POLITIQUE

Les mystérieux «amis haïtiens» de Pras Michel dans un scandale de détournement de fonds

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Michel a témoigné qu’il avait utilisé 800 000 dollars pour rembourser des hommes qu’il appelait «mes amis haïtiens»

Le mois dernier, un jury a reconnu Prakazrel «Pras» Michel coupable dans un procès de fraude et de trafic d’influence portant sur des millions de dollars. Il risque jusqu’à vingt ans de prison.

Michel, l’ancienne star des Fugees, est accusé d’avoir détourné plus de vingt millions de dollars de Jho Low, un homme d’affaires malaisien au centre du scandale 1MDB, et d’avoir utilisé des «prête-noms» illégaux pour faire transiter cet argent vers la campagne de réélection de Barack Obama en 2012.

Pour tous les détails sordides de l’affaire et les antécédents de l’implication de Pras, cet article de Bloomberg est parfait. Mais il ne s’agit pas seulement d’une histoire de fugitifs milliardaires, de présidents américains et de stars hollywoodiennes ; c’est aussi une histoire en lien direct avec Haïti.

Dan Friedman, qui couvre le procès pour Mother Jones, a rapporté l’apparition de Michel devant le tribunal le mois dernier (merci à Haitian Times) :

Michel a témoigné qu’il avait utilisé 800 000 dollars pour rembourser des hommes qu’il appelait «mes amis haïtiens» pour des dons de 40 000 dollars qu’ils avaient versés pour participer à une collecte de fonds en juin 2012 à Miami, coorganisée par le chanteur Marc Anthony, et une autre en septembre chez White. Michel a déclaré qu’il avait dépensé le reste des vingt millions de dollars «à ma discrétion».

Alors, qui sont les «amis haïtiens» de Pras Michel ?

Un indice est apparu le premier jour du procès, lorsque le gouvernement a appelé à la barre Randall Toussaint, le président et cofondateur de Panexus S.A., une entreprise de construction haïtienne. On a pas vu de compte rendu public de son témoignage, mais les dons de campagne sont dans le domaine publique. Le 13 août 2012, Toussaint a fait un don de 40 000 dollars au Obama Victory Fund.

Un indice est apparu le premier jour du procès, lorsque le gouvernement a appelé à la barre Randall Toussaint, le président et cofondateur de Panexus S.A., une entreprise de construction haïtienne.

Panexus, qui existe depuis seulement 2009, a connu un essor après le séisme de 2010 en Haïti. En quelques années seulement, elle remporte certains des plus grands et des plus prestigieux projets de reconstruction du pays, tels que la réhabilitation de l’aéroport de Port-au-Prince.

L’argent affluait également de donateurs, y compris des États-Unis.

En 2013, Panexus a reçu un contrat de dix-sept millions de dollars du département d’État pour la construction de deux prisons en Haïti. La société se vante d’être «la première entreprise haïtienne à avoir remporté un contrat important du département d’État américain et à avoir obtenu un financement de l’Overseas Private Investment Corporation (OPIC)».

L’autre cofondateur de Panexus avec Toussaint est Gilbert Hippolyte. Le 28 juin 2012, Hippolyte a également fait un don de 40 000 dollars à Obama Victory Fund. Quelques mois auparavant, dans une interview accordée à un journal local, Hippolyte avait déclaré que ses deux leaders politiques préférés étaient le président haïtien Michel Martelly et le président américain Barack Obama.

Lire aussi : Le roi Charles III était impliqué dans la reconstruction ratée de Port-au-Prince

Cependant, Panexus n’est pas la seule entreprise dans laquelle Toussaint et Hippolyte sont impliqués. Selon des documents d’entreprise obtenus par HRRW dans le cadre d’une enquête, ils sont également copropriétaires de Paret Petroleum. En 2012, la société a obtenu des permis d’exploration pour plusieurs blocs pétroliers en Haïti sous l’administration de Martelly.

Paret Petroleum est une coentreprise avec Caribbean General Trading, une société basée en Floride dirigée par un influent Haïtiano-Américain, Rudy Moïse, qui s’est porté candidat sans succès au Congrès américain en 2010 et 2012. Moïse a fait campagne en faveur de Martelly, et le président haïtien lui a ensuite rendu la pareille en soutenant la candidature de Moïse au Congrès contre Frederica Wilson en 2012. En 2014, Martelly a nommé Moïse ambassadeur plénipotentiaire.

Hippolyte avait déclaré que ses deux leaders politiques préférés étaient le président haïtien Michel Martelly et le président américain Barack Obama.

