SOCIÉTÉ

Les violences sexuelles inquiètent dans l’Artibonite

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Des cas d’incestes et une augmentation des abus sexuels contre les personnes déplacées sont recensés par un organisme de défenses des droits humains sur place

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Quand c’est arrivé, l’étudiante allait visiter des membres de sa famille.

La vendeuse de vêtements se rendait au marché.

Ces deux femmes ont respectivement été interceptées par les membres de gangs dans l’Artibonite.

Les organisations locales sont débordées par ces cas.

« Je travaille depuis 2006 [aux Gonaïves, chef-lieu du département de l’Artibonite] et je n’ai jamais vu une situation pareille », déclare à AyiboPost Louisette Vertilus, responsable de la Plateforme des femmes organisées pour le développement de l’Artibonite (PLAFODA).

Entre avril et juin 2024, la PLAFODA recense 43 cas d’agressions sexuelles, pour Gros-Morne, L’Estère, Ennery et Gonaïves.

Je travaille depuis 2006 [aux Gonaïves, chef-lieu du département de l’Artibonite] et je n’ai jamais vu une situation pareille.

Louisette Vertilus

Les gangs, dont Gran Grif de la Petite-Rivière de l’Artibonite, portent formellement la responsabilité de plusieurs de ces agressions.

L’organisme de défense des droits humains a enregistré des cas d’incestes et une augmentation des abus sexuels contre les personnes déplacées dans le département.

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En mai, l’association avait assisté une adolescente abusée sexuellement chez un de ses proches à Port-au-Prince.

De retour à Gros-Morne, près de quatre membres du gang de Ti Bwadòm l’interceptent et l’agressent collectivement.

« Elle commence à nourrir des idées suicidaires », alerte Vertilus de la PLAFODA.

*

À 36 ans, la marchande, également mère de famille, habite Saint-Michel.

Elle se rend régulièrement à Ouanaminthe et à Saint-Marc pour acheter des vêtements.

Dans l’après-midi du 27 décembre 2023, des membres du gang Gran Grif de Savien kidnappent la camionnette dans laquelle elle se trouvait avec les marchandises sur la Route nationale #1.

Le chauffeur résistait. Il a été criblé de balles.

La mère de quatre enfants passera deux semaines en captivité.

Affamée, elle rapporte avoir été « frappée à la tête » et « brûlée avec de la cire de plastique ».

Un des bandits l’abusent sexuellement pendant treize jours.

La rançon exigée épuise ses économies.

Sa santé en prend un coup, dit-elle lors d’une rencontre avec AyiboPost au bureau régional de l’organisation féministe Solidarité fanm ayisyèn (Sofa), dans la commune de Saint-Michel de l’Attalaye.

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En janvier 2024, cette même femme se rendait à un rendez-vous médical à Mirebalais lorsqu’elle s’est retrouvée au milieu d’un affrontement entre des gangs et des membres de la population à Morne-à-Cabrit.

Elle reçoit « un coup de pierre au genou », ce qui l’a paralysée.

« J’ai failli mourir », dit-elle.

Aujourd’hui, l’ancienne commerçante vit grâce à la générosité des membres de sa famille. Ces derniers l’aident à nourrir ses enfants.

Un cinquantenaire, mère de cinq enfants, séquestrée avec elle, est morte en janvier 2024 après sa libération.

« On doit accepter ce qu’on ne peut pas affronter », se résigne-t-elle dans un long soupir.

*

En mai 2024, l’organisation des Nations Unies a relevé une « augmentation alarmante » des violences basées sur le genre dans l’Artibonite.

Un cas particulièrement violent, suivi du suicide de la victime l’année précédente, avait été enregistré. La jeune femme avait 22 ans.

Le corps des femmes sert de champ de bataille aux gangs depuis des années dans le département de l’Artibonite.

Entre avril et juin 2024, la PLAFODA recense 43 agressions sexuelles, pour Gros-Morne, L’Estère, Ennery et Gonaïves.

En novembre 2022, des gangsters de Kokorat San Ras kidnappent 73 personnes – dont treize femmes – à bord d’un minibus dans la localité de Ti Bwadòm à Gros-Morne.

Treize des personnes kidnappées étaient des femmes. Elles ont toutes été abusées pendant plusieurs semaines.

En mai 2023, les membres du gang Gran Grif attaquent six véhicules de transport sur la Route Nationale #1.

Ils en profitent pour violenter quinze femmes en présence des autres passagers, aux abords de la route.

Ce gang est aussi responsable d’épisodes d’agressions sexuelles collectives sur des enfants à Liancourt le 4 août 2023.

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Parfois, les victimes sont séquestrées pendant plusieurs jours.

C’est l’expérience de cette étudiante en laboratoire médical de 28 ans.

Elle se rendait à Bassin-Bleu pour visiter ses parents quand la voiture dans laquelle elle se trouvait a été interceptée à Gros-Morne par des bandits encagoulés, munis d’armes de guerre.

La jeune femme et les autres passagers passeront trois jours en captivité en plein air, au milieu d’herbes séchées – sans eau potable et sans nourriture.

Un des cinq gardes abuse d’elle dès la première soirée. « Chaque fois que je pense à ce moment, j’ai envie de mourir », exprime la jeune femme à AyiboPost.

Elle, ainsi que l’autre dame citée dans cet article, demandent l’anonymat pour des raisons de vie privée.

Par Jérôme Wendy Norestyl

Image de couverture : une femme victime de viol à Gressier témoigne lors d’une entrevue avec AyiboPost en juillet 2024.


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Journaliste-rédacteur à AyiboPost, Jérôme Wendy Norestyl fait des études en linguistique. Il est fasciné par l’univers multimédia, la photographie et le journalisme.

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