POLITIQUE

Le roi Charles III était impliqué dans la reconstruction ratée de Port-au-Prince

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Une organisation dirigée par le nouveau roi de l’Angleterre avait été sollicitée par l’État haïtien. Le projet n’a jamais vu le jour

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Les unes médiatiques élogieuses fusaient pour « The Prince’s Foundation» du prince Charles d’Angleterre. L’organisation venait d’obtenir 295 000 dollars américains de l’État haïtien pour élaborer un plan de reconstruction de Port-au-Prince après le tremblement de terre catastrophique de la même année.

C’était en septembre 2010.

12 ans après, le projet porté par celui qui vient d’accéder au trône comme nouveau roi le 8 septembre dernier après le décès de la reine Élisabeth n’a jamais été matérialisé.

Deux ans après le cataclysme, deux autres plans de la ville ont rejoint les tiroirs à côté de celui porté par le Prince Charles. Chaque initiative a siphonné des centaines de milliers de dollars en frais de consultations et d’élaborations.

« Nous allons faire une fusion des différentes propositions et proposer une version finale de la reconstruction du centre de la capitale », avait assuré en 2012 à l’AFP Arry Adam, chef de l’autorité chargée de la reconstruction.

La fondation du prince Charles avait pour mission d’élaborer un plan de construction et faire des propositions à l’État haïtien sur l’organisation spatiale d’un périmètre déclaré d’utilité publique le 2 septembre 2010.

Le périmètre en question, d’environ 200 hectares, est bordé au nord par la rue des Césars, au sud par la rue Saint Honoré, à l’est par la rue Capois et à l’ouest par le bord de mer. L’État haïtien, représenté à l’époque par le ministre de l’Économie et des Finances, Ronald Baudin, avait voulu transformer ces espaces en un centre administratif et financier.

« Dans notre contrat, il y a une spécification du type de bâtiments dont le gouvernement haïtien a besoin. Nous devons également travailler sur la configuration des rues, la structuration des transports public et privé. Aussi, nous devons nous occuper des arrangements du bord de mer. Il faut que tout cela appartienne vraiment aux gens qui vivent à Port-au-Prince », avait déclaré Hooper Brooks, directeur international des programmes de The Prince’s Foundation.

Un espace piéton où les gens peuvent se promener et programmer des rencontres entre amis, familles, entre autres, était prévu pour le bord de la mer, selon Brooks. Le projet renfermait également la construction d’un port de croisière et des immeubles avec des appartements pour les résidents.

L’architecte haïtien Leslie Voltaire menait ce projet de reconstruction de la ville de Port-au-Prince. Il était en contact direct avec les membres de la fondation du Roi d’Angleterre, Charles III. L’architecte Voltaire n’a pas répondu aux appels de AyiboPost pour une demande d’interview.

La coopération entre l’État haïtien et The Prince’s Foundation n’a rien laissé de concret dans la ville de Port-au-Prince. Après la signature du contrat, le gouvernement du défunt président René Garcia Préval avait entamé des travaux de démolition de dizaines de bâtiments dans le centre-ville de Port-au-Prince.

Une bonne partie du centre-ville qui a été démolie n’a toujours pas été reconstruite.

AyiboPost n’a pas pu confirmer si les édifices en construction dans la cité administrative entamée depuis plusieurs années par l’État haïtien proviennent du plan de construction de la fondation du nouveau Roi.

The Prince’s Foundation a fait échec en Haïti. Mais la fondation a déjà contribué à redessiner des centres-villes dans des conditions souvent difficiles. C’est le cas par exemple de la ville de Kingston en Jamaïque et celle de Kaboul en Afghanistan.

Les relations entre Haïti et l’Angleterre remontent bien avant la révolution de 1804. Les Anglais ont envahi plusieurs villes du pays, sous la demande des grands planteurs français blancs, après la liberté générale des esclaves.

Une bonne partie des grandes plantations a été consumée par le feu après la révolte des esclaves en 1791, raconte l’historien Jean Ledans Fils. Les français de la colonie d’alors avaient demandé de l’aide à l’Angleterre afin de rétablir les exploitations.

Plus tard, le général Toussaint Louverture combattra les Anglais lorsqu’il s’était rallié à la France.

Les Anglais étaient toujours présents en Haïti même après la bataille de l’indépendance, selon l’historien Ledan. Une commune du département du sud porte d’ailleurs le nom « Les Anglais », à cause du débarquement fréquent de soldats de l’Angleterre dans la zone.

Les Anglais ont développé des traités avec Jean Jacques Dessalines et Alexandre Pétion. Ils constituaient un pôle politique et culturel important pour le royaume de Henri Christophe dans le Nord. Le Roi Henri premier avait préféré coopérer avec l’Angleterre notamment dans l’enseignement qu’avec la France.

Photo de couverture : Prince Charles rencontre l’ancien Premier ministre, Laurent Lamothe à Londres en 2012.

Journaliste à AyiboPost. Communicateur social. Je suis un passionnné de l'histoire, plus particulièrement celle d'Haïti. Ma plume reste à votre disposition puisque je pratique le journalisme pour le rendre utile à la communauté.

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