Deux ans après le passage du cyclone dévastateur, Matthew, le département du Sud se bat contre un nouveau phénomène naturel. La sécheresse qui s’abat depuis plusieurs mois sur la région a anéanti l’espoir des paysans qui misaient comme chaque année sur les récoltes.
Un paysage aride et désolant. Des plantations défraîchies bordent les deux côtés de la route qui mène à Maniche. Tout paraît calme malgré le soleil qui plombe la petite commune. Ulysse Julbert vient à notre rencontre puis nous propose de faire un tour dans sa bananeraie. « Tout est perdu », lance l’homme, le visage anéanti. Il a planté ces bananes depuis un an et demi et espérait en tirer profit comme avant. Mais, après avoir péniblement sauvé les récoltes en 2018, Ulysse et les autres paysans espéraient voir une saison pluvieuse abondante cette année. « La pluie est tombée au mois d’avril avec de très faibles précipitations », poursuit-il.
Premier membre du Conseil administratif de la section communale de Maniche, Ulysse Julbert croit dûment que « les conséquences du réchauffement climatique frappent la région du Sud de plein fouet. En plus des causes générales dues aux gaz à effet de serre, la situation économique des habitants les force à couper les arbres pour la production de charbon de bois ». À Maniche, le commerce du charbon est une alternative judicieuse pour les paysans, d’après les propos d’Ulysse soutenu par son camarade Alcilius Jean Bellot.
À quelques mètres plus loin, c’est Enock Josué qui pointe sa plantation desséchée de maïs, de haricots, de pois congo et de petit mil. « Cela fait une semaine que j’ai décidé de donner tout au bétail », martèle le cultivateur. La situation de Manita Petit-Homme n’est pas différente. « Depuis le passage du cyclone Allen, la nature se dégrade progressivement », constate la femme de 63 ans. Pour elle, c’est la fin du monde qui se dessine.
L’agriculture et l’élevage sont les principales sources de revenus des habitants de Maniche. Cette sécheresse empêchant les récoltes complique davantage leur précarité. Manita, par exemple, n’a pas fini de payer la scolarité de ses enfants. « Je récoltais au moins 400 marmites de maïs tous les ans pour les revendre. Je m’inquiète de mon avenir et de celui de mes enfants », affirme-t-elle.
À 100 mètres de la bananeraie d’Ulysse longe un canal d’une ancienne industrie sucrière. Le débit est lent, mais coule assez pour arroser les plantations situées à proximité. Les paysans sont prêts à se mettre à l’œuvre, ils manquent de matériaux. Ulysse Julbert affirme qu’il a déjà soumis « 18 petits projets aux ministères de l’Agriculture, de l’Intérieur et de la Planification qui n’ont pas réagi aux demandes ». Fatigué, il ne souhaite plus contacter les autorités du pouvoir central à propos de Maniche puisque, selon lui, « tous défendent leurs intérêts personnels ».
Les arbres fruitiers menacés
À Cherette, petite localité de Saint-Louis du Sud, Mesner Gourdet nous accueille au milieu de son jardin agro forestier. Depuis deux ans, il pratique ce modèle d’agriculture comme alternative au changement climatique. Toujours attaché au modèle « traditionnel », Mesner n’a pas pu sauver sa culture de maïs, de pois et de petit mil. Attendu pendant tout le début de l’année, la pluie est finalement tombée au mois de juillet
« En plus, des cultures de maïs, de petit mil et pois, les arbres fruitiers sont très menacés. Les fruits tombent prématurément des arbres », confie Mesner. Le cocotier, l’arbre véritable et le manguier sont les principaux arbres fruitiers menacés par ce phénomène. Pire, aucun cours d’eau ne se trouve à proximité de la communauté de Cherette. « Ici, nous avons toujours pratiqué une agriculture de Bondye bon », avoue Josué Milhomme. Pour lui, seul le modèle d’agriculture agro forestier peut aider à combattre la sécheresse. « Mais, il faut un minimum d’acquis et de formation pour mener à terme le processus », toujours selon Josué Milhomme.
Le cas d’Aquin
Cela fait au moins 8 mois que les habitants de Méran attendent la pluie. Les faibles gouttes qui sont tombées au mois d’avril n’ont pas suffi à arroser les plantations et redonner l’espoir aux cultivateurs. Assis devant sa maison, Joseph Castor, technicien agricole et de médecine vétérinaire, explique que c’est l’une des rares années où le sel se cristallise encore au mois de juillet au niveau de la mer qui borde la commune. « Nous avons connu cela en 1957, en 1975, en 1995, puis en 2018 et 2019 », cite l’homme qui vient de perdre sa plantation étalée sur plus d’un carreau de terre.
Pour lui, la topographie de la commune empêche toute canalisation étant donné qu’il n’y a aucune rivière située à proximité. « Les rives les plus proches se trouvent à Vieux Bourg et à Trémé qui sont à plus d’un kilomètre et demi d’Aquin. En plus d’être loin, leurs débits sont trop faibles pour un captage », explique le technicien. Il est impossible de creuser des puits afin d’éviter de perforer la nappe phréatique, toujours selon Joseph Castor.
À Méran, même l’herbe pour nourrir le bétail se fait rare. Les cultivateurs sont obligés de se diriger vers des paysans d’autres communes pour en acquérir. «Plusieurs de nos animaux ont déjà trépassé. Rien n’est plus comme avant. Nous nous approchons vers l’inconnu », déclare Doxan Wilner, un paysan de la commune.
Hadson Albert
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