Bien que peu de choses soient connues publiquement sur les activités de Paret en Haïti, en 2018, un promoteur de boîte de nuit basé à Miami, Joel Rousseau, a publié des photos sur sa page Instagram personnelle montrant des hommes en uniforme de Paret Petroleum opérant une plateforme de forage quelque part en Haïti. Rousseau a fait un don de 40 000 dollars au Obama Victory Fund le même jour qu’Hippolyte. Rousseau a fait un autre don de 35 000 dollars en septembre.

Ce n’est pas la première fois que le nom de Rousseau est mentionné dans le cadre du procès de Pras Michel. La campagne de trafic d’influence étrangère ne s’est pas terminée lorsque Trump est entré en fonction. En 2020, un important collecteur de fonds de Trump, Elliott Broidy, a plaidé coupable pour son rôle dans la conspiration avec Michel et a fourni des témoignages sur la manière dont lui et Michel ont réalisé d’énormes profits dans leurs efforts pour convaincre l’administration Trump d’abandonner son enquête sur le scandale 1MBD. En 2019, ProPublica a obtenu le mandat de perquisition du bureau de Broidy dans le sud de la Floride :

Le mandat de perquisition du bureau de Broidy mentionne également un nom et une société qui n’avaient pas été précédemment liés à Broidy : «Joel Rouseau» et «Intelligent Resources». Il existe une société de ce nom constituée à Miami Beach par un certain Joel Rousseau, qui est un ami de Michel. Le mandat de perquisition ne décrit pas le rôle de Rousseau ni d’Intelligent Resources dans l’affaire.

Rousseau, Toussaint et Hippolyte ont tous une relation directe avec Michel. Le lien ci-dessus, provenant de l’article de ProPublica, montre Rousseau avec Michel et Wyclef Jean lors d’une fête en 2006 que Rousseau aurait organisée pour l’anniversaire de Michel. Le même site contient également des photos d’un événement de 2009 qui s’est tenu à West Hollywood où apparaissent Toussaint, Hippolyte et Rousseau aux côtés de Michel. On peut également voir dans l’une des photos l’actrice haïtiano-américaine Claudine Oriol. Le même jour qu’Hippolyte et Rousseau, Oriol a également fait un don de 40 000 dollars au Obama Victory Fund.

Moïse a fait campagne en faveur de Martelly, et le président haïtien lui a ensuite rendu la pareille en soutenant la candidature de Moise au Congrès contre Frederica Wilson en 2012. En 2014, Martelly a nommé Moise ambassadeur plénipotentiaire.

Pras Michel était également directement impliqué dans la campagne de Michel Martelly pour la présidence en 2010. Pendant la prétendue conspiration, Michel a produit un documentaire sur la campagne intitulé «Sweet Micky for President», réalisé par Ben Patterson d’Onslot Productions. Le 31 août 2012, Patterson a fait un don – vous l’avez deviné – de 40 000 dollars au Obama Victory Fund.

Deux semaines plus tard, le 13 septembre 2012, Pras Michel lui-même a fait un don de 40 000 dollars au Obama Victory Fund. Au tribunal, Michel a prétendu avoir donné environ 800 000 dollars à la campagne d’Obama par le biais de différents prête-noms. Les dons potentiellement illégaux mentionnés ici totalisent seulement 240 000 dollars.

Lire aussi : Comment l’assassinat de Jovenel Moïse s’est déroulé minute par minute et message par message

Dans un fil de discussion sur Twitter, Friedman, le journaliste de Mother Jones, a fourni des détails supplémentaires sur le système de dons frauduleux. Les procureurs ont présenté une lettre de Michel qu’il avait envoyée aux «amis» à qui il avait remboursé des dons politiques. «Vous avez envoyé à vos amis des lettres mentant sur les conditions dans lesquelles vous leur avez initialement donné de l’argent et les menaçant d’une action en justice pour couvrir vos traces. C’est bien cela ?» a rapporté un avocat du ministère de la Justice en posant la question à Michel. «Oui», a répondu Michel. Pourtant, Michel prétendait qu’au moment des dons, il ne savait pas que cette pratique était illégale.

Si les auteurs reçoivent des commentaires de l’une des personnes mentionnées, l’article sera mis à jour.

Image de couverture : Prakazrel «Pras» Michel arrive au tribunal jeudi. | © Andrew Harnik/AP/Shutterstock


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Jake Johnston is a Senior Research Associate at the Center for Economic and Policy Research and author of the forthcoming book, Aid State: Elite Panic, Disaster Capitalism, and the Battle to Control Haiti.

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