau», explique Gotson Pierre.

En réalité, Hérard Antoine faisait la promotion d’une «bourgeoisie noire issue de la classe moyenne». C’est aussi une idéologie chère à François Duvalier, rajoute Gotson Pierre.

L’homme de micro appuiera François Duvalier lors de la campagne électorale de 1957. Il diffusera des émissions dédiées à la promotion du programme politique du candidat, d’après Jacklin Jean Paul.

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L’intrusion d’Antoine dans la politique ne s’arrêtera pas là. Il deviendra maire et député de Léogâne, sa ville natale. En 1963, il sera nommé directeur de l’Office du Tourisme à Chicago.

Huit ans plus tard, il fera partie du Parlement qui a élu Jean Claude Duvalier président à vie. De 1969 à 1986, il occupe la fonction de conseiller spécial du gouvernement.

Interrogé par AyiboPost, le journaliste Fritz Valesco, ancien journaliste et collaborateur d’Antoine à Radio Port-au-Prince depuis 1974, considère Antoine Hérard comme un duvaliériste modéré.

L’homme de micro appuiera François Duvalier lors de la campagne électorale de 1957. Il diffusera des émissions dédiées à la promotion du programme politique du candidat.

Antoine avait étudié le droit à l’École de Droit de Port-au-Prince, devenue Faculté de droit et des Sciences économiques (FDSE).

Cependant, «il n’a jamais exercé comme juriste ou avocat», d’après Jacklin Jean Paul. Néanmoins, il a débuté comme invité à la Radio HH2S, vers la 2e moitié des années 1930. «Il était souvent sollicité pour analyser l’actualité politique», rajoute Jacklin Jean Paul.

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Les violences populaires enregistrées à la chute des Duvalier ont «dévasté» Antoine Hérard. À part sa maison, des attaques ont aussi visé sa radio. «Il s’est éteint en 1989 ou en 1990. Son inhumation a eu lieu au cimetière de Port-au-Prince. Il était déjà avancé en âge. On savait qu’il était malade, mais personne ne sait vraiment de quoi il est mort », déclare Fritz Valesco.

21 mai 2023 marquera le 29e anniversaire de la mort de Master Dji, considéré comme le père du rap haïtien. Si certains songent à lui rendre hommage, il en est autrement à l’égard de son père. Fritz Valesco pense savoir pourquoi : «Antoine avait une souillure : il était duvaliériste».

Par Abimaël-Romilus Sévère


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Abimaël-Romilus Sévère est formé en journalisme et en psychologie. Il s'intéresse à la culture et l'histoire de son pays, le journalisme numérique, la technologie, les neurosciences et les droits humains.

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